Sujet d’actualité s’il en est, le documentaire Cheminots, réalisé début 2009 par Luc Joulé et Sébastien Jousse, nous fait découvrir le monde de la corporation des cheminots en région PACA. Ici, ce n’est pas derrière des banderoles que les ouvriers du rail sont représentés, comme on a l’habitude de les voir au JT de TF1, mais dans leur quotidien. Machinistes, mécaniciens, conducteurs, guichetiers, chefs d’escales, derrière ces différents métiers, chacun œuvre à la poursuite du même objectif, celui de faire fonctionner les trains.
Les ouvriers du rail dans le sérail
A compter du 1er janvier 2010, la libéralisation s’opérera sur le trafic voyageurs en France. L’ouverture du marché ferroviaire aux particuliers donnera la possibilité à de nouveau acteurs privés d’utiliser les voies ferroviaires nationales. Mais l’usager y gagnera-t-il vraiment (voir extrait vidéo) ? A travers l’exemple de la libéralisation du fret, les cheminots interrogés font part de leur malaise et de leurs craintes face à cette ouverture du marché ferroviaire à la concurrence. Division des tâches, effritement du lien entre les salariés, individualisation du travail, productivité au détriment de la sécurité, tels sont les effets de la libéralisation dans ce secteur économique clé. Les témoignages illustrent ces réalités et leur ressenti par des employés de toutes les générations, avec comme symbole de ce « mal », la locomotive peinte aux couleurs de Véolia Transports qui passe et repasse en arrière plan.
Dans ce film, nostalgie d’une SNCF unie et appel au militantisme contre la déréglementation des services ferroviaires se conjuguent. Le chacun pour soi met à bas petit à petit le corporatisme qui unit ces métiers. Face à la caméra, les hommes du rail, entre colère et désespoir, expriment les changements entraînés par cette politique. « On n’organise plus rien… on tourne des boutons… je perds le goût du travail… on est traités comme des pions… », « la priorité de chacun est de gérer son activité propre et non plus celle de la SNCF… », témoignent des employés à Marseille.
Interviewé en guise de témoin, le réalisateur Ken Loach livre sa propre analyse de la situation à travers l’un de ses films, réalisé en 2002, The Navigators, qui traite de la privatisation des chemins de fer anglais sous l’ère Thatcher. Pour Cheminots, Ken Loach pointe du doigt des faits souvent oubliés lorsqu’on parle de privatisation, à savoir son coût pour l’Etat, pour les utilisateurs mais également les problèmes de sécurité liés au manque de qualification des personnels engagés à moindres coûts. « C’est une stupidité sans nom, et tout ça au nom d’un dogme politique de privatisation », résume-t-il. Alors quelle solution ? Le militantisme, un programme et une résistance face à la loi du marché pour protéger ce secteur et le remettre aux mains des citoyens.
Les réalisateurs insistent ici sur la place du train dans notre société comme objet de lien social et les dangers d’en faire un outil de profit. Le regard porté par les cheminots exprime cette réalité dans l’évolution même de leurs méthodes de travail. Comment se profile le futur des cheminots qui refusent cet avenir pour leur métier ? Rentrer du travail et se vautrer devant la Star’Ac comme le regrette un jeune employé, ou se réunir et établir une réelle unité syndicale, pour résister, et pourquoi pas, tenter de sauter du train en marche et en refaire un objet de société ? C’est tout le débat que suscite ce film, brillamment réalisé et mis en images. On regrette néanmoins le peu d’apport contradictoire au débat, excepté le discours d’un cadre dirigeant qui évoque l’absence d’alternative à la libéralisation. Ponctué de plans sur les visages fermés et dubitatifs des cheminots, cette scène a une fois de plus l’effet de nous faire prendre le parti des ouvriers du rail plutôt que celui des dirigeants qui imposent des décisions en les présentant comme inéluctables. (Bakchich Info).
Ce film sera projeté dans le Lot, en partenariat avec le collectif Tous ensemble pour les gares et en présence du réalisateur Luc Joulé aux dates et lieux suivants :
Cinéma L’Atalante à Gourdon, le samedi 4 décembre à 21h15
Cinéma Le Quercy à Cahors, le dimanche 5 décembre à 18h00
Cinéma Le Paris à Souillac, le lundi 6 décembre à 20h30
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