Naturavox. Par Jérôme Messina
On se sent souvent soulagé une fois franchi le pas de la porte d’entrée. Loin du bruit, de l’agitation et de la pollution qui rendent parfois notre quotidien si désagréable. Pourtant, nos maisons n’ont rien du petit nid douillet que l’on imagine. Bien au contraire. Une étude récente de l’Observatoire de la Qualité de l’Air Intérieur a expertisé 567 logements, représentatifs du parc français. Les résultats qu’elle livre sont effrayants. 1/3 des foyers présente un taux de pollution élevé. Matériaux d’isolation, bois, moquettes, teintures, produits ménagers, cosmétiques… les polluants se retrouvent dans quantité d’endroits de nos maisons. Même le sol sous nos pieds peut être toxique. Prises séparément ces substances n’ont, pour la plupart des personnes, rien de dangereux. Mais accumulées et combinées, elles deviennent de véritables poisons. Les maladies respiratoires comme l’asthme, les allergies ou les cancers, se sont multipliés ces dernières années. Des personnes sont même devenues « hypersensibles chimiques ». Si la responsabilité de certains polluants toxiques dans ces affections est clairement établie, la réglementation tarde à s’imposer. Des chercheurs comme André Cicolella (voir l’interview) et d’autres, se battent pour que les pouvoirs publics s’emparent du problème. Mais l’affaire n’est pas simple, comme nous l’explique Fabien Squinazi, directeur du Laboratoire d’Hygiène de la Ville de Paris (voir l’interview). D’abord parce qu’il n’existe pas de valeur seuil sur la toxicité des polluants pour imposer une réglementation. L’Afsset, l’organisme chargé de la prévention des risques sanitaires liés à l’environnement, travaille actuellement sur le sujet. Et même si une réglementation existait, elle ne protégerait pas forcément les consommateurs. Car les produits ne renferment en général que de faibles doses de substances toxiques. Ce qui est dangereux, c’est l’accumulation de ces produits. Mieux vaut donc, comme le recommande le docteur Squinazi, « consommer moins mais consommer mieux ». Si vous ne savez pas par où commencer, alors suivez ce petit guide « de la maison propre », préparé par nos soins. Règle n°1 : Définissez vos priorités Avant de retourner votre maison de fond en comble, demandez-vous d’abord quel est l’intérêt de votre démarche. Etes-vous réellement malade ou bien simplement intéresser par le sujet ? Cette question est importante car, selon votre situation, vos priorités pourront être sensiblement différentes. Cette première partie s’adresse plus particulièrement aux personnes souffrantes. Si vous ressentez chez vous des affections que vous n’avez pas ailleurs, le mieux à faire est d’abord de consulter un médecin. Il pourra déjà poser un premier diagnostic et, en fonction des renseignements que vous lui apporterez, demander si besoin des analyses plus précises. Il est possible par exemple de faire expertiser l’air d’un logement mais sans cet « aiguillon médical », l’entreprise devient vite un casse tête. Imaginez qu’il existe dans une maison plus d’un millier de polluants. Et que tous sont suceptibles d’être responsables de vos maux voire ne pas y être liés du tout. Les polluants toxiques sont, en plus, difficiles à mesurer. Car, à la différence d’autres allergènes bien connus comme les acariens ou les poils d’animaux, ils sont très volatils et très dispersés. Bon à savoir : sur ordonnance médicale, certaines collectivités vous remboursent les tests. L’association SOSMCS, qui défend les personnes atteintes de troubles chimiques, pourra vous renseigner. Règle n°2 : Ouvrez vos fenêtres Le recours a des tests ne doit donc se faire qu’en cas d’obligation, pour des personnes malades ou des situations à risque comme sur certains sites industriels. Pour le reste, quelques gestes élémentaires de conduite suffiront à vous assurer une qualité d’air satisfaisante. D’abord, bien aérer son logement. Les constructions actuelles sont mieux isolées que ne l’étaient leurs ancêtres. Une tendance encouragée par les 2 chocs pétroliers et la nécessité de réaliser des économies d’énergies. Mais à vouloir calfeutrer nos maisons à l’excès, nous avons fini par en faire de véritables bunkers, totalement hermétiques. Emprisonnés entre quatre murs, les polluants s’accumulent, se mélangent et empoisonnent nos logements. Pour éviter de baigner dans un air trop pollué, pensez donc en premier lieu à ouvrir vos fenêtres, de préférence le matin quand l’atmosphère est encore fraîche. Cinq minutes suffisent à renouveler complètement l’air d’une pièce. En hiver, la tâche est plus rebutante mais pourtant, plus que jamais nécessaire. Car notre tendance naturelle à vouloir surchauffer nos maisons quand il fait froid augmente l’humidité intérieure ce qui ravive l’effet de certains polluants. Pour vous donner du courage, enfilez un bon pull et n’oubliez pas de fermer les portes derrière vous pour éviter les courants d’air. Autre conseil pratique, lorsque vous faites le ménage ou une activité qui nécessite l’utilisation de produits toxiques. Veillez à bien aérer la pièce dans laquelle vous êtes. Cela permet de diminuer sensiblement l’effet des polluants. Règle n° 3 : Contrôlez votre système d’aération L’aération naturelle devient problématique lorsque l’on habite en ville où l’air extérieur est lui aussi pollué. L’important dans ce cas est d’avoir un dispositif d’évacuation d’air en bon état de marche. Pour vérifier si l’air circule bien dans vos bouches d’aération, mettez un mouchoir devant l’entrée du conduit. S’il est aspiré vers la bouche, votre système fonctionne. Sinon, demandez à votre installateur une vérification. Une simple sortie d’air permet de diminuer en partie les polluants mais ne les élimine pas totalement. Pour vous assurer une ventilation optimale, optez pour des systèmes automatisés. Les fameuses VMC pour Ventilation Mécanique Contrôlée. Elles aspirent l’air vicié de nos maisons et le rejettent à l’extérieur. Des modèles existent en simple ou double flux. Les second, plus coûteux, ont l’avantage de récupérer la châleure aspirée et de la redistribuer dans la maison ce qui évite des surconsommations de chauffage. Règle n°4 : Purifiez l’air de vos pièces Vous trouverez dans le commerce tout un tas de gadgets pour purifier l’air de la maison. Plantes, ionisateurs, purificateurs d’air, … Attention, tous ne sont pas forcément de bonnes affaires ! Pour éviter des achats malencontreux, suivez ces quelques conseils. Les plantes : C’est a priori le moyen le plus efficace pour dépolluer l’air de nos maisons. Pour l’anecdote, c’est un chercheur de la NASA, un dénommé Bill Wolverton qui, dans les années 80, s’est le premier intéressé aux vertus purifiantes des plantes afin d’améliorer l’air des vaisseaux spatiaux américains ! Ces expériences ont montré que certaines espèces pouvaient absorber jusqu’à 90% de polluants comme le formaldhéyde ou le benzène. Si des études complémentaires, effectuées en situation réelle, ont par la suite minimisé ces estimations, elles n’en demeurent pas moins plus que positives. Seul inconvénient : les plantes dégagent de la vapeur d’eau. Mieux vaut donc éviter de les placer dans des pièces humides comme la salle de bain ou la cuisine. Vous trouverez sur le lien suivant une liste indicative de plantes efficaces pour traiter tous types de polluants : www.chuzeville.com Les ionisateurs : En théorie, l’idée est plutôt bonne. En augmentant le taux d’ions négatifs dans l’air, il est possible de diminuer sensiblement la teneur en particules de certains polluants ou agents pathogènes. Mais dans les faits, les résultats sont nettement moins probants. Les études scientifiques n’ont pour l’instant apporté aucune preuve d’un quelconque bénéfice des petits appareils vendus dans le commerce. Pire, certains peuvent même émettre de l’ozone, un polluant atmosphérique. Renseignez-vous auprès de votre vendeur. Les ionisateurs produisent en plus un champ magnétique qui peut aller jusqu’à 1 mètre 50 de distance. Si vous en avez chez vous, évitez donc de les poser près de votre lit ! Restent enfin les purificateurs d’air. Vous trouverez en magasin différents systèmes ; chacun ayant ses propres particularités. Les filtres au charbon actif, par exemple, agissent sur les odeurs et les COV (Composés Organiques Volatiles) alors que les filtres HEPA (en fibre de verre) combattent plutôt les particules. Si l’achat d’un appareil vous paraît nécessaire, préférez les systèmes combinés qui auront une action plus large. A moins que vous ne vouliez traiter une source de pollution particulière, auquel cas un seul type de filtrage suffira. Toutes les méthodes évoquées ci-dessus permettent de se prémunir contre les effets des polluants mais n’éliminent pas les polluants pour autant ! Si nos maisons n’étaient pas remplies de substances chimiques, nous n’y penserions même pas. Car c’est bien là l’origine du problème : Comment réussir à se débarrasser de tous les produits toxiques qui nous entourrent et que nous utilisons presque mécaniquement sans forcément nous soucier des dangers qu’ils représentent ? La tâche n’est pas simple mais en ciblant quelques sources particulièrement polluantes, vous arriverez à de bons résultats. Règle n° 5 : Préférez les matériaux naturels Il n’existe aucun matériau qui soit complètement propre. Tout produit, quel qu’il soit, émet naturellement des polluants. D’ailleurs, ce n’est pas forcément le matériau en lui-même qui est nocif mais souvent les traitements qu’il a subit. L’exemple du bois est à ce titre particulièrement révélateur. Le bois est à l’origine un matériau tout ce qui a de plus naturel. Mais pour empêcher qu’il ne se détériore ou ne « travaille » avec le temps, nous le bardons d’enduits. Insecticides, fongicides, peintures, lasures, vernis, … Résultat : il devient très toxique. Cette règle est valable pour n’importe quel produit. Pour faire simple : moins c’est transformé, moins ça pollue. Si vous construisez ou rénovez votre logement, les idées qui suivent pourraient vous intéresser. Les murs Ils ont une double incidence sur la qualité de l’air intérieur. Car ils sont à la fois émetteurs de polluants ; à des niveaux plus ou moins élevés selon leur composition, et récepteurs de poluants. Certains matériaux sont en effet plus perméables que d’autres et, pour prendre une expression imagée, permettent à la maison de mieux « respirer ». Au regard de ces deux critères, le monomur de terre cuite semble aujourd’hui le matériau le plus intéressant. Il est naturel, très perméable mais aussi, car ce n’est pas contradictoire, un bon isolant thermique. Le bois peut également s’avèrer un choix judicieux, à condition qu’il ne soit pas « traité ». Pour cela, préférez des essences résistantes et produites localement comme le chêne, le chataîgner, le red cedar, le pin douglas ou le mélèze. Si ces deux techniques sont à ce jour les plus abordables, d’autres, encore insuffisamment connues des constructeurs, pourraient bientôt s’étendre sur le marché comme la paille, la chaux ou même le papier. Les isolants Bien isoler sa maison est devenu indispensable compte tenu du prix de l’énergie. Mais les techniques traditionnelles, celles qui sont le plus couramment utilisées, sont malheureusement les plus nocives. Outre les matériaux aujourd’hui interdits comme l’amiante ou les mousses urée-formol, largement employées dans les années 60-70, des isolants plus communs et moins toxiques peuvent aussi se révéler à l’usage être des produits dangereux. La laine de verre ou de roche, par exemple, rejettent des particules suspectées d’être cancérogènes. Qui plus est lorsqu’elles sont mal contenues ! Des matériaux de sustitution existent pourtant. Au banc des bonnes découvertes figurent notamment le chanvre, le lin ou le liège. Tous trois sont de bons isolants thermiques et phoniques et s’adaptent à tous les usages (pose en plaques ou en vrac). A découvrir aussi, des techniques moins répandues comme la laine de cellulose (papier de journaux broyé), l’argile ou la fibre de bois. Les peintures et revêtements Avant de repeindre une chambre, de poser du papier peint, une moquette ou un parquet, regardez attentivement la composition des produits que vous achetez. Vous serez certainement surpris de voir ce qu’ils cachent. Les moquettes, qu’elles soient synthétiques ou en laine, sont certainement les plus dangereux. Traitées contre toute sorte de risques (le feu, les acariens, les moisissures, les bactéries, les taches), elles dégagent quantité de polluants aux noms incompréhensibles mais aux effets bien réels : irritations des yeux, de la peau, maux de tête. Elles sont, en plus, plutôt compliquées à entretenir. A éviter donc. Si vous cherchez des revêtements plus propres, essayez les minéraux naturels comme la terre cuite ou le grès ou même, plus exotiques, les fibres de coco ou de sisal. S’ils sont en bois massifs et non collés, les parquets peuvent aussi convenir. Pour les peintures à l’huile ou à l’eau, les risques sont tout aussi importants. Mélanges de solvants, de liants, de pigments, et de divers additifs (conservateurs, plastifiants, agents anti-UV), elles sont suceptibles d’émettre des polluants pendant des mois voire des années après leur application. Les peintures à l’eau, qui pourtant ne dégagent aucune odeur, se révèlent à long terme plus nocives que les autres à cause des éthers de glycol qu’elles contiennent et qui s’évaporent très lentement. Des produits entièrement naturels, d’origine minérale (ocre, craie, terre de sienne), animale (cire d’abeille, gomme-laque) ou végétale (huiles de lin, huiles essentielles, gomme arabique) sont vendus dans certains magasins. Faute de mieux, utilisez des peintures certifiées NF environnement. Règle n°6 : Redécouvrez les recettes de grand-mère Nos ancêtres avaient le goût des choses simples. Assurément. Ils connaissaient les propriétés naturelles des produits. Un tel pour se parfumer, un tel pour faire la lessive, un tel pour laver le sol ou récurer un évier. Et savaient les employer à bon escient. Le développement de la chimie a bouleversé ces pratiques. Les substances de synthèse ont remplacé les produits naturels. Et les polluants biologiques (poils d’animaux, acariens, moisissures), qui fourmillaient autrefois dans les maisons, sont devenus chimiques. Mais les craintes récentes émises par les scientifiques au sujet de certaines polluants comme le formaldhéyde ou les éthers de glycol, présents dans de nombreux produits d’utilité courante, marquent peut-être un tournant ou plutôt un retour vers des pratiques plus saines. Si tel est votre cas, ces méthodes, ressorties des cahiers de grand mère, vous sauront certainement d’une aide précieuse. Pour le ménage Nos activités ménagères nous exposent à de nombreux produits toxiques que l’on manipule souvent sans protection. Pour vous éviter de malencontreuses surprises, voici une liste indicative de produits 100% naturels dont l’efficacité est reconnue de longue date. Pour l’hygiène et les soins corporels De nombreux produits de beauté (crèmes, lotions, shampoings, teintures pour les cheveux, parfums, dissolvants de vernis à ongle) contiennent du formaldhéyde, un agent stabilisateur qui permet d’allonger leur durée d’efficacité. Cette substance est un puissant cancérigène reconnue par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé). Un conseil donc : éviter tant que possible les produits bas de gamme qui en contiennent davantage, qui plus est s’ils sont sous forme de bombes aérosols car elles laissent des particules toxiques en suspension dans l’air. Côté achat, préférez là encore les produits les plus naturels : les pains de savon naturels comme le savon de Marseille par exemple. Et pour découvrir tous les secrets d’une beauté 100% naturelle, consultez le site : www.nature-elle.info Pour les activités du dimanche Jardinage ou bricolage ? Quel que soit votre passe temps du week-end, limitez au maximum le contact avec les produits chimiques. Solvants, peintures, colles et détergents pour les uns, pesticides, engrais et fongicides, pour les autres. Pour les afionados du jardin, rendez-vous sur le site « Le jardin au naturel », qui vous sera de très bon conseil. Côté bricolage, les infos sont plus difficles à trouver. Le mieux est de s’en remettre, comme pour les matériaux de construction, à la norme NF qui garantit une moindre toxicité des produits. D’autres activités, que nous n’avons pas développé dans ce dossier car trop spécifiques, peuvent aussi s’avérer dangereuses. Au premier rang desquelles, le tabagisme. Le débat sur les ondes életromagnétiques des appareils électroniques fera quant à lui l’objet d’un dossier spécial sur NaturaVox. CONCLUSION « La pollution que nous supportons est d’abord celle que nous créons ». Cette phrase du docteur Squinazi résume à elle seule tout le paradoxe du problème, simple et extrêmement complexe à la fois. Simple car il suffirait finalement de ne plus polluer pour ne pas avoir à se soucier de notre environnement. Mais complexe, lorsque l’on envisage tous les éléments du système. Un système que nous ne pouvons d’ailleurs pas maîtriser totalement.
Choisissons-nous par exemple d’habiter près d’une voie d’autoroute ou d’un site industriel ? Evidemment, non. Mais si nous choisissions de ne plus prendre notre voiture ou de ne plus acheter de produits chimiques, l’autoroute ou le site industriel en question aurait-il une raison d’être ? Le propos est simpliste mais révélateur d’un mode de pensée dans lequel nous nous sommes enfermés. Libre à chacun de s’en affranchir.
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