La viande : 51% des émissions de gaz à effet de serre ?

Agoravox. 30 octobre 2009 par Actias

Il est désormais largement reconnu que la production de viande représente un coût écologique au moins aussi désastreux que celui de l’industrie des transports. Une étude publiée par la FAO en 2006 officialisait ce fait en évaluant à 18% la part de la production de viande dans la totalité des émissions de Gaz à Effet de Serre. Une récente publication du Worldwatch Institute [1] révise ce chiffre, le portant désormais à ... 51%.

Le rapport de l’ONU

En 2006, le rapport de l’ONU publié par la FAO "Livestock Long Shadow
" [2] avait fait couler beaucoup d’encre. Il officialisait et révélait au monde les conséquences catastrophiques de la production "moderne" de viande sur l’environnement. L’analyse portait sur les émissions de gaz à effet de serre mais également de l’impact sur la biodiversité ainsi que la dégradation des sols, de l’air et de l’eau.
La production de viande se hissait soudainement parmi les 2 ou 3 premiers facteurs les plus destructeurs de l’environnement. A titre de comparaison, les estimations des émissions de gaz à effet de serre induites par l’élevage dépassaient celles de tous les transports réunis (voitures individuelles, camions, cargos, avions etc ...).
Constatant qu’avec l’essor des pays émergeant la demande en viande allait doubler d’ici quelques années, les recommandations des rapporteurs incitaient, entre autres, à modifier les animaux et les végétaux génétiquement et à circoncire les derniers espaces naturels qui resteraient après la ruée vers la viande (en supposant qu’il en reste).

Les raisons, par l’exemple des petits lardons

Un premier rapport d’une Worldwatch Institute, dont il existe une traduction française, avait d’ailleurs sonné l’alerte en détaillant les raisons qui ne sont pas forcément évidentes au premier coup d’oeil.
Pour l’illustrer, nous pourrions prendre l’exemple de banals et innocents "petits lardons". Pour pouvoir proposer cet ingrédient à bas prix, il faut tout d’abord nourrir des cochons, pour cela on importe des tourteaux de soja. Cette espèce unique de soja OGM est produite en Amazonie en lieu et place d’une forêt primaire multi millénaire dont la biodiversité est détruite à tout jamais [3]. Cette culture nécessitera des engins agricoles, toutes sortes de pesticides et des millions de litres d’eau. Passons le transport en cargo dudit soja vers les élevages occidentaux où les cochons les attendent, parqués par milliers dans des conditions tout simplement abominables.
Même si la logique économique les réduits à des unités artificielles de production de petits lardons, il s’agit encore d’êtres vivants qui transformeront une grande partie de l’énergie qu’ils ingurgitent pour maintenir leur température interne, créer des os, créer du stress et autres besoins physiologiques non comestibles pour l’homme. Leur triste "vie" supportée à grand renfort d’antibiotiques dans un univers de béton sera un fertile terrain de mutation à virus et générera des tonnes d’excréments qui finiront en algues vertes et autres émissions de gaz à effet de serre.
Après avoir été mis à mort et découpés par des robots de plusieurs tonnes ils finiront enfin sous forme de bons "petits lardons" qui devront être transportés sur de longues distance en respectant une chaine du froid grande consommatrice d’énergie (la viande se conservant beaucoup moins bien que les végétaux) pour devenir enfin disponible au rayon frais de votre supermarché... et avec un peu de chance, il y aura même une promotion ...  
Contrairement à ce que pourrait laisser croire une analyse de premier degré, l’élevage tel qu’il est pratiqué pour pouvoir fournir en viande les concentrations urbaines ne créer pas de nourriture et ne favorise pas la préservation des espèces. Le rendement thermodynamique de la production de viande est déplorable et au final, cette industrie détruit 7 fois plus de nourriture qu’elle n’en produit. En maintenant artificiellement la survie de quelques espèces domestiques, elle en extermine des milliers de sauvages, pour toujours.
C’est une vérité encore difficile à admettre pour beaucoup d’occidentaux, mais une banale barquette de "petits lardons", de "saussiflard" ou autres "charcutailles" présentés comme des merveilles culinaires par un marketing de masse sont en fait des concentrations de ce que l’humanité sait faire de pire à son environnement. 

La révision des chiffres


Signalons au passage la parution cette année du livre de Fabrice Nicolino étudiant à fond le problème et révélant les stratégies mises en place par les industriels de la viande pour cacher des vérités affolantes. Ce livre reprenait les chiffres du rapport de l’ONU concernant les émissions de gaz à effet de serre du secteur, soit 18%.
Il s’avère que la réalité pourrait être bien pire que prévu, la publication par le Worldwatch Institute du rapport de Robert Goodland et Jeff Anhang, anciens experts environnementaux de la banque mondiale (institution de lutte contre la pauvreté de l’ONU) : "Livestock and Climate Change" élèverait cette estimation à 51%, soit plus de la moitié de la totalité des émissions anthropogéniques de CO2. 
Cette révision se base entre autres sur l’inclusion dans l’équation de paramètres ignorés ou sous évalués par le rapport de 2006, notamment :
  • La respiration des troupeaux, qui n’est pas considérée comme une source nette de CO2 selon le rapport de Kyoto (dans cette optique, un animal peut même être considéré comme un puits de carbone). Simplement, cela met de côté le fait que cette sur-reproduction artificielle d’animaux domestiques remplace dans la plupart des cas une forêt primaire et que les molécules de CO2 issues de leur respiration sont aussi naturelles que celles rejetées par un pot d’échappement.
  • La sous estimation de l’impact des cultures fourragères et du rejet de méthane.
  • L’exclusion des aquacultures.
  • Le cout d’opportunité comparé aux produits sans viande, par exemple : la chaine du froid à respecter, le temps et la température de cuisson (beaucoup plus élevés pour la viande), l’incinération des déchets, les emballages plus spécialisés (pour des raisons sanitaires) etc...
Au total on atteint le chiffre incroyable de 51%.

Conclusion

Tout le monde ne doit pas forcément devenir végétarien[4], mais quand on sait que 99,5% de la viande consommée en France est d’origine industrielle et qu’il n’y a plus trop de place pour les élevages "bio", une réduction plus que drastique (1 fois ou 2 par mois) de la consommation de viande et autres sous produits animaux est de très loin le geste le plus efficace pour diminuer notre impact négatif sur la nature. Largement devant la voiture électrique ou l’isolation domestique.
Rappelons qu’il existe une très grande diversité de produits sans viande, équilibrés et
infiniment moins dommageable pour l’environnement qui n’attendent que l’augmentation de notre demande pour être disponibles.
Une chose est sûre, si l’on regrette le changement climatique et que l’on considère qu’il est en grande partie du à l’activité humaine, on est alors en totale contradiction avec nos considérations dès lors que l’on plantent nos fourchettes dans un morceau de ce qui autrefois fut l’Amazonie.
 
Actias
www.actias.e-monsite.com
 
Notes et références :
[1] Le Worldwatch Institute est une ONG de recherche environnementale américaine, considérée comme l’une des plus importante dans sa catégorie. Elle conseille l’ONU et la FAO et publie chaque année un rapport sur l’état du monde.
[2] Livestock’s Long Shadow - Environmental Issues and Options. Food and Agriculture Organisation. 2006. ISBN 9251055718.
[3] En moyenne, il faut 659 m² de plantation de soja transgénique par français pour fournir les 92 Kg de viande consommée par an. Bidoche, Fabrice Nicolino
[4] Les régimes végétariens (et végétaliens), contrairement aux mythes, n’ont rien à envier en termes de santé aux régimes carnés (voir entre autres le rapport de l’ADA, la plus grande association diététique mondiale).
 
 
En ce qui concerne le soja transgènique :
 

Interview Nicolino 1/3
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Dernière mise à jour de cette page le 31/10/2009
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