Merci à Pierre Bergé. Sans lui, la télévision publique aurait diffusé le téléthon 2009 comme chaque année depuis 1987. Sans se demander si l’indispensable lutte contre la myopathie bénéficie du meilleur financement. Or on en est loin.
Si l’impôt se substituait au téléthon, le coût de la collecte d’argent serait vingt fois moins cher. On prélèverait d’ailleurs moins, puisque le téléthon draine chaque année bien plus qu’il n’en faut. C’est ainsi que sa créatrice, l’Association française contre les myopathies (AFM), accumule des réserves financière qui la transfigurent. Elle est de moins en moins un collecteur de la générosité publique et de plus en plus un fonds de placement.
L’AFM se plait à souligner son ratio d’excellence – apparemment. Pour 100 euros collectés, elle n’en dépense pas plus de 20 en frais de collecte et en frais de fonctionnement. Ce n’est d’ailleurs pas tout à fait exact. Beaucoup de frais de communication, qui contribuent directement à favoriser la collecte, sont comptabilisés en frais de missions sociales, soulignait la Cour des Comptes dans le rapport qu’elle consacra en 2004 à l’Association française contre les myopathies.
En outre, tous les frais du Téléthon ne sont pas comptabilisés. L’AFM ne finance qu’un tiers des émissions de télévision. Quant aux frais des opérations régionales - la fameuse « force T » -, ils sont purement et simplement oubliées, soulignait le Cour des Comptes.
Mais admettons qu’il n’en coûte que 20 euros à l’AFM pour en collecter 100. Mieux vaudrait tout de même recourir à l’impôt. Il en coûterait vingt fois moins : 97 centimes très exactement selon les données de l’OCDE pour l’année 2007. Notons au passage que l’administration fiscale française, si souvent décriée, coûte moins cher qu’on ne le croit. Elle est d’un coût moyen, au sens propre : quatorzième sur vingt-neuf au classement mondial.
Revenons à l’AFM. Collectant grâce au Téléthon bien plus qu’elle ne peut en dépenser, elle accumule des réserves devenues gigantesques. Début 2008, selon le rapport annuel de l’association, les ressources non utilisées des exercices antérieurs atteignaient déjà 97,767 millions d’euros. Cette masse, accrue du résultat de l’exercice 2008, dépassait 101 millions d’euros début 2009. C’est à peu de choses près ce qu’a rapporté le dernier téléthon (1).
Bref, l’AFM est aujourd’hui en mesure de supporter un téléthon sans aucun donateur. Cela n’affecterait pas ses activités.
Jusqu’où cette réserve financière grandira-t-elle ? Bonne question que la Cour des Comptes posait en 2004 : « La Cour constate que l’AFM n’a jamais indiqué dans les documents qu’elle publie quel est, selon elle, le niveau optimal de fonds associatifs et réserves qu’elle doit atteindre afin de faire face à une éventuelle baisse des ressources du Téléthon ».
Si la lutte contre les myopathies était financée par l’impôt, la question ne se poserait évidemment pas.
___
(1) 104,9 millions d’euros.
_______________________________________________________________
Téléthon, post scriptum
A Déchiffrages, déchiffreurs-et-demi ! Merci à Anjou qui, le premier, rappela dans son commentaire que les dons au téléthon sont déduits des impôts à hauteur des deux-tiers. Cette précision, qui aurait eu sa place dans la note, achèvera de convaincre les plus enthousiastes que la lutte contre les myopathies, décidément, ne bénéficie pas du meilleur financement.
L’arithmétique de cette collecte en « direct live » en prend même un sérieux coup. Mais cela semble avoir échappé à la ministre de la Recherche. A l’Assemblée nationale, Valérie Pécresse a rendu hommage à « l’action de toutes les associations et de leurs bénévoles qui aujourd’hui œuvrent pour collecter des dons pour la recherche publique et qui apportent tellement d’espoir à tous les malades et à leurs familles. »
Or rien, vraiment, ne justifie cet effacement.
En 2008, les ressources du téléthon ont atteint 104,9 millions d’euros, dont 102,2 millions de dons – soit 97,4% et non pas 50%, comme l’affirme Butchy avec l’aplomb du bluffeur : c’est à la page 87 du rapport annuel de l’Association française contre les myopathies.
Ces dons se sont traduits, pour l’Etat, par un manque à gagner de 66%, soit 67,5 millions d’euros : c’est l’ampleur des allégements fiscaux consentis aux dons à des associations caritatives.
Quelque 20% de ces 102,2 millions d’euros ont été dépensés par l’AFM en frais de collecte et de fonctionnement. L’AFM en a distribué 80% dans le cadre de ses missions sociales, soit 81,8 millions d’euros.
Si l’Etat prenait le relais de l’AFM et assumait ses missions sociales, il bénéficierait d’un surcroît de recette immédiat de 67,5 millions d’euros, correspondant à la disparition des allégements fiscaux liés aux dons. Il lui suffirait d’ajouter à cette somme 14,3 millions d’euros pour financer les missions sociales que l’AFM a financées en 2008.
Certes, 14,3 millions d’euros ne se trouvent pas sous les sabots d’un cheval. Quoique. Au titre du « bouclier fiscal », les 834 contribuables français les plus fortunés se sont partagé 307 millions d’euros en 2008, selon la Commission des finances de l’Assemblée nationale. Il aurait donc suffi au ministère des Finances de leur ristourner 351.000 euros chacun en moyenne au lieu de 368.000, pour récupérer ces 14,3 millions.
Mais peut-être a-t-on craint une manifestation sur le trottoir du Fouquet’s.