© Elise Picon / Basta !
Olivier Belval est plus qu’inquiet. Cet apiculteur ardéchois, responsable de l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf) lance un cri d’alarme : « On s’attend cette année à une hécatombe de ruches. » En cause selon lui : « La destruction massive d’abeilles avec des produits hautement toxiques », en particulier deux pesticides, le Cruiser (Syngenta) et le Protéus (Bayer), que l’Etat s’apprête à homologuer en cette année consacrée à la biodiversité.
La mortalité des abeilles continue d’atteindre des sommets anormalement élevés. Même affaiblie pendant l’hiver, une colonie d’abeilles est censée se régénérer au printemps. Un taux de mortalité des colonies est jugé « normal » en dessous de 16% selon l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa). En France, ce taux approche les 30% en moyenne, avec des pics à 45% pour la Franche-Comté, 50% en Bourgogne et 62% en Alsace [1]. Cela signifie qu’une ruche sur trois disparaît chaque année ! Plusieurs apiculteurs ont même vu l’ensemble de leurs ruches s’éteindre totalement en hiver. C’est le cas dans l’Aveyron, en Dordogne, en Haute-Savoie ou dans le Rhône où la mortalité hivernale est de 100%. Parallèlement, la production de miel est en baisse constante d’environ 10% par an : à près de 30.000 tonnes en 1997, elle est tombée à 18.000 tonnes en 2007, selon un audit du ministère de l’Agriculture. De nombreux autres pays sont également touchés.
Pour expliquer cette surmortalité, et « l’effondrement » (« Colony collapse disorder ») de plus en plus fréquent d’une ruche, l’Afssa place au même niveau plusieurs causes : les agents biologiques (prédateurs, comme le frelon asiatique, parasites, virus…) et chimiques (pesticides et insecticides), l’environnement (monoculture, facteurs climatiques, champs magnétiques…) et les pratiques apicoles. Pour l’Unaf : les pesticides, en fragilisant l’organisme des abeilles comme l’ensemble de la colonie, constituent la principale cause. Comme le Gaucho (Bayer) ou le Régent (BASF), dont l’utilisation a été suspendue en 2004 en France, le Cruiser et le Protéus, avec leurs agents neurotoxiques, risqueraient de provoquer des troubles de l’orientation chez les abeilles et de contaminer l’ensemble de la ruche, jusqu’aux larves. Le premier est aspergé sur le maïs, le second sera utilisé sur le colza, dont la fleur est très prisée par l’abeille. Leur autorisation est jugée « aberrante » par Olivier Belval. D’autant que l’usage du Cruiser est accordé temporairement depuis 2008, assorti d’un protocole de suivi. Serait-il donc nocif ? L’Unaf se mobilise le 17 février contre ces autorisations.
Au-delà de la nécessaire préservation de la biodiversité et de la possibilité de continuer à déguster du miel, l’abeille est vitale à notre à l’alimentation et, donc, à l’économie. « L’apport des insectes pollinisateurs dont l’abeille aux principales cultures mondiales en 2005 peut être évalué à 153 milliards d’euros soit 9,5% de la production alimentaire mondiale », estime le ministère de l’Agriculture. « L’abeille est à l’origine de la pollinisation d’un grand nombre des aliments que nous mangeons aujourd’hui. Sans abeilles, nous n’aurions plus de kiwis, plus de melons, plus de salades, plus de courgettes…. Son impact sur l’alimentation se chiffre à 2 milliards par an en France », détaille Olivier Belval. On compte 1,3 millions de ruches en France et 65 000 apiculteurs. Pour combien de temps ?
Quel niveau de mortalité des abeilles constatez-vous et quelle en serait la principale cause ?
En quoi les pesticides constituent-ils un risque plus important que les parasites, comme le Varroa, dont sont victimes les abeilles ?
Où en sont les actions en justice que vous menez contre Bayer et BASF, et quels sont les résultats du protocole de suivi du Cruiser ?
Quel est le rôle de l’abeille pour la biodiversité et notre alimentation ?
Texte : Ivan du Roy
Réalisation vidéo : Elise Picon