Droits de l'enfant : interdit de fesser, permis d'incarcérer

Rue89. 20 novembre 2009 par Laure Heinich-Luijer

Le 20 novembre 1989, à travers l'ONU, le monde consacrait les droits de l'enfant dans une Convention Internationale.

Dix-huit ans plus tard, Nicolas Sarkozy faisait campagne pour l'élection présidentielle et martelait qu'il voulait réformer l'Ordonnance de 1945 qui régit le statut des mineurs devant la justice française, les mineurs de 1945 n'étant plus les mineurs de 2007 et blablabla et blablabla…

Aucun journaliste ne lui avait rétorqué que cette Ordonnance avait bien naturellement été abrogée, amendée, modifiée à de nombreuses reprises, qu'elle n'avait plus de 1945 que le nom comme le Code civil s'appelle le Code Napoléon.

Vingt ans plus tard, le Comité des droits de l'enfant des Nations unies a examiné le bilan de la France pointant, en particulier, le recours excessif aux mesures répressives à l'incarcération des mineurs, et ce par défaut de structures alternatives.

Vingt ans plus tard, la Justice française célèbre donc les droits des petits d'hommes à sa manière : en annonçant la suppression du Défenseur des enfants, en incarcérant de plus en plus et de plus en plus jeune, en niant le statut des mineurs pour les juger comme des majeurs.

La retenue judiciaire, qui n'est autre qu'un nom d'enfant pour une garde à vue, est désormais possible à partir de 10 ans, c'est-à-dire à partir du CM2. Désormais, on est prié de déposer son cartable à l'entrée des commissariats.

Quant à la détention provisoire, elle peut être subie à partir de 13 ans dans des conditions jugées inhumaines et dégradantes mais, il est vrai, dans des quartiers spécifiques de ces prisons insalubres.

Désormais, on est prié de laisser son goûter à l'entrée des prisons.

Depuis la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, l'excuse de minorité, qui divisait la peine encourue par rapport à un adulte, n'est plus le principe. Le Juge n'a plus l'obligation de motiver sa décision lorsqu'il décide d'exclure cette excuse de la peine prononcée.

Il n'a plus à motiver sa décision lorsqu'il juge un mineur comme un majeur, un petit comme un grand. La loi encourage le Juge à travailler moins pour réprimer plus.

Désormais, on est prié de laissé son enfance à l'entrée des Tribunaux.

Vingt ans plus tard, nous voilà loin des bonnes résolutions, loin du préambule de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant dans lequel les Etats rappelaient la nécessité impérieuse d'accorder une protection spéciale à l'enfant. Rappelons que cette volonté apparaissait déjà dans la déclaration des droits de l'enfant, adoptée le 20 novembre 1959 par l'assemblée générale des Nations unies, « l'enfant, en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin d'une protection spéciale et de soins spéciaux, notamment d'une protection juridique appropriée, avant, comme après la naissance ».

Les évolutions et dérives de la justice des mineurs sont symptomatiques de la politique pénale actuelle : on ne juge plus les êtres pour ce qu'ils sont. Peu importe la spécificité, la personnalité de chacun. On met à la poubelle le principe de l'individualisation des peines sur lequel est fondé notre système judiciaire pénal. Les mineurs sont jugés comme des adultes, les fous comme des êtres responsables et les hommes comme des statistiques.

Désormais, on est prié de laisser sa personnalité à la porte de la République.

Ce n'est ni plus ni moins la disparition de l'individualisation. Et donc de l'individu.

Bientôt, on devra se laisser tout entier sur le bas côté.

Vingt ans plus tard, pour pallier les observations, les dérives et les échecs, pour restituer cette protection spéciale aux enfants, la République française s'est prise en main sur le sujet. Elle met en chantier une mesure révolutionnaire qui restituera aux droits de l'enfant toute leur portée : l'interdiction de la fessée.

Voilà ce qu'on appelle un arbre qui cache la forêt.

Edwige Antier nous dit que cette loi serait sanctionnée par le Code civil et non le Code pénal, que les parents n'iraient donc pas en prison.

Dommage, ils auraient pu y retrouver leurs enfants.

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Commentaires (2)

2. Lorie Le 22/11/2009 à 15:43

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Biensur que la fessée peut entrainer plus tard des déviances:violence,crime etc...mais c'est quand meme moins grave de gifler un enfant quand il a bien énervé ses parents qui sont à bout de nerfs que de le renvoyer dans un pays où il y a la guerre après l'avoir emprisonné comme un malfaiteur et donc de l'envoyer à la mort!Nous sommes dans une époque de régression certains parlent de faire travailler les enfants mauvais élèves. Alors luttons contre chaque chose en son temps:la fessée viendra après;il y a malheureusement bien plus grave!

1. Thomas Le 21/11/2009 à 15:23

Lien vers le site web de Thomas
"Elle met en chantier une mesure révolutionnaire qui restituera aux droits de l'enfant toute leur portée : l'interdiction de la fessée."

La phrase est ironique. L'auteur de cet article en sous-estime la portée. Les travaux psychologiques notamment à la suite de Alice Miller ont montré l'empreinte profonde et puissante sur le psychisme humain de la violence éducative banale.

A cet égard, la répression judiciaire des mineurs n'est qu'une conséquence secondaire de cette idéologie punitive qui repose sur le déni de la souffrance des enfants - y compris le déni de ces adultes par rapport à leur propre enfance.

Pour mieux comprendre ce que je veux dire, je recommande le livre d'Olivier Maurel "La fessée", bien documenté et facile à lire.

Thomas (Dijon) - APIC 21
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Dernière mise à jour de cette page le 20/11/2009
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