Le Taser retiré des mains des policiers municipaux

Rue89. 2 septembre 2009 par Chloé Leprince

Le Conseil d'Etat a annulé le décret qui avait permis à onze villes d'équiper leur police avec le pistolet à impulsion électrique.

Le Conseil d'Etat a annulé ce mercredi le décret du 22 septembre 2008, qui autorisait l'équipement de policiers municipaux avec des pistolets de type Taser. Cette victoire pour l'association Raidh, à l'initiative de la requête, est un début de camouflet pour le gouvernement.

C'est l'ancienne ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie, qui avait fait le pressing pour que la loi permette de doter les 17 000 policiers municipaux de France de cette arme à impulsion électrique capable d'envoyer une décharge de 50 000 volts. A l'époque, une dizaine de villes s'étaient portées candidates.

Près d'un an plus tard, le Conseil d'Etat a rendu sa décision après avoir vérifié le nombre exact de municipalités réellement équipées sur le territoire.

Rue89 publie cette liste exhaustive issue d'une enquête auprès de tous les préfets, auxquels une mairie candidate devait demander le feu vert :

Trois Taser seulement chez le compagnon de MAM : bonjour le coup de com

Au total, peu d'hommes relevant de l'autorité du maire, officier de police judiciaire, pouvaient donc accrocher le pistolet jaune et noir à la ceinture. Chez certains édiles, la surmédiatisation de ce palier sécuritaire avait même tout de l'ardent coup de com.

Ainsi, Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine) n'aura finalement acheté que trois unités, alors que la mairie avait abondamment communiqué sur la chose, comme le montre ce reportage diffusé il y a un an. Mais il est vrai que la ville est administrée par Patrick Ollier, qui n'est autre que le compagnon d'Alliot-Marie. (Voir la vidéo).


A l'inverse, deux villes passées à gauche avaient fait marche arrière après les dernières élections municipales. Mais, si Fabrice Ferrier, de Raidh, a déposé cette requête visant à faire annuler le décret du 22 septembre 2008, ce n'est pas tant pour la réalité arithmétique du Taser en France qu'au nom d'une « question de principe ».

Voici sa réaction ce mercredi, en début d'après-midi, alors que Rue89 vient de lui annoncer sa victoire au Conseil d'Etat :

« Nous, ce qui nous dérange, c'est concrètement la décharge de 50 000 volts, qui représente une surenchère dans la violence.

Ce que nous disons depuis le début, c'est que cette nouvelle arme doit être réservée à des unités d'élite, dans des conditions bien particulières : prise d'otage, détournement d'un aéronef, légitime défense… »

Ni formation, ni évaluation, ni contrôle, ni précautions d'emploi

Ce qui motive l'annulation par le Conseil d'Etat, c'est l'absence d'une formation digne de ce nom. Extrait de la décision des hauts magistrats :

« La décision constate que ni le décret du 22 septembre 2008 autorisant l'armement des agents de police municipale ni aucun autre texte ayant valeur réglementaire ne prescrit la délivrance d'une formation spécifique à l'usage de cette arme préalablement à l'autorisation donnée aux agents de police municipale de la porter.

Aucune procédure d'évaluation et de contrôle périodiques, pourtant nécessaire à l'appréciation des conditions effectives d'utilisation de l'arme, n'est par ailleurs prévue. Les précautions d'emploi ne sont pas davantage précisées.

Par conséquent, le décret est annulé pour méconnaissance des principes d'absolue nécessité et de proportionnalité dans la mise en œuvre de la force publique. »

Le Conseil d'Etat valide l'équipement en Taser de la police nationale

Cette carence de formation, Rue89 la révélait dès février 2008 en donnant la parole à l'un des instructeurs, choqué par le manque d'implication de sa hiérarchie en la matière. Ce dernier révélait alors que l'initiation n'excédait pas deux à trois jours de stage. Pour lui, « un tiers des policiers sont mal formés ». A lire les conclusions de la haute juridiction, le problème est bien resté entier.

Chez Raidh, on s'étonne tout de même que les juges ne soient pas allés plus loin. Fabrice Ferrier avait en effet introduit une autre requête : l'annulation d'un arrêté daté du 6 juin 2006, qui avalisait cette fois l'équipement de la police nationale. Au total, entre 3 700 et 4 000 hommes arborent aujourd'hui le pistolet à la ceinture, selon le ministère de l'Intérieur.

Ce « deux poids, deux mesures » étonne Raidh, qui estime même avoir fait « quasiment un copié-collé » pour ce second recours, et soulevé en tous cas les mêmes questions de droit. En l'occurence, la double requête était motivée tous azimuts, convoquant pêle-mêle la torture, le principe de précaution et diverses conventions internationales des droits de l'homme.

Si l'échec de la requête concernant la police nationale est bien confirmé, Raidh s'apprête à saisir la Convention européenne des droits de l'homme, « maintenant que toutes les voies devant la justice française semblent épuisées ».

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Dernière mise à jour de cette rubrique le 09/09/2009