Victime d’un coup d’État, le 28 juin, le président hondurien Manuel Zelaya est, depuis, privé du pouvoir d’exercer son mandat, en violation de l’accord conclu le 29 octobre avec les putschistes et supervisé par les institutions internationales et les États-Unis.
Monsieur le président, vous êtes confiné à l’ambassade du Brésil depuis votre retour au Honduras, le 21 septembre. Comment allez-vous ?
Manuel Zelaya. Bien. Physiquement, je me porte bien.
Vous venez d’adresser au président des États-Unis, Barack Obama, une lettre dans laquelle vous annoncez que vous n’accepterez aucun retour à la présidence, étant donné les conditions actuelles. Qu’est-ce qui vous a poussé à prendre cette décision ?
Manuel Zelaya. Je dis clairement que je n’accepte « aucun accord de retour à la présidence pour couvrir le coup d’État, qui, nous le savons, a un impact direct en raison de la répression sur les droits de l’homme des habitants de notre pays ». Je n’accepte aucune condition qui couvrirait le coup d’État et lui offrirait de la crédibilité. Or, aujourd’hui, c’est ce qui est proposé.
Pourquoi l’accord de San José-Tegucigalpa, qui stipulait, entre autres, votre retour au pouvoir et le rétablissement de l’ordre constitutionnel, n’a-t-il pas été appliqué ?
Manuel Zelaya. Il y a eu une négociation entre le gouvernement de M. Obama et le sénateur républicain Jim DeMint, qui a par ailleurs rendu la chose publique dans un communiqué (le 5 novembre – NDLR). Cette négociation a fait changer la position du gouvernement des États-Unis. Ce changement a fortifié le régime de facto, qui refuse de respecter l’accord.
Faites-vous référence à la déclaration de fonctionnaires du département d’État selon laquelle les États-Unis reconnaîtront les résultats des élections générales du 29 novembre indépendamment du fait que le pouvoir vous soit restitué ou non ?
Manuel Zelaya. C’est justement le sens de l’accord auquel est parvenu le sénateur DeMint avec le gouvernement d’Obama. En échange de quoi, il accordera son feu vert aux nominations d’Arturo Valenzuela, au poste de vice-secrétaire pour l’Amérique latine, et de Thomas Shannon (pressenti pour devenir ambassadeur des États-Unis au Brésil, il est actuellement sous-secrétaire d’État chargé des Affaires interaméricaines et a supervisé la dernière mouture de l’accord de sortie de crise – NDLR). Le changement stratégique des États-Unis dénature les mandats de l’Organisation des États américains (OEA), des Nations unies, et l’accord même que nous avions signé. Cela a permis aux putschistes de violer cet accord et, de fait, à la date du 5 novembre, le gouvernement d’unité ne s’est pas matérialisé. La logique veut que ce soit le président élu par le peuple qui le nomme et non le président de facto. C’est absurde.
Selon vous, les États-Unis ont-ils joué double jeu ?
Manuel Zelaya. Nous avions un accord, fruit d’un dialogue sous leurs auspices. Cet accord, réalisé avec l’OEA et les Nations unies, disait spécifiquement que les élections ne seront pas reconnues sans restitution du président. Les États-Unis ont changé de position. C’est évident.
Vous affirmez qu’en tant que président et citoyen, vous ne soutiendrez pas les élections du 29 novembre. Envisagez-vous un boycottage ?
Manuel Zelaya. Je suis le président démocratiquement élu par le peuple hondurien. Tous les instruments utilisés par le gouvernement de facto sont illégaux. Il n’a pas autorité pour mener à bien ses plans. La parole donnée doit être respectée. Si des gouvernements qui reconnaissent mon autorité décident de reconnaître monsieur Micheletti (le président de facto – NDLR), ils se trouveront face à une contradiction immorale et illégale, en opposition avec le droit international.
Quelles sont les solutions possibles pour sortir de l’impasse dans laquelle se trouve le pays ?
Manuel Zelaya. Tant que les valeurs et les principes de la démocratie et de la charte démocratique de l’OEA ne seront pas respectés, tant qu’il y aura un double jeu, ici, il n’y a absolument aucune chance d’arranger les choses. Il faut respecter les lois, la Constitution, les mandats de l’OEA et des Nations unies auxquels les États-Unis ont souscrit. Il faut respecter l’accord de San José. Et la parole donnée.
Vous dites que le coup d’État dissimule une guerre nouvelle contre les processus de réformes. En êtes-vous victime ?
Manuel Zelaya. Je finissais mon mandat. Je n’avais ni le temps ni l’espace pour entreprendre de nouvelles réformes. Les causes du coup d’État sont nombreuses, mais il s’agit surtout d’ambition de pouvoir et de jalousies politiques en vue de contrôler l’économie du pays, aux mains de grands groupes de l’énergie, des télécommunications, de l’alimentation… Le Honduras a besoin d’une démocratie ouverte. Les élites honduriennes, qui financent le coup d’État, s’y opposent. D’un point de vue historique, à chaque fois qu’il y a lutte pour mettre de l’ordre là où certains se sont accaparé les activités de la société – politiques, religieuses, économiques –, vous trouvez un état de « choc ». Ces élites capturent et expatrient ses leaders, comme elles l’ont fait avec moi. Elles ceinturent avec des militaires des processus sociaux qui sont pourtant partie intégrante de l’histoire. Ils peuvent être temporairement freinés mais jamais ils ne pourront mourir.
Quelle appréciation portez-vous sur le Front national de résistance contre le coup d’État qui réclame votre retour au pouvoir et l’élection d’une assemblée constituante ?
Manuel Zelaya. Une grande conscience est née chez les Honduriens. Nous assistons à une lutte pour l’identité de la nation hondurienne afin de parvenir à l’indépendance économique et politique, réduire les inégalités et la pauvreté. Le Front national de résistance contre le coup d’État a assumé ce degré de conscience en prenant la tête d’une lutte courageuse, patriotique, qui plus est, de grande sensibilité sociale au sein des processus de développement. Qu’on se le dise, le Honduras n’est l’esclave de personne.
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