Les climato-sceptiques carburent à pleins gaz

Bakchich Info. Le 7 Décembre 2010 par Hélène Huteau

 

Le sommet de Cancun, au Mexique, tente de remobiliser sur la limitation des gaz à effet de serre. Pas gagné. Les climato-sceptiques sont passés par là et ont fait leur œuvre auprès des opinions.

Les controverses sur le changement climatique, alimentées par un petit groupe de scientifiques et abondamment relayées par les médias, ont, dans l’esprit des Français, réussi à introduire le doute sur la réalité de ce bouleversement. Selon une étude de l’Ademe, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, après des années d’augmentation, la prise de conscience du problème climatique a chuté brutalement en 2010.

Aujourd’hui, un Français sur cinq pense que le réchauffement est le problème environnemental le plus préoccupant, contre un sur trois en 2007. De même, la certitude que le climat va se modifier n’est plus acquise que pour 50 % d’entre eux, contre 70 % auparavant. Quant à l’origine anthropique, l’influence de l’activité humaine sur la dégradation de ce même climat, 81 % de nos compatriotes en étaient convaincus l’an dernier ; ils ne sont plus que 65 % en 2010.

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Semer le doute

Ce scepticisme s’explique en grande partie par la polémique faite autour des membres du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), en marge du sommet de Copenhague, en décembre 2009. Le « Climategate » avait débuté un mois plus tôt avec la publication d’e-mails de chercheurs de l’université britannique d’East Anglia, contributeurs du Giec, laissant apparaître que ceux-ci avaient falsifié des données pour accréditer la thèse du réchauffement. Puis un autre battage avait suivi autour d’erreurs dans le rapport 2007 du Giec.

Depuis, deux études indépendantes, britannique et néerlandaise, ont réfuté ces allégations. Et, en France, l’Académie des sciences a confirmé les conclusions du Giec. Le but de cette même docte assemblée était aussi de clouer le bec à notre climato-sceptique national, Claude Allègre. Trop tard ! Son ouvrage, l’Imposture climatique, avait déjà connu un écho retentissant. Et même si l’ex-ministre de l’Éducation n’est pas accusé d’acoquinement avec les pétroliers ou l’industrie du charbon, à l’instar de nombre de ses collègues américains, il aura réussi son coup : semer le doute.

Lobbyistes masqués

Le livre Merchants of Doubts (les Marchands du doute) d’Erik Conway et Naomi Oreskes, professeurs d’histoire des sciences à l’université de San Diego, analyse ce phénomène. Les auteurs expliquent comment une poignée de scientifiques américains est parvenue à dévier la connaissance du public vers des faits qui sont en faveur d’intérêts économiques, mais sans dire leur nom : que ce soit sur les méfaits du tabac ou le réchauffement climatique. Comme l’explique James Hoggan, auteur de Climate Cover-Up, la Croisade du déni du réchauffement climatique : « Les groupes antiréchauffement avancent masqués. Ils sont différents des lobbies, qui, eux, doivent déclarer leurs financeurs. »

En France, juste avant la conférence mondiale sur le climat, qui a lieu du 29 novembre au 10 décembre à Cancun, au Mexique, deux livres ont dénoncé cette désinformation scientifique : le Populisme climatique, de Stéphane Foucart, journaliste au Monde, et le Négationnisme climatique de Florence Leray.

La démobilisation générale face à l’urgence écologique est telle que l’espoir d’un accord post-Kyoto semble encore plus difficile à obtenir qu’après Copenhague. Même Laurence Tubiana, membre de l’Institut du développement durable et des relations internationales, estime que « plus personne n’y croit ».

Non seulement l’idée d’un accord international, pour contenir le réchauffement, semble dans les limbes, mais la légitimité même d’un effort quotidien et citoyen de réduction des gaz à effet de serre a reculé dans l’opinion. Les raisons ? Manque de confiance dans le discours scientifique, déception face aux politiques dont les décisions ne sont jamais à la hauteur de leurs discours incantatoires et, enfin, le confort facile de la position sceptique face à une théorie qui remet en question tout le modèle de vie occidentale.

Dans les pays anglo-saxons, où les débats médiatiques ont été les plus violents, la controverse a des implications politiques concrètes. Le projet de loi Obama de créer une Bourse des crédits carbone, sur le modèle européen, n’est pas passé au Sénat. Le Canada, qui attendait l’initiative des États-Unis, est resté immobile. Le scepticisme colporté par la presse européenne et américaine s’est même exporté jusqu’en Chine, où le sujet du réchauffement est un fait récent dans l’opinion.

Scientifiques agacés

Pour autant, les chercheurs américains que le climat préoccupe n’abdiquent pas. Ils ont lancé une fronde contre les « négationnistes » pour investir à leur tour le champ médiatique. Le 8 novembre, 39 universitaires de la Société américaine de géophysique ont poussé un coup de gueule contre les climato-sceptiques dans le Los Angeles Times. Ils ont annoncé 700 soutiens parmi leurs collègues membres de la société de géophysique.

« Cela dénote d’une vraie colère chez les scientifiques du climat, qui ont cultivé jusque-là une discrétion à toute épreuve. Changement de braquet : ils vont combattre pied à pied ceux qu’ils qualifient de désinformateurs, lesquels sont désormais majoritaires à la Chambre des représentants », explique Hélène Crié-Wiesner, une journaliste française, ancienne spécialiste de l’écologie à Libération, aujourd’hui expatriée aux États-Unis.

Aux yeux de ceux que l’avenir inquiète, il apparaît plus que nécessaire d’expliquer l’enjeu et les faits. Afin de rappeler que le changement climatique n’est pas une question de foi. Comme l’a souligné David Viner, de l’unité de recherche sur le climat de l’université d’East Anglia : « Je ne crois pas au changement climatique. Je crois aux signes du changement climatique ».


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Dernière mise à jour de cette page le 07/12/2010

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