Mondialisation
Par , (23 avril 2009). Basta !
Les paysans camerounais mènent depuis cinq ans une bataille contre l’importation massive de poulets congelés. Leur histoire illustre le côté absurde de la globalisation économique. Venues d’Europe, ces importations ont failli ruiner la production locale et causent des problèmes sanitaires. L’Association citoyenne de défense des intérêts collectifs, qui a mené la lutte, a remporté une première victoire en freinant l’arrivée de ces poulets congelés. Son président, Bernard Njonga, est désormais inquiété par la justice camerounaise pour avoir dénoncé la corruption et le détournement de subventions destinées aux paysans. Interview en images.
© Photo : Eric Garault (série Bestiaire)
En 1996, les poulets congelés arrivent massivement au Cameroun. En cause, la ratification des accords de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) qui fait passer le niveau d’importation de 60 tonnes en 1994 à plus de 22.000 tonnes de poulets en 2003 ! Beaucoup moins chers, ces poulets venus d’Europe font chuter la production de volailles locale. Ils sont aussi pour plus de 80 % « impropres à la consommation humaine » selon Bernard Njonga, agronome et président de l’Association citoyenne de défense des intérêts collectifs (ACDIC). Les infrastructures pour maintenir la chaîne du froid et les contrôles sanitaires font défaut. Une lutte contre l’agriculture productiviste et pour la sécurité alimentaire se met alors en place. Menée par l’ACDIC, et soutenue par plusieurs ONG européennes, elle aboutit à « une réduction drastique des importations ». Celles-ci tombent à 5.000 tonnes en 2005, un an après le début de la campagne. En 2008, un accord est signé avec le ministère de l’Agriculture camerounais. Comment l’ACDIC et ses partenaires ont-ils mené cette campagne ? Quels réseaux se sont mis en place pour les soutenir ? Entretien avec Bernard Njonga :
Effet pervers de cette bataille gagnée : une crise alimentaire du maïs gagne le Cameroun. En effet, la limitation des importations de poulets congelés entraîne une forte augmentation de la production des élevages de poulets locaux qui se nourrissent de cet aliment. Selon l’ACDIC, « de 6 000 tonnes en 2008, le déficit pour la satisfaction de la demande camerounaise de maïs est estimé à 120 000 tonnes pour 2009 ». L’association a mené une enquête sur la gestion des crédits de subvention du « programme national d’appui à la filière maïs » du ministère de l’Agriculture et du Développement rural. L’enquête conclut que « 62% de la subvention accordée à la production de maïs en 2008 ont été détournés. » Le 10 décembre dernier, Bernard Njonga a été interpellé avec d’autres manifestants alors qu’ils manifestaient « contre cette mauvaise gouvernance ». Accusé d’ « organisation de manifestation interdite sur la voie publique », Bernard Njonga est convoqué le 28 mars au tribunal. Son procès commence le 24 avril. La lutte continue.
Sophie Chapelle et Elise Picon (réalisation)