Le Lot en Action. 09 août 2009 par Bluboux.
Ce matin les grands médias sont focalisés sur "l"affaire" de l'incendie Corse, puisque le CSA somme TF1 et France 2 de s'expliquer sur la reconstitution de l'incendie en Corse. Certes cette façon de procéder est pour le moins pernicieuse, puisque les journalistes auraient du préciser qu'il s'agissait d'une reconstitution. Manipulation par l'image. Ce n'est pas nouveau, il y avait l'affaire de la fausse interview de Castro par PPDA. On regrette bien sur l'émission Arrêt sur Image.
Mais au-delà de cet incident, ce qui me gène bien davantage c'est bien la manipulation sur la sélection de l'information, et là le CSA ne pipe mot !.
Exemple : Jeudi dernier (le 06 août) un évènement c'est produit près de Nantes : le pillage d'un super marché par plusieurs dizaines de personnes. En avez-vous entendu parlé ? moi non.
Je m'intéresse donc à cette info. Premier réflexe : Google News, et là je trouve un article sur Europe 1. Rien sur Le Monde, ni sur Libération, ni sur Rue 89. Tiens tiens, ça excite ma curiosité.
Je poursuis donc par mes sources d'info alternatives, et tombe sur cet article dans le Jura Libertaire, reproduit intégralement ci-dessous, avec en plus une revue de presse consacrée à l'évènement.
Je note que cette action se voulait éminemment politique, qu'elle n'a pas été reprise par les grands médias à l'exception de Europe 1 qui passe sous silence la dimension contestataire et politique de l'évènement et de Marianne.
Je ne prend pas de position sur cet évènement, je n'en connais que trop peu d'éléments pour pouvoir émettre une opinion mesurée, mais j'ai souhaité vous rapporter ici la façon dont les médias nous manipulent en sélectionnant les infos qu'ils nous donnent en pâture au 20h00. En d'autres circonstance, le vous mets mon billet que cet incident aurait fait la une du 20h00, avec des images bien trash de rayons saccagés, d'un patron passant de l'ire aux larmes et de salariés choqués. Et bien sur personne ne serait revenu sur cette info, sauf peut-être dans la presse écrite et sur Internet. Mais qui lit encore la presse papier ? qui va chercher l'info sur Internet ? Pas la très grande majorité des télespectateurs de TF1, France 2 et M6, qui sont également des électeurs.
Le Jura Libertaire, vendredi 7 août 2009
Aujourd’hui à 12 heures, une centaine de personnes masquées ont réquisitionné de la nourriture au Super U de Vigneux pour alimenter le camp Climat.
Les avenirs les mieux préparés se transforment souvent en de véritables catastrophes. En témoigne l’histoire de ce gérant de supermarché dans la petite bourgade de Vigneux-de-Bretagne. Il avait décidé d’implanter les nouveaux modèles de supermarchés aux abords d’un projet d’aéroport d’ampleur nationale. La tyrannie lui semblait être la position la plus habitable pour mener à bien son projet.
Mais c’était sans compter sur le boycott généralisé des habitants de la commune (orchestré par la municipalité à cause d’une triste histoire de voirie) accentué par l’irruption soudaine d’une horde d’affamés déterminée à vider les rayons de son magasin. Une horde bien insatisfaite de garder pour elle le butin de son intervention, et qui vous invite donc à partager en fête ce vendredi et pour les jours à venir une nourriture qui aura saveur de la gratuité aux dépens du tyran.
Une horde d’affamés
Indymedia Nantes, 6 août 2009.
Une cinquantaine de personnes a pillé le magasin hier midi. Des fusées de détresse ont été tirées en direction des gendarmes. Hier soir, personne n’avait été interpellé.
Après l’attaque du Super U de Vigneux, contrôles renforcés dans le secteur
Plusieurs compagnies de gendarmerie ont détaché des hommes tout spécialement.
Depuis l’attaque du Super U de Vigneux-de-Bretagne hier midi, des moyens supplémentaires ont été engagés sur le terrain, pour éviter toute nouvelle action violente et renforcer les contrôles sur réquisition du procureur. Depuis le «pillage organisé» d’hier, personne n’a été interpellé. La quarantaine d’«envahisseurs» est passible de poursuites pour «violences volontaires» et «vol en réunion». Sur les lieux, «six ou sept» fusées de détresse ont été retrouvées par les gendarmes, qui répètent que ces engins sont «très dangereux».
Leur presse (Jérôme Jolivet, Presse-Océan), 7 août.
Un groupe masqué a fait irruption, hier, dans un supermarché de Vigneux-de-Bretagne. D’après le personnel, ils se réclamaient du mouvement anti-aéroport à Notre-Dame-des-Landes.
Coup de fil à la rédaction : une responsable du Super U de Vigneux-de-Bretagne est en alerte. Un groupe d’une dizaine de personnes, masquées et munies de barres de bois, a fait irruption dans le magasin. Ils ont volé de la nourriture et de l’alcool, brisé une vitrine contenant du matériel high-tech, molesté le personnel, explique-t-elle.
Un peu plus tard, plusieurs camions de gendarmerie sont en position devant le Super U. À l’intérieur du magasin, le personnel est sous le choc. «Je courais derrière les voleurs, je leur ai demandé de venir discuter, témoigne le responsable du magasin, Patrick Delhommeau. J’ai été frappé au visage et à la cheville. Un homme qui travaillait à côté et qui s’est interposé a aussi pris des coups.» Une dizaine d’employés étaient présents, mais n’ont rien pu faire. L’un d’entre eux raconte : «On était complètement impuissants, ils étaient en surnombre [ndlr. les gendarmes parlent d’une quarantaine d’intrus]. Ça faisait film ! Ils se réclamaient du mouvement contre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.» Les intrus ont pris la fuite en lançant des fusées de détresse en direction des gendarmes.
15h30
Un important dispositif est déployé. Plus tôt, un hélicoptère a décollé. Ils sont une cinquantaine de militaires mobilisés, venus de plusieurs compagnies pour retrouver les auteurs de l’opération. Les véhicules se dirigent sur le site de Notre-Dames-des-Landes. Une semaine de mobilisation contre le projet d’aéroport s’y tient actuellement. Peut-on parler d’un lien avec l’attaque du supermarché ? «Peut-être, mais on n’en a pas la certitude», confie une source proche de l’enquête. Pour l’heure, aucune preuve matérielle ne permet de confirmer cette piste.
Dans les bois, une trentaine de gendarmes avancent derrière les chiens de l’équipe cynophile. File indienne à pas de loups, en silence. Peine perdue : une partie du dispositif est levée, sans qu’aucune interpellation n’ait eu lieu.
17h
Déclaration d’Yvan Auriel, procureur de la république adjoint à Nantes : «L’objectif est simple : interpeller les auteurs et retrouver les fusées tirées sur les gendarmes». Les engins étant potentiellement mortels, le parquet pourrait retenir la qualification de tentative d’homicide, si la dangerosité des fusées le justifiait. «On ne peut pas laisser passer ces faits d’agression caractérisée», estime-t-il.
Hier soir, une soixantaine de gendarmes étaient toujours à pied d’œuvre sur le site de Notre-Dame-des-Landes. Ils procédaient à des contrôles d’identité tous azimuts.
«Nous n’allons pas soutenir ce type d’action»
Dominique Fresneau, président de l’Acipa (Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes) : «C’est clair, ce type d’action nuit fortement à la Semaine de la résistance. Nous n’avions pas besoin de ça, de cette publicité. Pour nous, il ne s’agit pas de gens du Camp Action Climat (NDLR : Même si ce camp s’intègre à la Semaine de la Résistance réunissant différentes associations comme l’Acipa ou Attac, il est indépendant dans son fonctionnement). Ils n’ont d’ailleurs nullement revendiqué cette action. S’il avait fallu condamner la société de consommation la cible aurait été un hypermarché mais pas un petit “Super U” qui est loin de tout ça.»
Sylvain Fresneau, agriculteur de Notre-Dame-des-Landes, membre de l’Acipa : «Nous n’allons certainement pas soutenir ce type d’action. Nous, on agit toujours ouvertement et jamais violemment. À l’origine de cette action, il ne faut pas forcément y voir des gens du Camp Action Climat.»
Une porte-parole du Camp Action Climat : «On ne l’a pas revendiqué. On n’a pas voté pour avoir un avis là-dessus. Chacun a ses réflexions propres. Il n’est donc pas possible de vous donner la position officielle du CAC.»
Le préfet de Loire-Atlantique : «Je condamne fermement ces agissements qui surviennent après l’envahissement et la dégradation, lundi, d’un local de Nantes métropole. S’il convient d’éviter tout amalgame entre ces comportements et la manifestation pacifique actuellement en cours contre le projet de transfert de l’aéroport de Nantes sur le site de Notre-Dame-des-Landes, chacun doit garder à l’esprit que cette contestation ne saurait justifier une quelconque forme de violence.»
Leur presse (Clémence Holleville, Ouest-France), 7 août.
L’attaque du Super U pourrit la vie des décroissants
À Notre-Dame-des-Landes, le Camp action climat rassemblait dans la bonne humeur décroissants et opposants à l’aéroport. Mais hier soir, le Super U a été dévalisé par une bande de jeunes encagoulés. Et l’ambiance du camp en est un peu chamboulée…
Le diable est dans les détails, mais pas que. L’utopie cohabite avec le réel. Et le réel, ce matin à Notre-Dame des Landes, c’est un fait-divers qui s’est déroulé à quelques kilomètres du camp : une quarantaine de quidams cagoulés ont effectué une razzia dans le Super U du coin. Ils ne cherchaient pas d’argent, mais des victuailles, dans la grande tradition des «auto-réductions» pratiquées par les autonomes dans les années 1970 et 1980. L’auto-réduction ne s’est pas, cependant, déroulée sans quelques bousculades avec les employés et le directeur du supermarché.
Une fois leur sac à dos rempli, les jeunes protégeaient leur fuite, à pied, en lançant des fusées de détresse à une escouade de gendarmes accourus. Du coup, ces derniers ont fait chou blanc et les fuyards courent toujours même si, à l’arrière du camp, une banderole propose aux personnes présentes de se servir dans le butin d’épicerie déposé à même le sol, afin d’organiser un festin bien mérité. Impossible de savoir, bien sûr, si ceux qui traînent là ont un quelconque rapport avec le raid du Super U…
Le camp d’en face, comme on dit ici pour désigner les partisans de l’«Ayrault-port», a bien entendu immédiatement profité de l’occasion offerte d’assimiler décroissants et opposants à l’aéroport avec les jeunes délinquants radicaux. Toutes proportions gardées, l’amalgame ressemble un peu à celui de l’affaire Coupat.
«On a tendu les verges pour se faire battre, regrette un organisateur. Eux ils ne font que leur job.» Ledit job consiste en des gros titres de la presse locale, un déploiement policier spectaculaire et l’engagement du préfet de pourchasser les responsables.
En fait, l’attaque du Super U provoque une montée de la tension entre le comité local qui lutte contre l’aéroport et le Camp action climat dont il a accepté la présence sans bien savoir à quoi il s’exposait. Organisés sur une base libertaire, refusant tout chef ou porte-parole, les militants du camp ne se sont pas prononcés sur l’affaire du Super U.
L’inspiration des jeunes est-elle géographique, s’inspirant des Camps action climat anglais organisés par des écolos-radicaux ? Est-elle davantage historique, renouant avec le fil des autonomes français de l’ancien temps ? On n’en saura rien, car on ne trouve pas une aiguille dans une botte de foin, surtout quand on ne se sent pas l’âme policière…
Quoi qu’il en soit, l’incident a déjà provoqué une conséquence politique importante localement : les maires des villages du coin ont annulé leur participation à une conférence de presse contre l’aéroport prévue ce matin. Mais sur un chemin qui mobilise depuis des dizaines d’années les opposants à l’aéroport, il s’agit tout au plus d’un tout petit caillou…
Leur presse (Philippe Cohen, Marianne), 7 août.