L'Humanité. 4 mars 2011 par Patrick Le Hyaric
Il se prépare, dans les cénacles européens, un violent coup de force antidémocratique et l’accélération de la destruction de nos acquis sociaux allant encore au-delà de ce que nous pouvions imaginer avec le traité de Lisbonne.
Un document de travail daté du 25 février 2011, actuellement entre les mains des gouvernements, baptisé « Coordination améliorée des politiques économiques dans la zone euro. Principaux éléments et concepts » le révèle. Il contient un nouvel arsenal d’une horrible offensive antisociale qui risque d’être livrée aux travailleurs, aux jeunes, aux retraités, dans les mois à venir. Ce document, camouflé aux citoyens, est destiné à préparer le Conseil de l’Euro du 11 mars et le Conseil européen des 25 et 26 mars prochains.
Une intégration économique de l'Union européenne encore plus poussée
Il constitue la dernière mouture du pacte de compétitivité dont la presse économique a tenté de faire croire, les jours derniers, qu’il serait adouci. On y parle ni de création d’emplois, ni de développement industriel et agricole, ni des services publics, ni de l’amélioration du pouvoir d’achat. Il commence par ces lignes qui disent exactement leur choix politique : « Le pacte vise à approfondir le pilier économique de l’union monétaire en favorisant la convergence entre les économies de la zone euro. » Donc, est projetée une intégration capitaliste encore plus poussée de l’Union européenne. En vérité, il s’agit d’un pacte franco-germanique pour gérer l’économie européenne, à partir des pays de la zone euro, avec les critères des dirigeants de la droite allemande et en réponse aux demandes du capital européen.
Je ne fais ici qu’énumérer un certain nombre de ces graves et lourdes décisions en préparation.
Il est demandé de mettre plus en concurrence les salaires, tout en mettant en place un mécanisme « d’ajustement des salaires sur la productivité ». « Les hausses de salaires étendues et prolongées peuvent signaler une érosion de la compétitivité », est-il écrit noir sur blanc.
Au nom de la lutte contre les déficits publics (« la viabilité des finances publiques »), il est demandé expressément de diminuer les salaires dans le secteur public (« modération salariale », disent-ils), démanteler les systèmes de retraite publique et de sécurité sociale, reculer l’âge de départ à la retraite. Celui-ci est prévu à soixante-sept ans dans une première mouture. Face aux protestations, le texte appelle à « indexer l’âge de la retraite sur l’espérance de vie, en réduisant les retraites anticipées et en utilisant des incitations pour rester plus longtemps au travail ».
Promouvoir le précariat comme norme de l’emploi.
De premières études sur le projet sarkozyste d’harmonisation de la fiscalité entre la France et l’Allemagne concluent à une augmentation de l’impôt sur le revenu en France. Voilà que ce document en rajoute en « privilégiant une taxation de la consommation par le biais de la fiscalité indirecte », la plus injuste comme chacun sait (version européenne de la TVA sociale). Par contre, sera recherchée « une assiette commune de l’impôt sur les sociétés », donc une baisse de ce dernier dans notre pays.
S’agissant du travail, il est demandé d’appliquer partout la « flex-sécurité », c’est-à-dire de promouvoir le précariat comme norme de l’emploi. Le Conseil européen veut même s’occuper de la manière dont doivent être menées « les négociations sociales », allant jusqu’à préconiser « la révision des dispositifs de fixation des salaires » pour « augmenter la décentralisation dans le processus de négociation et le mécanisme d’indexation ». Donc, plus de négociations globales collectives, mais des fragmentations par secteur, voire par territoire.
Le projet du Conseil européen demande de « lever toute restriction d’ouverture dans la vente qui était fondée sur des critères horaires ou géographiques ». Autrement dit, les magasins seront obligatoirement ouverts le dimanche, et plus si nécessaire. Des secteurs et des professions qui jusque-là étaient protégés par des quotas, comme les pharmacies, les taxis, les notaires, les vétérinaires, les coiffeurs, les architectes, etc., seront ouverts et mis en concurrence. C’est d’ailleurs ce que proposait le fameux rapport Attali…
Et le texte caché invente le concept de « frein de dettes ». Ceci sera obtenu par le contrôle a priori des budgets des États, des budgets sociaux par le Conseil ou la Commission contre les Parlements nationaux. Et, pour la première fois, est envisagé dans un texte d’origine européenne la nécessité de modifier les constitutions nationales pour y insérer l’interdiction de faire des « déficits ».
Pour bien démontrer sa volonté de fer, le tandem Sarkozy-Merkel, veut que « chaque État membre de la zone euro s’entende pour définir au plus haut niveau (c’est-à-dire au niveau des chefs de gouvernement, mettant ainsi de côté la Commission et le Parlement) des objectifs concrets à atteindre dans les douze mois ».
Il faut stopper cet horrifiant projet de guerre antisociale et antidémocratique
Il y a donc urgence ! Il faut vite stopper cet horrifiant projet de guerre antisociale et antidémocratique. Alors que des peuples se libèrent en ce moment de dictatures, les institutions européennes, elles, souhaitent à jamais installer sur notre continent la dictature de la finance contre les droits sociaux et humains.
Mobilisons-nous comme nous l’avons fait contre la directive Bolkestein et le projet de Constitution européenne. Face à une telle attaque projetée, toutes les forces progressistes politiques et sociales ont le devoir de travailler à rassembler largement l’ensemble des couches sociales dans leur diversité. Toutes vont être touchées de manière nouvelle et aggravée par ce pacte pour les forces de l’argent. Le 20 mars, quelques jours avant la réunion du Conseil européen, le bulletin des candidats de rassemblement du Front de gauche aux élections cantonales permettra d’opposer un refus catégorique à de tels projets.
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