Plume de presse. 20 novembre 2009 par Olivier Bonnet
L’acte 1, c’est l’interview accordée par Marie Ndiaye, qui n’est alors que future prix Goncourt, aux Inrockuptibles : "Je trouve cette France-là monstrueuse. Le fait que nous [avec son compagnon, l’écrivain Jean-Yves Cendrey, et leurs trois enfants - ndlr] ayons choisi de vivre à Berlin depuis deux ans est loin d’être étranger à ça. Nous sommes partis juste après les élections, en grande partie à cause de Sarkozy, même si j’ai bien conscience que dire ça peut paraître snob. Je trouve détestable cette atmosphère de flicage, de vulgarité... Besson, Hortefeux, tous ces gens-là, je les trouve monstrueux. Je me souviens d’une phrase de Marguerite Duras, qui est au fond un peu bête, mais que j’aime même si je ne la reprendrais pas à mon compte, elle avait dit : "La droite, c’est la mort". Pour moi, ces gens-là, ils représentent une forme de mort, d’abêtissement de la réflexion, un refus d’une différence possible. Et même si Angela Merkel est une femme de droite, elle n’a rien à voir avec la droite de Sarkozy : elle a une morale que la droite française n’a plus." Merci à elle pour ces paroles politiquement incorrectes et ô combien salutaires.
L’acte 2, c’est la réaction imbécile du député UMP Eric Raoult : "Ces propos d’une rare violence, sont peu respectueux voire insultants, à l’égard de ministres de la République et plus encore du Chef de l’État. Il me semble que le droit d’expression ne peut pas devenir un droit à l’insulte ou au règlement de compte personnel. Une personnalité qui défend les couleurs littéraires de la France se doit de faire preuve d’un certain respect à l’égard de nos institutions, plus de respecter le rôle et le symbole qu’elle représente. C’est pourquoi, il me paraît utile de rappeler à ces lauréats le nécessaire devoir de réserve, qui va dans le sens d’une plus grande exemplarité et responsabilité", écrit-il au ministre de la Culture. Inutile de commenter cette stupidité : si Marie Ndiaye représente symboliquement la littérature française, elle n’occupe évidemment aucun poste qui l’astreindrait à un quelconque devoir de réserve vis-à-vis du pouvoir politique ! Raoult aurait mieux fait de ranger son stylo : non seulement il s’est couvert de ridicule, mais il a en outre déclenché une deuxième salve, encore plus meurtrière.
C’est l’époux de Marie Ndiaye, Jean-Yves Cendrey, lui aussi écrivain, qui ajoute cette seconde couche et sa violente diatribe s’avère jubilatoire à souhait. Régalez-vous de cet extrait particulièrement gouleyant (texte complet sur Rue89) : "ce que j’ai entendu ne faisait pas de doute : il s’agissait d’un pur discours de guerre civile, tout bleu de terre franche comme le pain volé aux Français, tout blanc de haine envers chômeurs et étrangers, tout rouge du pourpre de la chrétienté inquisitoriale et totalitaire (un rouge qui se marie à merveille avec le jaune diarrhéique des amitiés scientologues du discoureur). C’était aussi bouffon que glaçant. La France était poussée vers l’avenir dans le fauteuil roulant du pétainisme, et elle bavait, et faisait sous elle. Mais, de fait, c’était une promesse électorale, et celle-là du moins se trouvait tenue. Une ancienne promesse du Front national, une promesse d’ostracisme. Elle avait été faite au cours d’un meeting de l’UMP, durant la campagne présidentielle de 2007. L’aigle de l’époque n’était pas encore couronné, mais déjà paon flambard et coq nain de très basse-cour. Souvenez-vous de l’agité-des-épaules (si je disais « du bocal », ce ne serait qu’une insulte au chef de l’Etat qu’il n’était pas encore, certes, mais je préfère lâchement me dispenser de cette bonne vieille saillie pour éviter d’être poursuivi jusqu’à Berlin et traîné devant les tribunaux et roué de coûts) qui soulevait d’enthousiasme et de rire les militants UMP, tous debout dans les baignoires d’un théâtre (des baignoires où aucun Mahométan ne se serait risqué à égorger un mouton) et applaudissant ces mots : « …d’ailleurs si y en a qu’ça gêne d’être en France…(rires) qu’ils ne se gênent pas pour quitter un pays qu’ils n’aiment pas (rires). » La messe n’était pas encore dite, mais c’était tout comme. Marie NDiaye et moi avons taillé la route, et notre carburant n’était nullement la peur mais un violent dégoût. A ceux qui s’inquiètent de voir le prix Goncourt 2009 nuire à l’image de la France à l’étranger, qu’ils se rassurent, le mal est fait, et irréparable jusqu’en 2012, « Casse-toi pôve con ! » étant passé par là."
Même si la saison devait s’avérer sibérienne, voilà la président habillé pour tout l’hiver !
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