Nouvelle offensive dans le monde de la viande industrielle

Agora32. 20 novembre 2010

Ce long dossier a été publié en octobre 2010 sur le site de la petite organisation internationale à but non lucratif GRAIN qui soutient la lutte des paysans et des mouvements sociaux pour renforcer le contrôle des communautés sur des systèmes alimentaires fondés sur la biodiversité.

De nos jours, les pays du Sud consomment apparemment de plus en plus de viande. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), la consommation de viande par habitant dans les pays en développement a doublé entre 1980 et 2005, et la consommation d’œufs y a été multipliée par trois. Comment expliquer cette évolution ? Pour certains, le facteur majeur a été l’augmentation des revenus en Asie, mais cela peut difficilement justifier une hausse aussi énorme. La raison principale est plutôt à chercher du côté de l’approvisionnement. Les entreprises de l’agrobusiness, soutenues pas de fortes subventions et par les gouvernements, ont réussi, au cours des dernières décennies, à pousser la production mondiale de viande à des niveaux inouïs, provoquant des conséquences dévastatrices pour les animaux, les personnes et l’environnement. Une grande partie de cette production industrielle se fait désormais dans les pays du Sud, où une nouvelle génération de compagnies transnationales (TNC), originaires de ces pays, s’allient avec les firmes plus anciennes des pays du Nord, pour imposer “le dieu viande” d’un bout à l’autre de la planète.

Qu’est-ce qui alimente l’essor effréné du marché de la viande dans les pays en développement dans le Sud ? La réponse la plus évidente est l’abondance de viande bon marché provenant de fermes industrielles, elle-même rendue possible par l’abondance d’une alimentation animale bon marché. L’explosion actuelle de la consommation de viande n’est que la répétition de ce qui s’est passé il y a des années au Nord, quand les entreprises ont commencé à installer des fermes industrielles et des parc d’engraissement, pour transformer en protéines animales destinées à la restauration rapide et aux supermarchés les montagnes de céréales et d’oléagineux produites grâce aux subventions. On se débarrassait – et c’est toujours le cas - des excédents de viande, depuis les cuisses de poulet congelées aux tripes de bovins, dans les pays pauvres.

Derrière le système de la viande industrielle, s’agite tout un monde de grandes entreprises impliquées dans la production et le commerce de la viande. C’est un système qui reçoit toutes sortes de subventions, aux États-Unis comme en Europe. Selon certaines études, le prix d’une livre de viande hachée aux États-Unis devrait avoisiner les 30 dollars US, plutôt qu’un à deux dollars, le prix de vente habituel dans les centres de vente en gros. [1] Si l’on annulait ne serait-ce que les subventions sur l’alimentation animale, les coûts d’exploitation pour les producteurs de viande américains seraient environ 10 % plus élevés et on commencerait probablement à voir des stands de fruits et de légumes remplacer les Kentucky Fried Chicken et les McDo dans les quartiers pauvres. [2] Dans l’Union européenne, une vache reçoit en moyenne 2,50 dollars US de subventions par jour, alors que les deux tiers de la population de l’Afrique sub-saharienne vivent avec moins de deux dollars par jour. [3] Que ce soit aux États-Unis ou en Europe, la plupart des gens, les pauvres en particulier, sont obligés de manger de la viande bon marché. Et c’est le modèle qui est en train de s’imposer partout dans le monde.

Encadré n° 1 : Les investisseurs étrangers s’emparent des fermes uruguayennes

Les secteurs uruguayens de la viande et des produits laitiers, vantés pour leur potentiel exportateur, sont devenus des domaines de choix pour les investisseurs étrangers. Les exportations de bœuf en provenance de l’Uruguay ont plus que quadruplé depuis 1995. Mais au cours de la même période, les emballeurs de viande étrangers se sont emparés de l’industrie et dans ce pays, même les ranchs sont la proie des investisseurs étrangers. Aujourd’hui, quelque 60 % des exportations de bœuf d’Uruguay sont sous le contrôle d’entreprises étrangères ; le brésilien Marfrig en contrôle à lui seul près de 30 %.

En ce qui concerne les produits laitiers, l’Uruguay est le producteur qui se développe le plus vite au monde ; ce pays est déjà le cinquième exportateur. Dans ce domaine aussi, on a assisté à la même vague d’investissements étrangers. L’une des firmes concernées est New Zealand Farming Systems Uruguay : mise en place par des investisseurs néo-zélandais, la firme fait aujourd’hui l’objet d’une OPA hostile par l’un des plus gros négociants en matières premières agricoles, le singapourien Olam, qui possède déjà environ 14 % des parts de la firme. En août 2010, l’entreprise avait déjà fait l’objet d’une offre rivale par une firme uruguayenne. Mais les apparences sont trompeuses. La firme en question, Union Agriculture Group (UAG), n’est que très partiellement uruguayenne : Ses deux fondateurs de Montevideo ne contrôlent plus que 14 % des parts ; le reste appartient à Black Rock, à la Deutsche Bank et aux autres investisseurs étrangers qui ont investi des fonds dans UAG pour booster leurs portefeuilles. [4]

C’est le bas prix de l’alimentation animale qui est le fondement de l’industrie de la viande aux États-Unis comme en Europe. Les lobbies et les transnationales de la viande comme Cargill, Tyson et Danish Crown, et leurs alliés dans les services alimentaires et le commerce de gros, sont prêts à tout pour empêcher les subventions de disparaître. Certes, de nouvelles sources d’alimentation bon marché se sont ouvertes, en particulier les grandes étendues de soja dans les pampas argentines et l’Amazonie brésilienne, mais cela n’a rien changé à la chose. Cela n’a fait qu’alimenter l’expansion de l’industrie de la viande aux quatre coins du globe.

La production de soja a été multipliée par dix depuis 1960 (cf. diagramme 1). La surface des terres fertiles utilisées pour produire cette culture dédiée à l’alimentation animale a augmenté de façon spectaculaire : 58 % depuis 1990, pour la plus grande part en Argentine et au Brésil. Dans le même temps, la surface qui reste disponible pour les cultures destinées à l’alimentation humaine, n’a pas cessé de diminuer. [5] Il faut également noter que le soja n’est que l’une des matières premières agricoles habituellement transformées en aliments pour animaux. La production de la patate douce, du maïs et d’autres céréales et leur utilisation comme alimentation animale ont également connu un essor extraordinaire.

Production mondiale de soja, 1960-1985 (millions de tonnes)

Production mondiale de soja, 1960-1985 (millions de tonnes)

Tableau n° 1 : Utilisation d’aliments concentrés par région, en millions de tonnes, en 1980 et 2005

Tableau n° 1

Le tableau 1 montre la croissance colossale de l’utilisation des aliments animaux industriels dans le monde dans les vingt dernières années. Le plus frappant est la croissance dans les pays du Sud. Cette augmentation de l’utilisation des aliments industriels reflète celle de la production industrielle de viande. Elle indique que l’agriculture industrielle est en plein essor dans les pays pauvres. Non seulement les gens mangent plus de viande, mais il s’agit de viande bon marché, produite de façon industrielle. Les conséquences de cette évolution sont tout simplement considérables.

Le système de la viande industrielle, initialement développé par les grandes entreprises du Nord est devenu un phénomène mondial. Comme nous allons le voir, le saccage ne connaît pas les frontières et aujourd’hui, les défenseurs de ce système sont eux-mêmes issus des pays du Sud. Il est temps de réajuster l’ancien prisme Nord-Sud à travers lequel nous avons l’habitude de voir le monde.

Une nouvelle génération de géants de la viande

L’une des raisons qui expliquent l’essor de la production de viande industrielle dans le Sud est que les grands conglomérats de la viande, comme les grandes sociétés dans les autres secteurs, se sont servi des structures de la mondialisation néolibérale pour délocaliser leurs activités dans des pays pauvres, où ils peuvent produire à moindre coût. L’Américain Smithfield, le plus gros producteur de porc du monde, a installé des fermes au Mexique et en Europe de l’Est. Tyson, un autre géant américain de la viande, a commencé dans les années 1990 à produire de la volaille en Chine ; la production est restée à une échelle relativement modeste jusqu’en 2010, quand Tyson a développé deux nouvelles fermes destinées à produire un total de 150 millions de volailles par an. Vers la même époque, Tyson a établi une co-entreprise en Inde, acheté des participations dans des parcs d’engraissement argentins et racheté trois grands producteurs de volaille brésiliens. La société française Doux, qui a transformé l’industrie de la volaille française en une production très industrielle destinée à l’exportation, a commencé à déplacer ses activités au Brésil en 1998, après avoir acquis un producteur de volaille brésilien et grâce à de généreuses subventions du gouvernement brésilien. Dès 2002, la moitié de la production totale de Doux, le cinquième producteur de volaille mondial, provenait du Brésil. [6] Les entreprises japonaises, quant à elles, ont délocalisé une grande partie de leur production de viande en Chine, et les producteurs de porc danois ont, quant à eux, délocalisé en Europe de l’Est.

Mais ce n’est pas qu’une histoire de grandes entreprises du Nord. En effet, de plus en plus, les capitaux mis à disposition pour construire fermes et parcs d’engraissement, produire et transporter l’alimentation animale et ouvrir les usines d’emballage de viande, proviennent de firmes du Sud et circulent des unes aux autres. Comme la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) l’indique, en 2008, 40% de tous les investissements hors frontières dans le domaine de la production agricole se sont faits entre pays du Sud. [7] De fait, un certain nombre d’entreprises de viande basées dans le Sud sont devenues de véritables transnationales et appliquent de façon très agressive leurs propres stratégies d’expansion hors de leurs frontières.

Le graphique n°2 classe les plus grandes entreprises de viande mondiales et montre comment les compagnies transnationales du Sud jouent maintenant dans la cour des grands. Toutefois, étant donné la vitesse à laquelle ont lieu les rachats et la complexité des relations entre les différentes compagnies, il est impossible de suivre dans les détails ce qui se passe.

Les dix plus grandes entreprises de viande mondiales, 2009 (millions de tonnes)

Les dix plus grandes entreprises de viande mondiales, 2009 (millions de tonnes)

Les moteurs de l’expansion

Pour se développer, une entreprise a besoin de capital. Ces derniers temps, l’industrie mondiale de la finance s’est empressée d’injecter des capitaux dans la production de viande dans le Sud. Depuis la crise financière de 2008, les investisseurs privés, depuis les fonds de couverture jusqu’aux fonds de pension, se sont découvert un énorme appétit pour les participations dans les entreprises de viande et de produits laitiers du Sud, et même pour les investissements directs en agriculture. Ainsi, au cours des dernières années, Goldman Sachs et la Deutsche Bank ont investi des centaines de millions de dollars pour acheter des parts dans des entreprises chinoises de production porcine, car ce marché est en plein essor. La Barclays Bank est l’un des nombreux investisseurs institutionnels qui ont acquis une participation majeure dans Zambeef, la plus grosse entreprise agroalimentaire zambienne. Plus au Nord, Citadel Capital, un fonds d’investissement égyptien qui achète des terres pour y produire de la nourriture en Afrique, a racheté un élevage égyptien de 11 000 vaches (cf. encadré n°1).

Mais on observe également beaucoup de manœuvres de la part des gouvernements pour booster les comptes bancaires des entreprises de viande du Sud. Certains gouvernements, en particulier celui du Brésil, tiennent absolument à développer leurs propres multinationales géantes dans le domaine de la viande pour qu’elles puissent remplacer les TNC du Nord dans l’approvisionnement des marchés internationaux et des chaînes de restauration rapide. La Banque de développement du Brésil (BNDES) a distribué 4,4 milliards de dollars US de financement aux quatre plus grandes entreprises de viande brésiliennes depuis 2008. [8] La Banque possède désormais 20 % de JBS et 14 % de Marfrig, les deux plus grosses multinationales brésiliennes de la viande.

D’autres gouvernements sont davantage motivés par les questions de sécurité alimentaire à long terme pour leur pays. Ceux de Libye et de Corée du Sud, par exemple, s’entendent avec des entreprises locales quand ils veulent acquérir des terres agricoles à l’étranger ; leur but est d’y produire de la nourriture pour la rapatrier dans le pays ou la vendre sur le marché international. Pour ce qui est de la viande, cela implique à la fois de promouvoir la production agricole à l’étranger – pour l’alimentation animale destinée à la consommation nationale – et d’investir dans la production animale à l’étranger. Ainsi la Chine s’assure des terres au Brésil pour produire des récoltes destinées à l’alimentation animale, tout en négociant des projets d’élevage aux Bahamas et en Tanzanie. COFCO, le géant du commerce des marchandises, qui appartient à l’État chinois, est très rapidement en train de devenir l’un des plus grands producteurs de viande et de produits laitiers en Chine ; en même temps, il s’est introduit à l’étranger en prenant une participation de 5 % dans le producteur porcin américain Smithfield en 2007. Assez paradoxalement, Singapour se tourne vers la Chine pour son approvisionnement futur en viande de porc. En 2010, une filiale de Temasek, le fonds souverain de la cité-État, a annoncé des investissements massifs dans un partenariat avec le plus gros producteur porcin chinois ; ce projet devrait finalement produire un million de porcs par an dans des fermes situées dans la province de Jilin ; la production est conçue principalement pour être exportée vers Singapour.

La croissance démographique et des ressources limitées en terres arables et en eau expliquent pourquoi beaucoup de pays du Moyen-Orient sont extrêmement inquiets de la vulnérabilité de leur approvisionnement en viande. Leurs importations de viande ont explosé, ainsi que celles d’alimentation animale. Les promesses diplomatiques du Brésil, de la Nouvelle-Zélande, des États-Unis et des autres grands exportateurs de viande et d’alimentation animale garantissant l’approvisionnement à l’avenir ne semblent pas avoir l’effet désiré, puisque plusieurs pays de la région continuent à soutenir, voire à encourager très activement, les efforts d’investissement de leurs entreprises privées dans la production de viande et d’alimentation animale à l’étranger. Le quatrième producteur de volailles d’Arabie Saoudite, HADCO, qui appartient à Almarai, la plus grande compagnie laitière du royaume, a commencé à cultiver des céréales et du fourrage sur 10 000 hectares au Soudan et a l’intention éventuellement d’étendre la production sur 100 000 hectares. Hassad Food, qui appartient à l’État, installe de nouveaux élevages sur son sol au Qatar, mais acquiert aussi des terres destinées à l’élevage et à la production d’alimentation animale en Australie, au Brésil, en Turquie et en Uruguay. L’Iran, lui aussi, a rejoint le mouvement : en 2009, le gouvernement brésilien a rejeté une demande officielle d’ achat de terres par l’Iran. Quelques mois plus tard cependant, on a appris que des investisseurs iraniens se lançaient dans un projet d’élevage de bétail et d’usine d’aliments au Sud de la Russie et qu’ils avaient l’intention d’y construire une ferme-usine pouvant contenir 1,2 million de volailles. [9]

Mais toutes ces initiatives gouvernementales ne servent qu’à faire de la place aux grosses pointures. Le système alimentaire mondial est dirigé par les grandes entreprises et ce sont leurs stratégies qui définissent les flux d’investissement. Quand Kentucky Fried Chicken (KFC) se développe en Chine, DaChan, l’un des plus gros producteurs de volaille chinois et l’un des fournisseurs de KFC, fait de même. Tandis que le plus grand supermarché africain, Shoprite, ouvre des magasins au Nigeria, Zambeef, son principal fournisseur en Afrique australe, construit à côté des usines d’emballage de viande. Et tandis que Wal-Mart prend son essor au Mexique, Pilgrim’s Pride, la plus grande entreprise de volaille américaine, qui appartient désormais au brésilien JBS, suit la même évolution. De la même façon, quand JBS achète des parcs d’engraissement de bétail et construit des usines d’emballage en Uruguay, aux États-Unis ou en Australie, c’est dans le but de mieux approvisionner en bœuf ses clients mondiaux comme McDonald’s et Carrefour, sur des marchés interdits aux exportations brésiliennes à cause des restrictions sur la fièvre aphteuse. (voir Encadré 2 : Mc Marfrig)

Encadré n° 2 : McMarfrig

McDonald’s fut l’un des premiers à organiser son approvisionnement en viande à partir du Brésil. Dès 1982, l’entreprise a envoyé son principal fournisseur américain, OSI Group, pour ouvrir une usine au Brésil afin d’alimenter ses restaurants du Moyen-Orient. L’entreprise, Braslo Produtos de Carnes Ltda, est devenue le fournisseur exclusif de boeuf et de poulet des restaurants McDonald’s au Moyen-Orient, dans les Émirats Arabes Unis, à Bahreïn, au Liban et au Pakistan. En 2008, Braslo a été racheté à OSI par Marfrig, l’une des plus grandes entreprises de viande du Brésil, en même temps que les usines européennes de volaille d’OSI. Le rachat des usines européennes comprenait l’énorme usine de Moy Park en Irlande du Nord, qui vend quelque 200 millions de poulets par an. Marfrig est ainsi devenu le plus grand fournisseur de viande de McDonald’s en dehors des États-Unis, et OSI a acquis un siège au conseil d’administration de Marfrig et environ 10% des parts de l’entreprise.

Peu après, Marfrig s’est enfoncé encore un peu plus dans sillage de McDonald’s, en rachetant l’entreprise de volaille brésilienne de Cargill, Seara en 2009, et Keystone Foods aux États-Unis en 2010. Keystone est l’un des principaux fournisseurs de viande des Mc Do aux États-Unis et dans le monde : il possède 54 usines de viande aux États-Unis, en Nouvelle-Zélande, en Australie, dans l’Union européenne, en Asie et au Moyen-Orient. Sa filiale malaise, Mac Food, envoie sept millions de livres [environ 3 200 tonnes] de viande halal au Moyen Orient chaque année. Keystone affirme fournir plus de 28 000 restaurants rapides dans le monde, ce qui a représenté en 2009 un chiffre d’affaires net de 6,4 milliards de dollars US.

Avec toutes ces acquisitions, dont plus de 35 ont été faites entre 2006 et 2008, Marfrig est devenu la deuxième entreprise de viande du Brésil et le plus gros fournisseur de viande de McDonald’s qui assure servir 1,6 millions de personnes par jour. Tout ceci, bien sûr, n’a été possible qu’avec la bénédiction de McDonald’s. En fait la stratégie d’expansion de Marfrig consiste principalement à satisfaire les besoins de McDonald’s et de ses autres gros clients mondiaux, qui veulent la viande la moins chère possible et un petit nombre de fournisseurs. Pour ce faire, Marfrig doit être capable de produire de la viande hors du Brésil. Dans le cas du bœuf par exemple, 61 % du marché mondial du bœuf est fermé aux exportations brésiliennes, à cause des restrictions contre le fièvre aphteuse. Désormais, grâce à ses récentes acquisitions, Marfrig peut faire appel à ses usines en Australie, en Uruguay ou aux États-Unis pour fournir du bœuf à ses clients de la restauration rapide, sur des marchés fermés au bœuf brésilien. L’entreprise peut aussi se servir de son envergure mondiale pour mettre la pression à ses ouvriers. Des ouvriers d’une usine de viande argentine de Marfrig sont actuellement embourbés dans un conflit du travail provoqué par ce qu’ils considèrent comme des conditions « inhumaines » à l’usine. [10]

Pour assurer son expansion dans le monde, Marfrig doit aussi mondialiser son capital. L’entreprise a vendu des parts et proposé des participations comme moyen de financer son expansion. Elle a aussi beaucoup emprunté à des banques étrangères. Cette firme qui était encore privée et familiale en 2006 est devenue une société cotée et ses fondateurs brésiliens ne disposent plus que de 43 % du capital. La BNDES en possède 13 % et le reste appartient aux investisseurs étrangers.

Des pavillons de complaisance

Le rôle des gouvernements dans ce jeu est surtout d’aider leurs entreprises et leurs élites nationales à naviguer à leur gré sur ces marchés, en signant des accords bilatéraux et des accords d’investissement, ou en mettant en place des missions diplomatiques pour annuler les restrictions sur les importations. L’accord de libre-échange Thaïlande-Australie, par exemple, a été surtout une forme de marchandage : les entreprises laitières australiennes ont racheté le marché laitier thaïlandais et CP, le géant de l’agrobusiness thaïlandaise a obtenu le marché de la volaille australien. [11] Prenons encore les récentes négociations commerciales sur la volaille entre le Brésil et la Chine : en mai 2009, le président brésilien Lula est allé en Chine, où il a réussi à convaincre le gouvernement chinois de lever les restrictions sur les importations de volaille brésilienne qui avaient été imposées suite aux épidémies de maladie de Newcastle. Cela ne veut pas dire que “le Brésil” en tant que tel a maintenant le droit d’exporter ses volailles vers la Chine, mais que les cinq usines brésiliennes de viande autorisées à exporter en Chine peuvent se remettre à exporter. La première cargaison à arriver en Chine après l’embargo a été les 300 tonnes de poulet envoyées par Doux, l’entreprise française, de sa filiale brésilienne Frangosul.

De la même façon, en 2008, l’UE a levé une interdiction d’importer de la volaille chinoise qui avait duré six ans, en acceptant les exportations en provenance de la province de Shandong. Selon un fonctionnaire du service provincial pour le commerce étranger de Shandong, « c’est une bonne nouvelle pour les producteurs chinois et surtout pour les paysans ». Mais on peut difficilement parler de victoire pour les paysans chinois : La décision européenne est intervenue deux semaines après de rachat par Tyson de l’un des plus gros exportateurs de volaille de Shandong, l’une des six entreprises que la Commission européenne avait autorisées à exporter de la viande de volaille. [12]

Si les poulets des grandes entreprises ont des problèmes d’identité, le bétail en a également. Depuis que la maladie de la vache folle a été confirmée dans les troupeaux américains en 2003, de nombreux pays avaient fermé leurs frontières au bœuf américain. Washington et le lobby américain de la viande ont depuis fait des efforts énormes pour essayer d’amadouer - voire de leur forcer la main – les gouvernements étrangers, afin de leur faire rouvrir leurs frontières. [13] Ils ont même ré-écrit les règles de l’Organisation Mondiale de la Santé Animale (l’OIE) - l’organisme responsable de la réglementation mondiale en ce domaine - pour déclarer que le bœuf américain était sans danger. [14] Néanmoins, les citoyens s’inquiètent non seulement des conséquences sur la santé mais aussi des incidences socio-économiques et politiques de ces importations de bœuf américain (principalement la ruine des éleveurs locaux) et ont lancé de nombreuses campagnes citoyennes en Corée, en Australie et à Taiwan. Ces mouvements ont été si importants que le “bœuf américain” est communément appelé “bœuf de la vache folle”. Ces termes, en Asie-Pacifique du moins, sont interchangeables. Cependant, ce que beaucoup de gens ne saisissent pas, c’est que le brésilien JBS s’est progressivement hissé au sommet de l’industrie américaine de l’emballage du bœuf. Les vaches peuvent donc au départ être élevées dans des fermes américaines par des producteurs indépendants, mais les parcs d’engraissement, les abattoirs et les usines de transformation sont presque tous aux mains de responsables brésiliens.

Faisons les comptes

Résultat de tous ces investissements financiers : toujours plus de viande industrielle. Ceci signifie plus d’élevage intensif, des chaînes de production toujours plus rapides et encore plus de malbouffe. Les conséquences sur les personnes et sur la planète sont désastreuses.

Les agriculteurs sont les premières victimes. Dans les pays qui importent de la viande bon marché, les producteurs locaux perdent leurs marchés. Et quand les grandes entreprises installent leurs exploitations dans le pays, les producteurs locaux sont tout bonnement ruinés et perdent leur moyen de subsistance. L’essor de l’industrie de la volaille chinoise depuis le milieu des années 1990 a obligé 70 millions de petits producteurs à abandonner leur élevage de volaille. [15] Dans un pays comme la Roumanie, l’ouverture du marché aux importations et l’entrée des grandes entreprises dans la production de porc, ce qui concernait aussi bien les firmes étrangères que nationales, a provoqué la disparition dramatique de 90 % des éleveurs porcins entre 2003 et 2007 : leur nombre a en effet chuté de 480 000 à 50 000 en moins de quatre ans. [16]

Ceux d’entre eux qui ont survécu doivent accepter les conditions imposées par les arrangements de la production sous contrat ou accepter de vivre en marge du système, une existence très précaire ; en effet la concentration des grandes entreprises et l’application de normes privées font qu’il est de plus en plus difficile pour eux d’avoir accès aux marchés et de poursuivre leurs pratiques agricoles traditionnelles. [17] Ainsi, les mesures destinées à lutter contre la grippe aviaire au Vietnam excluent les petits producteurs de volaille des grands marchés urbains et interdisent les basse-cours familiales, compromettant la survie de millions de paysans vietnamiens. Ces mesures sont d’autant plus ridicules qu’on sait pertinemment que c’est une des fermes de Charoen Pokphand (CP) qui a été à l’origine de l’épidémie qui s’est ensuite propagée au Vietnam du Nord. [18]

Les ouvriers sont également très affectés. Aux États-Unis, les ouvriers de l’industrie de l’emballage de la viande ont pu organiser des syndicats et forcer les entreprises à leur accorder des conditions de travail et des salaires décents dans les années 1980. Mais les patrons ont réagi violemment en tentant de briser les syndicats et en engageant des émigrés dont le statut juridique très précaire rendait difficile la mise en place de syndicats. Les entreprises ont ainsi pu réduire les salaires de moitié par rapport à leur niveau des années 80, tout en accélérant grandement la production. Aujourd’hui l’ouvrier d’une usine de volaille américaine reproduit en moyenne entre 10 et 30 000 fois les mêmes mouvements durant une période de travail. L’industrie de la viande est devenue le lieu de travail le plus dangereux des États-Unis. [19]

Le modèle américain est en train de se répandre partout dans le monde. Les syndicats européens des travailleurs de la viande mènent les mêmes batailles contre l’externalisation, l’embauche des émigrés et la délocalisation vers des pays où les salaires et les conditions de travail sont mauvais. [20] Au Brésil, où les syndicats sont bien représentés dans le secteur de la viande, les négociations avec les entreprises de viande du pays deviennent de plus en plus difficiles, au fur et à mesure que ces firmes se mondialisent. La dernière décennie, avec sa croissance tournée vers les exportations, a été particulièrement néfaste aux ouvriers du secteur de la volaille, qui sont le plus souvent des femmes. [21] Selon Sérgio Irineu Bolzan, ouvrier dans une usine de volaille de Cargill dans le Mato Grosso do Sul, le rythme de travail a doublé depuis qu’il a commencé à travailler dans cette usine en 1997. La conséquence en est que le taux des blessures associées aux mouvements répétitifs parmi les ouvriers a explosé, notamment parmi les femmes, car celles-ci ont tendance à occuper les postes nécessitant de bonnes compétences motrices. Une étude nationale récente au Brésil a constaté qu’un quart des femmes travaillant dans les usines de volaille brésiliennes souffraient de troubles musculo-squelettiques et que ce problème avait une incidence directe sur le taux de dépression. Près de 40 % des travailleuses de l’industrie de la volaille brésilienne en effet souffrent de dépression. [22] Les ouvriers affirment que les entreprises ont provoqué chez eux de véritables "épidémies" de graves problèmes sanitaires. [23]

De fait, d’un point de vue de santé publique, la viande industrielle est un désastre. L’entassement d’un grand nombre d’animaux dans les fermes industrielles, qui est déjà en soi un traitement inacceptable des animaux, entraîne un usage exagéré des antibiotiques et facilite l’émergence et la diffusion de dangereux agents pathogènes. Cela fait de la nourriture toxique pour les consommateurs, et en cas de problème, l’échelle même de cette production industrielle fait que le nombre de victimes monte rapidement ; on l’a encore bien vu lors de l’épidémie de salmonelles qui a récemment touché les producteurs d’œufs aux États-Unis (cf. l’article “A high-risk food system” dans la rubrique Seeds). Les fermes industrielles rendent aussi la vie des communautés environnantes infernale, en répandant des odeurs et des gaz dangereux qui provoquent des problèmes respiratoires et une pollution sévère des ressources aquatiques locales. En Chine, où l’expansion des fermes industrielles est plus rapide que partout ailleurs, le premier recensement national sur la pollution, publié en 2010, a beaucoup choqué en affirmant que l’agriculture était une plus grande source de pollution de l’eau que l’industrie ; les auteurs de l’étude blâmaient très clairement les fermes industrielles. [24] On comprend pourquoi les entreprises installent généralement leurs fermes dans les communautés pauvres qui n’ont pas grande influence en politique. [25]

Les dimensions du désastre environnemental sont énormes : L’agriculture industrielle est à l’origine de la perte de biodiversité animale ; la production industrielle porcine, par exemple, n’est fondée sur cinq espèces [26]. Ce système agricole déverse dans l’atmosphère des quantités de gaz à effet de serre (l’industrie de la viande est responsable à elle seule de 18 % du total des émissions de gaz à effet de serre [27]) et fait disparaître les forêts de façon directe, quand la forêt est coupée pour faire place au bétail, et indirecte aussi, quand on y fait des cultures destinées à l’alimentation animale [28]). Plus généralement, le boom de l’industrie de la viande dans le monde est responsable de l’expansion considérable de la production industrielle des matières premières agricoles, comme le soja, qui chassent les communautés locales de leurs terres et transforment de petites exploitations durables en plantations industrielles, bouleversant et détruisant dans la foulée les paysages ruraux.

Quelques grains de sable pour enrayer la machine

Heureusement, des mouvements de lutte se mettent en place pour défier l’expansion de la production de viande industrielle dans le Sud, qu’elle soit imposée de l’extérieur ou non. Des groupes thaïlandais ont fait alliance pour résister à CP et ont commencé à communiquer avec des groupes d’autres pays où est implanté CP. De même, les groupes brésiliens qui suivent et remettent en cause les investissements de la Banque de développement du Brésil dans les multinationales brésiliennes commencent à prendre contact avec les gens des pays d’Afrique où travaillent ces entreprises. Au niveau local, les communautés mexicaines affectées par les fermes porcines industrielles rejoignent les réseaux nationaux pour la justice sociale et environnementale afin de combiner leurs efforts de résistance.. Et au sein des principales multinationales de la viande des pays du Sud, les ouvriers lancent des ponts au-dessus des frontières par l’intermédiaire de leurs syndicats : c’est ce que font les ouvriers de Marfrig et de JBS avec leurs homologues en Uruguay, en Argentine et en Europe.

Ces efforts pour bâtir des alliances sont essentiels et il faut absolument les soutenir, s’en inspirer et aller plus loin. Il faut aussi examiner avec une plus grande attention tout cette avalanche d’accords entre les gouvernements du Sud. Enfin, il faut travailler davantage à forger des connexions et des liens de coopération entre les groupes qui s’opposent aux multinationales du Sud et les gens affectés par les stratégies d’expansion de ces dernières à l’étranger. Les enjeux sont cruciaux. Le système de la viande industrielle est beaucoup trop dangereux pour le laisser se développer dans le Sud sans réagir.

Les petits nouveaux : les TNC émergentes dans le secteur de la viande

Brasil Foods (Brésil)

Brasil Foods a été formé en 2009 par fusion des deux plus grandes entreprises de volaille du Brésil, Perdigao et Sadia. La fusion était vue comme un effort désespéré pour sauver Sadia qui avait subi des pertes sévères quand la crise financière a gâché les 1,3 milliards de dollars US que l’entreprise avait mis en jeu sur le marché des dérivés monétaires. Cette fusion a permis à Brasil Foods de dépasser Tyson Foods, qui est ainsi devenu le plus gros producteur de volaille du monde. Brasil Foods exploite 42 usines dans cinq pays et a des succursales dans 17 pays, en Europe, en Amérique du Sud, au Moyen-Orient et en Asie. Les exportations représentent 42 % du total des ventes. La BNDES qui avait fourni le support financier pour faciliter la fusion, possède aujourd’hui 2,6 % de l’entreprise.

Charoen Pokphand (Thaïlande)

Charoen Pokphand (CP) est un conglomérat thaïlandais qui a été fondé par le magnat Danin Chearavanont, le plus riche individu de Thaïlande.et est encore étroitement contrôlé par lui. CP a débuté comme petite entreprise de semences de légumes pour devenir l’une des plus grandes firmes d’Asie du Sud-Est. Ses activités varient de l’agrobusiness, du commerce de détail, de l’immobilier, à la finance, l’industrie et les télécommunications. La CNUCED le place au 5è rang mondial des TNC de l’agriculture. Ses activités à l’étranger comptent pour un quart des recettes de son secteur de l’agrobusiness et del’alimentation et CP affirme avoir l‘intention de faire passer ce pourcentage à 40 % dans les cinq prochaines années, grâce à un projet d’expansion d’un milliard de dollars US.

Le cœur des activités de CP est la viande : CP est en effet le plus gros producteur mondial d’aliments pour animaux et l’un des plus grands exportateurs de volaille. Il contrôle près d’un tiers du marché commercial thaïlandais de la volaille, trois quarts du secteur de la transformation du poulet en Indonésie et 80 % de la volaille industrielle élevée au Vietnam. Il a également d’importants élevages de poulets au Bangladesh, au Cambodge, en Inde, au Laos, au Myanmar et en Turquie. Au cours des dernières années, CP a étendu de façon agressive sa production porcine ; de grandes fermes porcines devraient démarrer sous peu en Chine, en Russie, aux Philippines, au Laos et au Vietnam.

En Chine, CP poursuit actuellement un projet avec le gouvernement chinois et la Banque de développement de Chine (BDC) pour développer des “fermes-modèles” dans la province de Jilin ; celles-ci sont censées produire cinq millions de poulets et un million de porcs par an. En Russie, CP a signé un accord avec le gouverneur de Moscou pour construire et exploiter une grande ferme porcine d’un coût de 200 millions de dollars US aux abords de la capitale. CP prévoit qu’à la fin de 2013, ses fermes en Russie abriteront jusqu’à un million de porcs. D’autres projets d’élevages sont en cours au Pakistan où CP a acquis des terres dans la province du Sindh, ainsi qu’au Kenya et en Tanzanie, où CP a installé des filiales dont le capital initial se montait à 5 millions de dollars US.

Pendant ces deux dernières années, CP a rencontré régulièrement des responsables gouvernementaux et des hommes d’affaires de Bahreïn, afin de discuter les stratégies de ce pays pour assurer sa sécurité alimentaire à long terme. En 2009, CP a signé un protocole d’accord avec la banque bahreïnienne Al Salam, pour former une alliance stratégique concernant des investissements agro-industriels.

DaChan Great Wall (Taiwan)

Great Wall Enterprise est un conglomérat taiwanais qui s’occupe de commerce et de transformation des céréales et des oléagineux, d’élevage de crevettes, de volaille et de chaînes de restauration rapide partout en Asie. En 1990, l’entreprise a établi DaChan Food pour développer ses activités d’élevage de volaille et d’alimentation animale en Chine. C’est aussi le deuxième fournisseur d’alimentation animale en Malaisie et le troisième au Vietnam. DaChan est enregistré aux Îles Caïman et coté à la Bourse de Hong Kong. Great Wall possède 53 % de son capital, les autres investisseurs les plus importants étant l’entreprise agroalimentaire américaine ContiGroup (6 % du capital) et le fonds du gouvernement singapourien consacré aux investissements, le GIC (6 % également). Ces trois groupes sont considérés comme membres fondateurs de DaChan.

DaChan exploite dix fermes de volaille en Chine dont chacune a une capacité annuelle de 20 millions de poulets. L’entreprise prévoit de construire encore 50 fermes de la même taille. Actuellement, plus de 80 % de sa production de volaille en Chine reste sous-traitée à quelque 4 000 producteurs sous contrat.

DaChan s’est aussi développé en s’intégrant au mouvement d’expansion des entreprises de restauration rapide étrangères en Chine. Il y est le premier fournisseur de volaille de McDonald’s et fournit un tiers de son poulet à KFC. En juin 2009, l’américain Yum !Co. a signé un contrat d’achat de trois ans pour 250 millions de dollars US avec DaChan. DaChan est également un des plus grands fournisseurs de produits de transformation de la volaille au Japon, par l’intermédiaire de sa co-entreprise chinoise, Dalian Investment, avec Marubeni, le négociant et géant de l’agrobusiness japonais. DaChan est le plus grand exportateur d’aliments transformés en provenance de Chine pour Ito-Yokado et 7-Eleven au Japon.

En mai 2010, DaChan s’est lancé dans un partenariat avec des entreprises appartenant aux gouvernements singapourien et chinois, afin d’établir une exploitation porcine totalement intégrée dans la province de Jilin, en Chine. Les fermes sont censées produire un million de porcs par an. Ce partenariat fait partie d’un projet de 1,5 million de dollars US mené par le gouvernement de Singapour dans la province de Jilin et destiné à garantir son propre approvisionnement alimentaire et à développer des marchés à l’exportation vers le Japon et la Corée.

International Foodstuffs Company (Émirats Arabes Unis)

L’International Foodstuffs Company (IFFCO) est une entreprise privée dirigée par l’homme d’affaires émirati Iqbal Othman qui a été établie dans les EAU en 1975 par son holding, l’ Allana Group. L’Allana Group, propriétaire de Allanasons, est l’un des plus gros exportateurs indiens de produits agricoles et le plus gros producteur mondial de viande de buffle halal. Deux membres de l’Allana Group siègent au Conseil d’administration d’IFFCO. Les fermes de volaille d’IFFCO dans les Émirats produisent environ 2,5 millions de poulets par an.

En 2009, l’entreprise a commencé à multiplier ses exploitations et élevages dans le monde. Elle a lancé une co-entreprise détenue à parité avec Oman Flour Mills pour mettre en place l’une des plus grosses exploitations de volaille des Pays du Golfe, avec une capacité annuelle de 15 000 tonnes de poulet et de deux millions d’œufs à couver. Cette exploitation doit être installée sur 6 000 hectares à Oman, près de la frontière avec les Émirats. En 2009, IFFCO a également acheté 20 % de l’Australian Agricultural Company (AAco), ce qui lui a permis de devenir le principal actionnaire de la plus grosse entreprise australienne d’élevage de bovins, avec quelque 610 000 têtes, et les droits de propriété sur plus de sept millions d’hectares. IFFCO a depuis transféré ses parts d’AAco dans un partenariat malaisien à parité avec la plus grande entreprise de plantations du monde, le bureau fédéral de développement des terres (le Federal Land Development Authority ou Felda) en Malaisie. Un an plus tard, Felda et IIFCo ont annoncé la création d’une autre co-entreprise détenue à parité, Felda Global Ventures Livestock Sdn Bhd, qui se consacrera à l’élevage sur 850 000 ha dans les plantations de palmier à huile de Felda en Malaisie.

JBS (Brésil)

Les origines de JBS remontent aux années 1950 quand José Batista a commencé a acheter du bétail dans le centre du Brésil et à le vendre aux emballeurs de viande. Il ouvre un petit abattoir en 1957, devenant graduellement au cours des quatre décennies suivantes l’une des plus grandes entreprises de bœuf du Brésil, avec une capacité d’abattage de 5 000 bêtes par jour en 2000. C’est à ce moment-là que JBS s’est lancé dans une expansion spectaculaire. Dans les cinq années qui ont suivi, il a racheté de nouvelles usines de viande brésiliennes et acquis cinq usines argentines touchées par la crise économique nationale. En 2006, sa capacité d’abattage était passée à 22 600 bovins par jour, faisant de JBS la plus grande entreprise de transformation du bœuf de toute l’Amérique latine.

Mais tout cela n’était qu’un début pour JBS. En mars 2007, après avoir changé de non (Friboi devenant JBS), l’entreprise est devenue une société cotée à la Bourse de Sao Paulo, levant ainsi 800 millions de dollars US pour réaliser ses projets d’expansion. Peu après, JBS a commencé à dépenser des milliards de dollars, ce qui lui a permis de racheter certaines des plus grosses entreprises de bœuf aux États-Unis, en Europe et en Australie, ainsi que l’un de ses principaux concurrents brésiliens, Bertin. Il a de surcroît acquis une grosse entreprise de viande d’agneau en Australie et l’américain Pilgrim’s Pride, qui était, jusqu’à une date récente, la plus grande entreprise de volaille des États-Unis et l’un des plus grands producteurs de volaille du Mexique.

JBS est aujourd’hui la plus grande entreprise de viande du monde, avec des recettes annuelles de quelque 29 milliards de dollars US (dix fois celles de 2006) et une capacité d’abattage de 47 000 bêtes par jour. C’est la plus grande entreprise de bœuf du Brésil, le plus gros emballeur de viande d’Australie (21 % du marché), le plus gros emballeur également des États-Unis (32 % du marché), le plus grand transformateur d’agneau d’Australie, l’une des plus grandes entreprises de volaille des États-Unis et du Mexique, et le troisième producteur de porc américain. L’acquisition par JBS de l’emballeur italien Inlaca, en 2007, lui a permis d’asseoir sa présence sur les marchés russes, est-européens et nord-africains en plein essor ; ses acquisitions en Australie ont donné à JBS un meilleur accès aux marchés, au Moyen-orient, en Europe ou au Japon comme sur les autres marchés asiatiques. En 2009, JBS a annoncé l’ouverture de sa première exploitation en Russie, une usine de hamburgers de 119 millions de dollars US, destinée à approvisionner les McDo russes.

L’acquisition la plus récente de JBS date de juillet 2010 : il s’agit d’une usine de fabrication d’aliments et d’un parc d’engraissement de bétail aux États-Unis qui pourra confiner plus de 130 000 bêtes à la fois. Tout compris, JBS contrôle désormais plus de 10 % de toute la transformation de la viande dans le monde. [29]

« Nous avons déjà dépassé Tyson et ce n’est qu’un début, » a déclaré le PDG de JBS, Joesley Batista, 37ans, le fils du fondateur de la firme qui a désormais la responsabilité d’une vache sur dix dans le monde de l’élevage de bétail industriel.

JBS s’efforce maintenant de développer au Brésil davantage de parcs d’engraissement à l’américaine. En juillet 2008, l’entreprise a lancé la JBS Bank, qui va prêter 4 milliards de dollars US pour financer la construction de parcs d’engraissement aux 4 000 producteurs qui sont les principaux fournisseurs de JBS. JBS a l’intention d’étendre ses activités bancaires en Europe et en Australie et prévoit que 60 % de ses fournisseurs de bétail utiliseront des parcs d’engraissement d’ici deux ans, alors qu’ils n’étaient que 40 % jusqu’ici.

JBS est aux mains de la famille Mendonça Batista, par l’intermédiaire de ses holdings, J&F Participações et le ZMF Fund. Mais quelque 20 % de l’entreprise appartiennent actuellement à la Banque de développement du Brésil, qui a financé une grande partie des acquisitions de JBS au fil des années.

New Hope Group (Chine)

New Hope est un conglomérat chinois dont le siège est situé dans la province de Sichuan. Il emploie 60 000 personnes dans près de 400 filiales dont les activités peuvent être aussi bien l’agrobusiness que la chimie ou l’immobilier. La firme a été fondée en 1982 en tant qu’entreprise de production de volaille par Liu Yonghao et ses trois frères et fut l’une des premières compagnies privées autorisées, selon les nouvelles règles adoptées par le gouvernement chinois. Elle s&r


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Dernière mise à jour de cette page le 20/11/2010