Alternatives Economiques. Le 15 Octobre 2010 par Jean-Marie Harribey
Jacques Attali remet aujourd’hui au président de la République un nouveau rapport de la « Commission pour la libération de la croissance » qu’il préside, contenant 25 propositions pour enfin réformer le pays dans les dix prochaines années. Sans doute, les 316 propositions que la commission avait émises en janvier 2008 avaient-elles fait long feu. Ou bien la commission est devenue plus modeste. Plus modeste ou plus brutale ?
La maîtrise des dépenses publiques est son premier cheval de bataille : 50 milliards d’euros en moins sur trois ans. Parmi eux, 10 milliards d’économies en gelant le point d’indice des fonctionnaires. La règle de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite serait étendue aux collectivités locales et à la Sécurité sociale.
La fin de la prise en charge à 100 % des maladies graves de longue durée (cancer, diabète…), quelles que soient les ressources des malades, et le déremboursement de certains médicaments participent à la « modernisation » de la Sécurité sociale pour laisser plus de place aux assurances complémentaires privées. C’est une « modernisation » qui fleure bon le démantèlement.
En pleine bataille sur les retraites, la Commission de Jacques Attali apporte sa pierre à l’édifice en confortant le projet du gouvernement, allant même plus loin pour la période post-2020. Reporter l’âge de la retraite est la bonne mesure pour le court terme et, pour le long terme, il faut allonger la durée de cotisation : « Augmenter la durée de vie professionnelle permet de concilier amélioration des finances publiques et stimulation de la croissance. » L’individualisation du système de retraites est recherchée avec la proposition de mettre en place des comptes notionnels (voir sur ce blog notre critique dans « Un jour, tu seras vieux mon fils », 10 juillet 2009, et « Retraites : attention au dernier coup de Jarnac »).
L’autre volet du nouveau rapport de la Commission Attali concerne les recettes fiscales. Au diapason du rabotage des niches fiscales, 25 milliards de réduction sont envisagés. Mais le point le plus important porte sur l’introduction d’une TVA sociale à la place des cotisations sociales. Cette proposition controversée a été récemment reprise par une partie de la droite sous l’appellation « TVA anti-délocalisations ». Or elle se heurte à de multiples objections dont Attac avait fait l’inventaire en 2007, notamment : la TVA dite sociale signifierait une politique non coopérative au niveau européen ; jamais elle ne résorberait l’écart des coûts de production dans le monde, elle n’éviterait donc aucune délocalisation ; elle provoquerait une nouvelle baisse de la contribution des entreprises aux financements sociaux, sans aucune contrepartie de leur part en termes de baisse des prix et de création d’emplois et enfin, en tant que taxe sur la consommation, elle aggraverait encore le caractère non redistributif de notre fiscalité.
Enfin, ce dernier rapport de la Commission Attali adopte des propositions qui, au regard de sa propre problématique – promouvoir la croissance –, s’inscrivent pleinement dans la logique néo-libérale : la rigueur budgétaire et l’austérité pour les pauvres sont censées nous sortir de la récession. On connaît ce programme : il échoué depuis plus de trente ans. Demain encore, il échouera et, de plus, il nous engouffrera dans une voie sans issue car il sera incapable de concevoir un avenir non productiviste.
Le cru Attali 2008 et celui de 2010, c’est double zéro pointé.
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