Le Lot en Action mag n°24. Mis en ligne le 22 novembre 2010. Par Bluboux
Dans notre avant dernier numéro, nous révélions une étonnante affaire de fausses factures (double facturation pour certains postes, des travaux non réalisés mais néanmoins facturés, etc.) dont ont été victimes les habitants de Francoulès. Nous avons transmis le dossier à Super Préfet en lui demandant sa position.
Nous avons tous entendu parler des scandales, rendus publics, de corruption d’élus ou de responsables d’institutions étatiques, notamment dans les marchés publics, passés entre les institutions et les grosses entreprises privées. Nous vous avons récemment parlé du film « Water makes money », qui dénonce ces pratiques dans le domaine de la gestion de l’eau. Un autre type de marchés publics donne souvent l’occasion aux « décideurs » et aux entreprises de se goinfrer mutuellement sur le dos des contribuables, en toute illégalité : celui des travaux publics.
Pour illustrer cet exemple, je vais vous parler de la commune de Francoulès, où le 24 juin 2005, un orage violent causa d’importants dégâts sur les chemins ruraux de la commune. Dans pareil cas de figure, le maire de l’époque, Madame Inès Boyé, fit ce que tout élu aurait fait et consulta la Direction Départementale de l’Equipement (aujourd’hui Direction Départementale des Territoires) pour faire un état des lieux et un estimatif des travaux nécessaires à la remise en état de ces chemins. La DDE s’acquitta de cette mission en septembre 2005, en faisant parvenir à la mairie un inventaire mentionnant 14 chemins dégradés (environ 17,5 km) et un devis pour un montant de près de 50.000 euros. Pour une petite commune comme Francoulès, cette somme représente un investissement lourd et le temps de faire le tour des subventions possibles pour soulager le budget municipal, près de deux années s’écoulent. En avril 2007, la DDE actualise le devis, qui passe de 50.000 euros à près de 60.000 (que voulez-vous, tout augmente !). Comme le montant des travaux excède les 12 OOO euros, la commune est dans l’obligation de faire un appel d’offre. Le 14 juin 2007, le marché est attribué à la société APPIA Quercy Agenais (l’entreprise qui souhaite installer une centrale d’enrobé à chaud en plein Parc Naturel, à Thémines), puisque c’est la seule qui ait répondu à cet appel d’offre.
Les travaux sont effectués en octobre 2007, la réception des travaux signée par Madame le Maire, sans aucune réserve ni réfaction, le 17 novembre suivant et le règlement effectué 5 jours plus tard.
Là où le bât blesse dans ce dossier, c’est que l’inventaire effectué par la DDE est plus qu’étonnant, puisque plusieurs chemins, ou portions de chemins répertoriés comme dégradés ne l’étaient pas, que les travaux ont été prévus au devis et facturés alors qu’aucune intervention n’a été faite par la société APPIA. Un chemin privé a été inclus dans le devis et sa réfection payée par la commune.
Quand on détaille le devis et la facture émise par la société APPIA, on s’aperçoit rapidement que d’importantes quantités de matériaux (graviers, remblais, castines, couches de base et stériles) devant être apportés sur les chantiers (3 225 tonnes, représentant 269 camions de 12t), non seulement n’ont pas été livrées (l’entreprise a principalement utilisé les matériaux trouvés sur place), mais que le transport a été facturé deux fois (une fois dans le coût des matériaux, incluant le transport, puis sur la facture au poste transport !). D’autres « anomalies » sont à relever sur cette facture et posent question : un chemin a été refait avec un enduit pour un prix facturé de 13 euros le m2, alors que la Communauté de Communes de Cahors a facturé un travail de même nature, au même moment, pour un prix de moins de 8 euros. Sur l’un des chemins communaux, la même communauté de communes avait émis un devis de 1.520 euros pour des travaux qui ont été effectués par l’entreprise pour un prix de plus de 17.000 euros.
Bref une succession de petites anomalies qui permettrait d’estimer le surcoût des travaux à près de 50%. En clair, les habitants de Francoulès auraient payé près de 25.000 euros en trop. Plusieurs habitants, constatant ces « anomalies » et intrigués par d’autres travaux effectués par la même entreprise pour le compte du Maire-adjoint chargé du suivi de la réfection des chemins, ont demandé les devis et la facture des travaux à l’ancien Maire. Peine perdue, puisqu’il leur aura fallut attendre mars 2008, pour que le nouveau Maire leur transmette enfin ces documents, pourtant accessibles au public. Ce dernier ne souhaite pas de vagues. Il faut préciser que Madame Inès Boyés fait partie du Conseil Municipal, et qu'entamer une procédure imposerait une ambiance délétère…
Nous ne pouvons affirmer ici qu’il y ait bien eu corruption dans cette affaire, mais les éléments sont pour le moins troublants et il ne reste plus que quelques semaines pour saisir le tribunal administratif (ce qui peut parfaitement être fait par un particulier). A bon entendeur…
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