Plume de Presse. Le 8 décembre 2010 par Olivier Bonnet
Comment Nicolas Sarkozy peut-il aller faire le beau lors de ses voyages en France sans rencontrer l’opposition quasi unanime de la population que reflètent tous les sondages ? C’est bien simple, il convoque des moyens démentiels, dignes d’un Etat policier, pour ne pas rencontrer de manifestants – sur l’argent des contribuables évidemment. Le Monde.fr décrit ainsi « les forces de l’ordre de l’Allier sur les dents : au Mayet-de-Montagne, une commune de moins de 2 000 habitants, 300 à 400 représentants de la force publique sont mobilisés. Face à eux, un petit groupe d’une quinzaine de personnes a prévu de manifester son hostilité au chef de l’Etat et à la réforme des retraites. L’un d’eux n’en aura pas l’occasion : Frédéric Le Marrec, un militant du syndicat SUD de 42 ans, passera les cinq heures de la visite de Nicolas Sarkozy dans les locaux de la gendarmerie. » Qu’a-t-il donc fait pour mériter cette garde à vue ? C’est simple : rien. « Educateur spécialisé dans un foyer pour adolescents du Mayet-de-Montagne, Frédéric Le Marrec prend son poste à 6 h 30, ce 25 novembre. A 9 h 30, il quitte le foyer en compagnie d’un autre militant pour rejoindre ses amis manifestants. Devant son lieu de travail, deux gendarmes l’attendent, qui le prient de les accompagner à la gendarmerie. Là, il est interrogé par deux fonctionnaires venus de Moulins au sujet d’un collage d’affiches en faveur du Nouveau parti anticapitaliste, la nuit précédente. D’ordinaire, explique un policier consulté à ce sujet, « ce genre de dossiers, qui débouche au pire sur une contravention, est traité en moins d’une demi-heure ». Très vite, une fois réglée cette affaire de collage, « les gendarmes n’avaient plus grand-chose à me dire, raconte Frédéric Le Marrec. Et comme je n’étais pas officiellement en garde à vue, j’ai voulu m’en aller. Lorsque j’ai commencé à rassembler mes affaires, ils m’ont dit : « On vous déconseille de partir ». Voulant « éviter tout incident », le militant prend son mal en patience. Au bout d’un moment, il reçoit cette mystérieuse confidence : « Le préfet vous en veut. » Peu après 14 heures, Frédéric Le Marrec quitte la gendarmerie. L’hélicoptère de Nicolas Sarkozy a décollé quelques minutes auparavant. » Cinq heures à la gendarmerie sans être réellement en garde à vue et sans motif ? Comment donc est-ce possible ? Et que signifie cette vindicte préfectorale ?
« D’après les témoignages des sources proches de la gendarmerie obtenues par Le Monde.fr, il semble bien que le préfet de l’Allier, Pierre Monzani, ait joué un rôle dans ce dossier. Le 24 novembre, lors de la réunion organisée avec les responsables de la sécurité pour préparer la venue du chef de l’Etat, le préfet cite nommément Frédéric Le Marrec : « Si à 9 h 30 il va pisser, il faut que je le sache », lance ce proche de Brice Hortefeux. Une consigne apparemment prise très au sérieux par les gendarmes. Selon ces sources, le militant est connu localement : « Il est grand, il porte toujours un bonnet, c’est une figure du Mayet-de-Montagne. Il a activement participé au conflit sur les retraites, prenant part à des blocages et des tentatives de blocage de dépôts d’essence et à un tractage sur des rails. » Rien qui justifie ces longues heures d’une rétention « extrêmement limite au niveau de la légalité : Le Marrec n’est pas connu comme quelqu’un de violent, ses actions ont toujours été mesurées sur Le Mayet-de-Montagne. Apparemment, on a juste désigné cet homme comme un fauteur de troubles potentiel et on s’est occupé de lui de façon préventive. » Inutile de préciser que ce n’est pas « extrêmement limite au niveau de la légalité » comme l’écrit gentiment l’article : le droit de manifester est inscrit dans la Constitution et en priver quiconque sans motif est parfaitement illégal. Du reste le militant a porté plainte pour « arrestation arbitraire » au commissariat de Vichy où, comme c’est étrange, on nie avoir enregistré sa plainte… Et Monzani, qui était si intéressé par les éventuelles évacuations d’urine du syndicaliste ? « Le préfet dément avoir évoqué le cas de Frédéric Le Marrec lors de cette réunion préparatoire : « Je ne connais pas ce monsieur. De façon générale, ce serait contre-productif de désigner une cible particulière à mes troupes, puisque celles-ci doivent se concentrer sur tous les dangers potentiels. » Selon lui, le militant « veut se faire de la publicité dans le milieu syndicaliste » et a été particulièrement bien traité pendant sa rétention à la gendarmerie : « Le café que lui ont servi les gendarmes devait être bon pour qu’il s’attarde autant à la gendarmerie. » Et en plus, il se permet de se moquer du militant ! L’arrogance des sarkozystes n’a décidément pas de limite. Dire qu’un préfet est censé servir l’Etat… L’hypothèse que Le Marrec se serait volontairement « attardé » à la gendarmerie relève du foutage de gueule pur et simple : comment un militant aussi engagé aurait-il pu renoncer à aller manifester à l’occasion de la venue de ce chef de l’Etat honni dans son propre village ? Du reste, son récit « est confirmé par des sources proches de la gendarmerie, qui ont souhaité rester anonymes mais entendent dénoncer « des méthodes d’un autre âge », précise Benoît Vitkine, l’auteur de l’article du Monde.fr, professionnel reconnu puisqu’il n’est autre que le lauréat du « Prix international de l’enquête » 2008 dans la catégorie Presse écrite. On peut par conséquent accorder le plus grand crédit à cette histoire, emblématique de la drôle de démocratie qu’est celle de la Sarkozie. L’affaire n’est pas entièrement terminée, puisque le procureur de la République a été saisi de la plainte de Le Marrec. On parie qu’ « en toute indépendance », il classera sans suite ?
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