Pour le onzième jour déjà de notre grève du zèle illimitée jusqu’au retrait total de la loi bousillant nos retraites par répartition, plumedepresse-Midi fustige ces éditocrates qui se font les porte-paroles zélés du discours UMPiste, se livrant à un véritable lavage de cerveau de la population sur l’air du « On ne peut pas faire autrement ».
Bourrage de crâne. Comme en 2005 pour le référendum, les grands médias ont choisi leur camp : il fallait applaudir avec enthousiasme à la construction de l’Europe libérale et antisociale, il faut aujourd’hui accepter cette contre-réforme prétendue « inévitable » et « nécessaire ». Le camarade de Politis Sébastien Fontenelle avait déjà fait un plaisant sort à Laurent Joffrin, ci-devant patron (barbichu) de Libération, auteur d’un éditorial le 12 octobre qui eût pu être dicté par Raymond Soubie, le conseiller « social » de l’Elysée. Son homologue du Monde, Eric Fottorino, n’a pas voulu être en reste et a publié à son tour hier sa profession de foi libérale, cette fois épinglé par Laurent Mauduit de Mediapart. Extraits.
Dans son style inimitable, Sébastien Fontenelle imagine un dialogue entre Nicolas Sarkozy et Raymond Soubie : après avoir lu Concessions de Laurent Joffrin, le premier est persuadé que ce texte a été écrit sous la dictée du second : « Raymond : je voulais savoir si vous étiez l’auteur de l’éditorial de Laurent Joffrin paru hier dans Libération ? (…) dès l’abord, il écrit que «chacun peut comprendre que des sacrifices sont nécessaires». (…) Au reste, voyez encore : il écrit aussi que «la majorité des Français, de toute évidence, juge qu’on ne peut pas rester en l’état, et qu’une réforme, celle-ci ou une autre, est nécessaire». (…) Et là – je vous jure qu’on dirait du Soubie : le voilà qui fustige «ceux qui souhaitent une radicalisation du mouvement» ! (…) Écoutez cela, Raymond :«Les directions syndicales, au sommet et dans les entreprises, (…) ne peuvent pas se transformer en marchandes d’illusions» ! » Conclusion sous la plume fontenellienne : « Mais Joffrin n’est-il pas de gauche ? Assurément si : mais de droite. »
La même petite musique est distillée par l’éditorial d’hier du Monde, sous le titre de La réforme, la méthode et les idées fausses, et c’est cette fois Laurent Mauduit qui proteste : « Pour ceux qui se demandent où va le journal Le Monde, ou du moins quelles sont les attaches de ceux qui le dirigent, je ne saurais trop conseiller une lecture, celle de l’éditorial que vient de signer le directeur de ce journal, Eric Fottorino, dans son édition datée du 15 octobre 2010, sur la réforme des retraites. Car, en vérité, elle est édifiante. Elle permet de comprendre tout à la fois la détestation de la gauche qui anime les responsables du quotidien en même temps que leur mépris pour ceux qui manifestent contre la réforme des retraites, tout particulièrement les jeunes. Tout est dit brutalement, presque maladroitement, sans finesse ni nuance. Se bornant à reprocher au gouvernement et à Nicolas Sarkozy, «un déficit d’explication» pour la réforme des retraites, il explique : «C’est justement ce déficit d’explication qui ouvre la porte aux idées fausses dont l’opposition socialiste est devenue le chantre, fourvoyant une partie de la jeunesse, à juste titre inquiète pour son avenir, dans une impasse empreinte de démagogie. Laisser croire par exemple que le marché du travail est un gâteau à partager, que plus les seniors resteront, moins les jeunes entreront, est une contre-vérité.» Et le directeur du Monde ajoute : «Malgré ses efforts, Mme Aubry ne parvient pas à dissiper l’impression première, qui, faute d’être forcément la bonne, demeure la plus forte : une confusion sur les véritables orientations du PS en matière de retraites, aggravée par l’engagement « totémique » d’un retour aux 60 ans pour l’âge légal du départ à la retraite. En se polarisant sur ce que M. Strauss-Kahn ne reconnaît pas comme un dogme, le PS se trompe de combat et risque de s’enfermer dans une attitude résolument passéiste».«Idées fausses», «démagogie», «engagement totémique», «attitude résolument passéiste» : Eric Fottorino n’a pas de mots assez durs pour condamner la position des socialistes, ce qui le conduitt donc, implicitement, à défendre la réforme des retraites conçue par Nicolas Sarkozy. En quelque sorte, on sent derrière ces lignes une très vieille inspiration, celle du « cercle de la raison », si chère à Alain Minc, qui fut en d’autres temps le président de conseil de surveillance du Monde : quiconque ose sortir de ce « cercle », celui de la pensée unique, est aussitôt pestiféré. (…) Le directeur du Monde écrit son éditorial comme Xavier Bertrand écrit ses tracts de l’UMP : on y sent du mépris, de la condescendance pour ceux qui manifestent. »
D’un côté, Libération et Le Monde (avec la quasi-totalité des médias mainstreams), armés de leur dogme du there is no alternative (Tina) cher à Margaret Thatcher, de l’autre Politis et Mediapart : combien de divisions de lecteurs ? Mais l’exemple de 2005 a prouvé que la propagande ne suffisait pas toujours. Et il semble que concernant le problème des retraites, le peuple a bien compris qu’on se payait sa fiole. C’est en tout cas ce que nous serons des millions à crier tout à l’heure dans la rue.