Bakchich Info. Le 19 Juillet 2010 par Fabrice Nicolino
En 2002, un mathématicien russe résolvait l’énigme de Poincaré. Puis, au mépris de toutes les règles en vigueur refusait le million de dollars que lui offrait la communauté scientifique.
Inutile de jouer au savant que je ne suis pas. En 1904, le très grand mathématicien Henri Poincaré formula une conjecture restée sans solution pendant un siècle. En voici le texte : « Soit une variété compacte V simplement connexe, à trois dimensions, sans bord. Alors V est homéomorphe à une hyper sphère de dimension 3 ».
Bon. En effet. La suite est fascinante. Pendant une centaine d’années, des mathématiciens du monde entier tentent de résoudre ce qui leur apparaît comme une énigme majeure. Sans succès.
Et puis, soudain, en 2002, un long texte de 39 pages apparaît sur le site internet ArViv, qui accueille gratuitement des prépublications scientifiques. Son auteur est un mathématicien russe inconnu, Grigori Perelman. Il faut parler dès cet instant d’un défi aux règles les mieux établies. Car Perelman, en réalité, a trouvé la solution introuvable de Poincaré. Mais, au lieu de publier dans une revue prestigieuse, seule capable a priori de lui valoir consécration, il choisit une voie extravagante, sans aucune relecture de ses pairs.
Ce n’est qu’un début. En 2006, et peut-être pour ne pas sembler trop ridicule, le Congrès international de mathématiques de Madrid lui décerne la médaille Fields, sorte de Nobel des mathématiques.
Vérification faite, Perelman a bien résolu la conjecture de Poincaré. Or, par un mouvement en apparence incompréhensible, Perelman refuse de se rendre à Madrid et de recevoir le prix. L’affront aux normes sociales ne saurait être plus terrible. Mais Perelman n’en a pas fini avec les honneurs. La semaine passée, il a également refusé une récompense de 1 million de dollars offerte par une fondation américaine, le Clay Mathematics Institute (CMI ).
Refuser 1 million de dollars ? Perelman explique son geste d’une manière extraordinaire : « La raison principale de mon refus, déclare-t-il, est un désaccord avec la communauté […] mathématique. Leurs décisions ne me plaisent pas, je les considère injustes. » Injustes ? Selon Perelman, un autre mathématicien, l’Américain Richard Hamilton, aurait dû partager les honneurs avec lui. Le Russe se serait servi d’un outil créé par Hamilton et ne mériterait donc pas, seul en tout cas, sa récompense.
La morale de cette histoire ? Vous la voyez tout comme moi. L’attitude de Perelman, exemplaire, admirable, souligne par contraste ce qu’est devenue la science couchée de ce début de siècle, à la botte des entreprises, des États, des armées. Perelman est-il notre passé, ou notre seul avenir possible ?
2. Bee2Be - Le 23/09/2010 à 12:00
1. Jan Skiloper - Le 22/09/2010 à 02:41