Filtrer l’internet : le projet secret de l’industrie de la culture révélé au grand jour

ReadWriteWeb. Le 12 Septembre 2010 par Fabrice Epelboin

 

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Le 2 juin der­nier avait lieu, à Bruxelles, une réunion secrète réunis­sant, sous la direc­tion du mar­ché inté­rieur de la com­mis­sion Européenne, une ving­taine de per­sonnes, parmi lesquelles plu­sieurs lob­bys des indus­triels de la culture comme l’IFPI et la SCPP, ainsi que des repré­sen­tants de four­nis­seurs d’accès comme Orange.

Il faut croire que parmi les orga­ni­sa­teurs de la réunion, cer­tains ont été par­ti­cu­liè­re­ment per­tur­bés par les pro­pos qui s’y sont tenus, car son compte rendu ainsi que les docu­ments qui y ont été pré­senté ont fuité, sans pour l’instant faire de bruit dans la presse tra­di­tion­nelle. Seuls RWW et PCinpact, qui a publié une large sélec­tions de docu­ments com­plé­men­taires, ont jusqu’ici porté le conte­nus de ces docu­ments à la connais­sance du public.

Ces infor­ma­tions sont pour­tant des plus impor­tantes, et révèlent au grand jour le projet des indus­triels de la culture, à l’oeuvre depuis au moins 2007 : fil­trer l’internet et en reprendre le contrôle.

Nous vous pro­po­sons ici la tra­duc­tion des «bonnes feuilles» du compte rendu offi­ciel de cette réunion secrète, ini­tia­le­ment écrit par la com­mis­sion Européenne et des­tiné, à l’origine, à l’attention exclu­sive des participants.

Jeremy Banks, de l’IFPI, a ainsi tenu, à en croire ce compte rendu, des pro­pos assez révélateurs :

«L’IFPI a expliqué que les four­nis­seurs d’accès à inter­net avaient la pos­si­bi­lité d’exercer un cer­tain contrôle tech­nique et com­mer­cial sur le tra­fic généré par leurs uti­li­sa­teurs. L’IFPI a mon­tré que ces mesures tech­niques pou­vaient être uti­li­sées pour iden­ti­fier et pré­ve­nir les télé­char­ge­ment illé­gaux au niveau du réseau. L’IFPI a fourni dif­fé­rents exemples où de telles mesures avaient été appliquées avec succès […]

L’IFPI a conclu qu’il existe des tech­no­lo­gies qui ont fait leur preuves, et qui per­mettent aux four­nis­seurs d’accès d’empêcher le télé­char­ge­ment illé­gal de fichiers musi­caux sans pour autant bloquer l’accès aux ser­vices essen­tiels à leurs uti­li­sa­teurs. Beaucoup de four­nis­seurs d’accès inter­net uti­lisent par ailleurs ces tech­no­lo­gies [ndt: le Deep Packet Inspection] pour gérer leur tra­fic et assu­rer la sécu­rité de leurs réseaux.»

C’est ensuite Marc Guez de la SCPP, dont le compte rendu rap­porte l’exposé, qui nous per­met d’avoir un éclai­rage inédit sur le grand projet des ayants droits :

«La SCPP a pré­senté dif­fé­rentes mesures tech­niques appliquées en France dans le contexte de la loi Hadopi, et a expliqué les condi­tions de leur géné­ra­li­sa­tion dans le cadre des nou­veaux pou­voirs dont la Hadopi disposait.

La SCPP a retracé la façon dont, en 2007, les accords de l’Elysée ont amené les prin­ci­paux four­nis­seurs d’accès à inter­net à accep­ter dans les 24 mois de coopé­rer avec les ayants droits sur de pos­sibles expé­ri­men­ta­tions des­ti­nées à tes­ter des tech­no­lo­gies de fil­trage du réseau ainsi qu’à envi­sa­ger leur déploie­ment, pour peu que le résul­tat de ces expé­ri­men­ta­tions soient convain­cants et que cela soit réa­liste tant sur le plan tech­no­lo­gique que financier.

La SCPP a mon­tré que les ayants droit français avaient pro­cédé a deux séries de test en 2007 et 2009, qui ont validé deux tech­no­lo­gies de fil­trage des pro­to­coles P2P. Ces deux tech­no­lo­gies ont détecté plus de 90% du tra­fic P2P (qu’il soit chif­fré ou pas) et ont mon­tré qu’elles n’avaient pas d’impact signi­fi­ca­tif sur les per­for­mances du réseau. Dans le cas de la tech­no­lo­gie Vedicis, 99,91% du tra­fic P2P a ainsi été détecté et 99,98% des conte­nus illé­gaux ont été bloqués sans impact sur les per­for­mances du réseau.»

Théodore Martin de la Société Vedicis est ensuite passé à l’aspect pra­tique et opé­ra­tion­nel, traçant un véri­table plan de route pour la suite :

«Vedicis a expliqué com­ment sa tech­no­lo­gie pou­vait être uti­li­sée pour mettre fin aux atteintes au copy­right. L’ensemble du pro­ces­sus de détec­tion, d’identification et d’action prise en temps réel a été détaillé, y com­pris en ce qui concerne la créa­tion d’un rap­port d’activité détaillé asso­cié à ces acti­vi­tés. Il a égale­ment été expliqué com­ment la tech­no­lo­gie Vedicis pou­vait être déployée sur dif­fé­rents points du réseau.

Des exemples pra­tiques ont été four­nis mon­trant dif­fé­rentes façons de com­battre les atteintes au copy­right à tra­vers la four­ni­ture de nou­veau ser­vices comme, par exemple, la mise sur le marche de ser­vices dit de «clean pipe» qui empêchent le télé­char­ge­ment de conte­nus illé­gaux réfé­ren­cés dans un cata­logue, ou de ser­vices dit «Hadopi Safe», où les uti­li­sa­teurs auto­ri­se­raient de façon volon­taire que leur tra­fic soit contrôlé en per­ma­nence afin d’éviter toute atteinte au copyright.»

Preuve est faite désor­mais que l’internet fil­tré n’est pas un vague fan­tasme issu de l’imagination des acti­vistes des liber­tés numé­rique, pire encore, il semble évident qu’aux yeux des ayants droit, l’installation de la Hadopi n’est là que pour ins­tau­rer un cli­mat de peur et d’insécurité au sein des foyers des­tiné à pous­ser les inter­nautes français a accep­ter de leur plein grès que l’ensemble de leur tra­fic inter­net soit sur­veillé et filtré.

Au vu des récentes évolu­tions de la loi Loppsi, tout laisse croire que ce fil­trage sera fait dans la plus grande opacité.

Il reste a voir si la Hadopi, cen­sée s’assurer de la sécu­ri­sa­tion de l’accès inter­net des citoyens français, lais­sera un tel projet se mettre en place, alors que sa mis­sion n’était pas, loin s’en faut, la sur­veillance et le fil­trage géné­ra­lisé de l’information cir­cu­lant sur inter­net en France.

Vous pou­vez télé­char­ger ici en PDF :


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Dernière mise à jour de cette page le 08/10/2010

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