LE MONDE | 13.05.09 | 16h47 • Mis à jour le 13.05.09 | 16h47
Entre deux fenêtres est tendue la banderole qui porte le slogan phare de la mobilisation des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) : "Enseigner est un métier qui s'apprend". Elle a déjà beaucoup servi à l'IUFM de Paris-Batignolles ; elle servira encore, pour souligner l'opposition au projet de réforme qui modifie en profondeur le cursus des futurs enseignants. Cette réforme, dite de la "masterisation", fixe au master (bac + 5) le niveau exigé pour se présenter aux concours d'enseignement. Elle supprime la deuxième année de formation rémunérée en alternance (entre les classes et l'institut).
En bas, dans la cour de l'ancienne école normale de jeunes filles, devenue un des deux sites de l'IUFM de Paris, bavardent et plaisantent une quarantaine de personnes. Principalement de jeunes étudiantes, à l'image du recrutement, féminin à plus de 80 %, des enseignants du premier degré. Dans le jargon local, Eva Marie et Juliette Pont sont des "PE1", c'est-à-dire des professeures des écoles en première année de formation. Elles ont passé, début mai, les épreuves écrites d'admissibilité au concours et attendent les résultats pour "le 20 mai à 18 heures". Les épreuves orales sont prévues à partir du 8 juin, mais, avec 158 postes pour environ 1 000 candidats dans l'académie de Paris, rien n'est acquis...
Pour l'instant, devant la petite foule, elles portent à bout de bras une autre banderole, fraîche du jour : "IUFM occupé, pour une formation de qualité". L'établissement est occupé jour et nuit, depuis le lundi 11 mai. Devant la banderole, deux autres étudiants, une jeune femme et un jeune homme, accordent leurs guitares. Ce sont des "PLC1", des professeurs de lycée ou de collège en première année de formation, qui préparent le capes d'éducation musicale. La scène, filmée, est destinée à être placée sur le blog des grévistes.
"Ecoutez cette histoire, entonnent les deux étudiants, je vais vous la chanter. C'est la rentrée des classes, la réforme est passée..." Les paroles ne décrivent pas sous un jour positif la réforme voulue par le ministre de l'éducation. Il serait vain d'évoquer à ce sujet l'influence de l'extrême gauche. Les propos sont peu politisés et la contestation porte sur des questions professionnelles de l'enseignement, même si l'analyse de la réforme tourne facilement à la diabolisation.
"ON CONTINUE"
D'autres "PLC1", Rachel Rénier, Claire Benvéniste et Palmyre Crombez, tentent de résumer les principaux épisodes des semaines passées. Le 3 février, la grève et le blocage étaient votés par une assemblée générale, réunissant les étudiants des Batignolles et ceux de "Molitor" l'autre site de l'IUFM de Paris. Pas d'opposition à la grève, mais débat sur le blocage, adopté quand même, puis reconduit tous les deux jours jusqu'aux vacances le 14 février. Le 2 mars, à la rentrée, c'est la "grève active" sans blocage qui l'emporte, permettant de rattraper les cours perdus... et de participer aux manifestations. "Dès le début, avec les autres IUFM d'Ile-de-France, nous y avons été très présents", dit Rachel, contente que la contestation de la "mastérisation" soit "passée dans les revendications des universitaires".
Toutes jugent que cette formation sera "détruite" si le gouvernement maintient son projet. "Ce qui est important, c'est que ça ne s'arrête pas", dit Claire. "Je ne suis pas suicidaire, pas politisée pour deux sous, reprend Palmyre. Là, on est stressés, on est crevés, on a mis en péril notre concours, mais on continue. Si la réforme passe, on va se retrouver avec des collègues qui n'auront pas reçu de formation." Bientôt 22 heures, les sacs de couchage s'étalent, les portes de l'IUFM se referment.