Betapolitique. Le 10 Novembre 2010 par Raphaël Jornet
On ne peut se souvenir de tout, mais en 2004, Pierre Cahuc et Francis Kramarz présentaient un rapport préconisant la « suppression des statuts d’emplois précaires » et la création d’« un contrat de travail unique à durée indéterminée donnant droit à une "indemnité de précarité ».
François Bayrou subjugué, s’en était souvenu et l’inscrivit dans son programme présidentiel de 2007.
Un jour de 2007, justement, pendant la campagne des présidentielles, Laurence Parisot déclara que « … avoir en France un taux de chômage inférieur à 5% et une croissance de 3 ou 4% c’est possible à condition de "supprimer le concept de durée légale du travail ». Elle nous amenait sur la suppression des CDI et CDD, qu’elle voyait bien remplacés par des « contrats de mission ».
A la mi-septembre 2010, L’Institut Montaigne, (« totalement indépendant » financé par 80 entreprises (Bolloré, Air France, BNP Paribas, etc. !!), prônait la « suppression du CDD et un CDI plus flexible ».
L’Institut milite pour un CDI à « objectifs »... y adaptant comme un aileron à géométrie variable pour plus de souplesse au bénéfice de l’entreprise, pour « s’adapter au marché ». S’y adjoint une rémunération flexible elle aussi, qui fluctuerait au gré du marché. Imaginez votre vie en perpétuel intérim, où le contrat de travail se négocierait au coup par coup au niveau de l’entreprise, « l’Etat se bornant à se « limiter aux grands principes » selon le vœux de Laurence Parisot. Les « carrières » des salariés seraient mieux gérées...
Le 26 octobre 2010, une étude de la Commission Européenne « constate que la flexibilité du temps de travail est un avantage, aussi bien pour les employeurs que pour les travailleurs. ». "En cette période de ralentissement économique, les formules de travail flexibles peuvent aider les gens à conserver leur emploi. Ils ont de l’humour, aussi : il y aurait un « meilleur équilibre entre vie familiale et vie professionnelle : tant la flexibilité du temps de travail que l’égalité entre les femmes et les hommes sont d’importantes conditions préalables à la reprise économique." . Vous voyez un rapport autre que celui de l’égalité dans la précarité ?
Ne manquait plus que le FMI. Il faut prendre les mots comme ils viennent : le FMI s’est félicité de la réforme adoptée par la France sur les retraites (et la Grèce avant elle), car le produit intérieur brut allait augmenter de 1 à 4%. Ça rassure, quand la France en est à un endettement de 80% de son PIB !!
"Une hausse de l’âge de la retraite est l’outil le plus efficace" si un gouvernement ne veut pas nuire à la croissance, a-t-il conclu. C’était dit. Aussitôt, le gouvernement français s’est félicité que le FMI se soit félicité. Sarkozy embrassait Strauss-Kahn sur la bouche.
Le 4 novembre 2010, le chef économiste du FMI Olivier Blanchard glissa à l’oreille de Jean Pierre Elkabach qu’il fallait « rendre plus égal » le CDI et le CDD. Il voulait bien d’une « protection de l’emploi » mais qu’elle "vienne de manière plus douce, au fur et à mesure du temps". Traduction simultanée : le FMI dit pas de protection contractuelle au départ, mais peut-être si le marché le permet, et si le salarié est gentil.
Il doit être "possible pour les entreprises de diminuer leur force de travail si elles n’ont pas de commandes" mais cela "ne veut pas dire, pas de protection de l’emploi", a-t-il insisté, "il en faut une et elle peut être bien meilleure que celle qui existe". C’est d’une logique implacable : être viré sans entrave pour être mieux.
Nous y voilà, la boucle est bouclée. Leur avenir, c’est continuer de casser le « modèle social », s’attaquer aux normes sociales, qui empêchent l’entreprise de s’épanouir. En brisant la structuration de l’emploi, avec les effets de cascades, ils veulent non pas créer les conditions du plein emploi mais les conditions du plein exercice -par eux- de la maîtrise de l’arrogance contractuelle salariale. L’individualisation en méthode et la peur comme moyen. La structure de l’emploi sera la prochaine cible.
Il faut s’attendre à tout, et notamment entendre que la décapitation des notions de CDI et de CDD sera utile pour « diminuer la force de travail » des entreprises, et créera des emplois... Un sophisme de plus.
Précariser chaque emploi afin qu’un roulement de précaires tienne les postes de travail à un prix cassé, au fil de l’eau. La solidarité au fond, accrochée à une gueuse.
He can, Dominique Strauss ? (1)
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(1) traduction : "prêt pour une valse et une canne, Dominique, en 2012 ?"
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