Les Nouvelles News. Le 10 décembre 2010 par Arnaud Bihel
Sous le feu des critiques de parlementaires, vouée à se fondre dans le futur Défenseur des droits, la Haute autorité de lutte contre les discriminations se dote d'un nouveau président. Eric Molinié défend le rôle de « cohésion sociale » de l'institution... et cherche avant tout à « dépassionner les débats » qui l'agitent et qu'elle agite. |
Nommée à la tête de la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité) au printemps, Jeannette Bougrab avait promis de défendre « comme une tigresse » l'institution en passe d'être intégrée au futur Défenseur des droits. Mais elle en a quitté la présidence au bout de quelques mois pour rejoindre le gouvernement lors du dernier remaniement.
Son successeur, Eric Molinié, 50 ans, n'est pas du genre à sortir les griffes. Ce diplômé d'HEC, vice-président de l'Association des paralysés de France, a rejoint le collège des experts de la Haute autorité au début de l'année. Et son rôle est « d'assurer les missions de la Halde », que ce soit « dans les mois ou les années à venir, sous une forme ou sous une autre », a-t-il lancé aux sénateurs et députés qui l'ont auditionné, les 7 et 8 décembre, avant de donner leur aval à sa nomination.
Un « investissement de cohésion sociale »
Un homme de consensus à la tête d'une institution contestée. La Halde, et en particulier son budget sous la présidence de Louis Schweitzer jusqu'en 2009, a été l'objet de critiques tous azimuts ces derniers mois. En point d'orgue, une proposition de loi déposée le 18 novembre par des députés UMP, dont l'exposé des motifs est une charge sans nuance contre l'institution. Ils demandent sa suppression pure et simple, la qualifiant de « non seulement illégitime et inutile, mais (...), par dessus tout, extrêmement coûteuse pour la collectivité. »
Devant les parlementaires, Eric Molinié n'a pas manqué de répondre, en douceur, à ces attaques. Il assure, « chiffres à l'appui », que la Halde est une des structures de lutte contre les discriminations qui coûte le moins cher en Europe.
Et, quelles que soient les critiques sur la forme, une telle structure est indispensable, insiste Eric Molinier. Pour ses expertises techniques reconnues en matière de droit des discriminations, sur lesquelles la justice peut s'appuyer. Pour sa « réelle contribution à des enjeux de société », comme en témoigne son autosaisine sur la question des retraites pour les femmes, qui pointait le risque de discrimination supplémentaire lié aux écarts de salaire dans leur vie professionnelle.
« Mes quelques mois à la Halde m'ont renforcé dans une conviction », assure Eric Molinier : le budget de la Haute autorité de lutte contre les discriminations, « est un véritable investissement de cohésion sociale, au même titre qu'un Plan banlieues ».
Quelle place auprès du Défenseur des droits ?
Une institution attaquée, et un avenir incertain. La Halde ne devait pas, à l'origine, rentrer dans le champ de compétence dévolu au futur Défenseur des droits. Les sénateurs en ont décidé autrement en rattachant à ce dernier un adjoint et un collège chargés de « la lutte contre les discriminations et de la promotion de l'égalité ».
Eric Molinié ne juge « pas forcément mauvaise » l'idée d'un Défenseur des droits, qui peut permettre de mutualiser les compétences. Il estime pour autant que la Halde, du fait de la spécificité des dossiers qu'elle traite, « n'a pas vraiment sa place » dans cette structure qui doit aussi regrouper le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants et la Commission nationale de déontologie de la sécurité. "Quoi qu'il en soit, ce n'est pas à moi, mais à vous de décider de son avenir", a-t-il lancé aux parlementaires.
Baby Loup : pas de délibération hâtive
Encore une fois, une façon pour le successeur de Jeannette Bougrab de désamorcer toute polémique. De « dépassionner les débats » autour de la Halde.
Comme il défend cet esprit d'apaisement dans l'affaire de la crèche Baby Loup, dont le jugement aux Prud'hommes est attendu lundi 13 décembre. Une ex-salariée de cette crèche des Yvelines dénonce le fait d'avoir été licenciée parce qu'elle portait le voile. Sous la présidence de Louis Schweitzer, la Halde avait rendu une délibération en faveur de l'employée voilée. Aberrant, aux yeux de Jeannette Bougrab qui avait annoncé en octobre un réexamen du cas, au nom du principe de laïcité. Cette prise de position, plusieurs membres du collège de la Haute autorité ne l'avaient pas appréciée. Eric Molinié lui-même ne s'y associe pas. Hors de question de délibérer à l'emporte-pièce avant le jugement, explique-t-il : il faut « prendre le temps » d'étudier ce dossier complexe.
Le temps, c'est toutefois ce qui risque de manquer à la Halde en tant que telle. L'examen du projet de loi instituant le Défenseur des droits sera examiné à partir du 10 janvier à l'Assemblée nationale et la nouvelle institution pourrait être effective dès la mi-2011.
Photo : Eric Molinié à l'Assemblée nationale, le 8 décembre 2010.
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