Article XI. Le 28 Juin 2011 par Ludo S. (publié par Marie)
Ils ont raison, Wauquiez, Copé et consorts : il faut faire quelque chose de tous ces assistés qui grèvent notre économie. Et cesser la demi-mesure, fermeté über alles. Puisqu’on ne parvient pas à juguler le chômage et que la France se fait patrie de l’assistanat le plus éhonté, une seule solution : l’incarcération ! Le pire, c’est qu’ils y songent peut-être, nos chers gouvernants...
Oui, Monsieur Wauquiez, le RSA participe aux « dérives de l’assistanat » et ses titulaires sont le « cancer de la société française » [1]. Bien sûr, M. Copé, évidemment, M. Daubresse, il faut leur imposer des travaux d’intérêt général. Cela ne fait aucun doute, Mme Roquelle, il existe « une France des assistés, une France des canapés ». Cette France tellement bling-bling qui, quelle horreur, se pavane en métro, fait du lèche vitrine hard discount, frime aux Restos du cœur, jouit de HLM luxueux aux appartements de plus de dix m2...
Vous avez mille fois raison, mais vous n’allez pas assez loin. Pour « lutter contre la déprime » et un peu moins « contre l’enfermement », je le dis sans détour : que les chômeurs, les rsa-istes aillent en prison ! Qu’ils croupissent dans les caves de la République, qu’ils dépérissent dans le cachot du plein-emploi, jusqu’à ce qu’ils connaissent par cœur le moindre recoin de mitard des imperfections du marché. Qu’ils dégringolent dans la trappe à pauvreté et qu’ils se méprisent dans le miroir de l’inactivité pour y voir le reflet misérable de la honte.
Transformez les entretiens d’insertion en garde à vue, les inscriptions à la CAF en comparution immédiate, les guichets de Pôle emploi en parloir, les conseillers en matons, les demandes de RSA en fouille au corps. Allez-y, lâchez vous ! Un peu d’imagination ! Insultez en toute impunité ces bêtes immondes sans force de travail. Traquez, chassez les bêtes sans somme. Capturez ces monstres du Lockness hantant les eaux usées du salariat. Et peu importe s’ils pataugent dans les bassins d’emploi marécageux. En temps de guerre économique, les exemptés de l’effort national doivent être faits prisonniers, sans demi-mesure. Ces sociaux-traîtres fainéants, parasites nonchalants, adeptes de l’allocation-glandage. Eux qui sont planqués à l’arrière sans aucun sens du devoir économique pendant que nous nous tuons au front de la concurrence. Eux, les désœuvrés en semaine, flâneurs le week-end, branlouilleurs nuit et jour sur le divan du monde.
Que les mercenaires de l’oisiveté soient rapidement jugés sans présomption d’indolence. Ils sont coupables ! Coupables de s’aligner comme réservistes dans l’armée industrielle. À cause du nombre de ces déserteurs, on se contente de bas salaires. Exit les salaires légitimes, exit les conditions de travail avec tape dans le dos et sussucre en fin de journée. De nos jours, les poilus sont hors des tranchées et se refusent à connaître les vertus salutaires de la sueur. Alors, abolissez les privilèges de la paresse ! Coupons le poil de leur main invisible.
Non, ne les tuez pas, cela nous coûterait trop cher. Flanquez-les simplement dans les geôles à ciel ouvert où le travail rend libre. Aucun problème moral : « Privation de liberté n’est pas privation d’humanité », a dit le camarade DSK. Il faut « encadrer, former et réinsérer » vers l’emploi. Réhabilitez les ateliers nationaux, les maisons et les camps de travail ! Cela fît ses preuves après la révolution ou durant la grande crise de 1930... Obligez les mous du genou à mettre la main à la patte : cinq heures, 20 heures, 100 heures par semaines. Payez des gens à creuser des trous et d’autres à les reboucher. Ça occupe, ça crée de l’emploi et ça booste la croissance, ce rocher de Sisyphe que les sherpas du PIB montent et remontent à bras le corps, parfois même avec les dents, pour recevoir quelques éboulements du sommet.
C’est bien connu : les chômeurs freinent la croissance. Notre pays n’a pourtant jamais été aussi riche, et le nombre de chômeurs jamais aussi important. Mais le Français est « coincé par les 35 heures, l’emploi à vie, le RSA jeune, la surtaxation du travail et du capital, le pays s’auto-condamne à mourir à petit feu, étranglé par sa perte de compétitivité et son niveau d’endettement », le très très très sérieux journal Les Echos l’a dit. « Il est indispensable que nous nous remettions au travail. » Alors qu’attendez-vous ?
Vous qui connaissez bien ce que « tout le monde pense tout bas », vous qui n’avez jamais profité, dieu vous en préserve, de l’argent du contribuable. Vous qui avez eu la dignité de ne jamais être pauvre. Vous qui avez le mérite d’être là où vous êtes sans les allocations d’assistance, mais seulement grâce à la sueur du front de votre famille [2]. Vous qui avez les mains aussi lisses qu’un cul de nourrisson, faites-leur la leçon ! Donnez une bonne fessée à ces enfants gâtés qui tètent sans vergogne les seins de Marianne. Jusqu’au sang.
Cumulards sans limite, rongeurs d’allocs jusqu’au seuil de pauvreté. Refuser de crever la dalle n’est-ce pas là, ô péché originel, profiter du système ? Ont-il seulement l’once d’une pointe de culpabilité ? Prenez-vous bien conscience, M. Wauquiez, MM. Copé et Daubresse, Mme Roquelle, de ce que les 1,847 millions (voire 3,8 millions avec enfants et conjoints) récipiendaires du RSA coûtent à l’État. À cause d’eux, nous n’avons sauvé les banques qu’à hauteur de 360 milliards d’euros, une bagatelle pour les soldats de l’économie.
Et surtout n’écoutez pas les irréalistes, ne redistribuez pas les richesses ! Ils risqueraient - rendez-vous compte - de travailler sans emploi, sans être subordonné ou contraint. Pire : d’effectuer du travail non marchand sans valorisation du capital. Et sacrilège des sacrilèges, ils se mettraient à profiter de la vie. Quelle inconscience ! Quelle décadence ! Et ce, au lieu de s’adonner aux jouissances émancipatrices du remplissage de sacs de courses, du bippage d’articles, du tremblotement sur marteau-piqueur, de l’astiquage d’assiettes à sept euros l’heure. L’ingratitude même. Ne vous méprenez pas, le poil cultivé dans leur main gauchiste est issu, je vous le donne en mille, de la barbe du Père Marx. Savez-vous ce qu’écrivait en 1850 ce teuton manichéen bouffeur de bourgeois ? « Dans le premier projet de Constitution, on rencontrait encore le droit au travail, première formule confuse où se résumaient les revendications révolutionnaires du prolétariat. Il fût transformé en droit à l’assistance. Et quel est donc l’État moderne qui ne nourrit pas ses pauvres sous une forme ou sous une autre ? » [3] Devenez post-modernes, ne les nourrissez plus sans contrepartie.
En vérité, je vous le dis : la France les laissera agoniser dans leurs cellules cancéreuses sans aucun soin palliatif. Jusqu’à ce que la population active soit métastasée. Oui, car il faut se rendre à l’évidence M. Wauquiez, restons réalistes MM Copé et Daubresse, c’est indéniable Mme Roquelle, le propre du cancer, même si les recherches avancent, est de se propager. Lentement mais sûrement. Ainsi s’installera une pandémie sans précédents où nous serons tous chômeurs et, malheur des malheurs, où les salaires, lois de l’offre et de la demande obligent, augmenteront. « Si un jour on atteint les cinq cent mille chômeurs en France, ça sera la révolution », s’inquiétait déjà G. Pompidou en 1967. Imaginez un peu quand on passera la barre des 5 millions ! Les assistés actuels apparaîtront comme des pionniers, des héros de guerre. Et vous, idiots utiles, sida de nos consciences, serez jetés au bagne de la connerie humaine. En quarantaine. Avec les plis sur vos fronts comme des barreaux de prisons.
Ludo S. journaliste-pigiste, plongeur, futur titulaire du RSA… ou pas
[1] Site en carafe oblige, ce billet est publié avec quelques semaines de retard sur les propos qui l’ont inspiré. Pas grave : il reste d’une actualité brûlante.
[2] Laurent Wauquiez : issu d’une famille d’industriels /Sophie Roquelle : épouse de Jean-François Cirelli, numéro 2 de GDF-Suez / Jean-François Copé : fils de Roland Copé, chirurgien, cancérologue et comédien.
[3] Karl Marx, Les luttes des classes en France, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, Paris, La Table Ronde, 2001 Trad. De L. Rémy et J. Molitor, 314 p. Coll. « La petite Vermillon ».
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