Ce n’est pas sur le site du Bottin mondain que l’on pouvait trouver le recensement des participants, mais sur le site de la revue « La règle du jeu », dans un délicieux article digne de Gala, mais d’un Gala réservé aux « élites » [3] : « Anniversaire de la Règle du jeu : les dessous de la fête ». Un carnet de bal dont la lecture est vivement conseillée. Nous y avons trouvé les informations qui suivent.
Bottin mondain
Connus ou méconnus, écrivains, musiciens, cinéastes, acteurs, chanteurs se pressent autour de Bernard-Henri Lévy [4].
Des représentants de la gauche que l’on dit « de gouvernement » (Jack Lang, Lionel Jospin, Laurent Fabius, Bertrand Delanoë, Arnaud Montebourg, Hubert Védrine, Aurélie Filipetti) aux ministres ou ex-ministres de Nicolas Sarkozy (Bruno Lemaire, Frédéric Mitterrand, Bernard Kouchner), en passant par Daniel Cohn-Bendit et François Bayrou : tous avaient tenu à se montrer et à ne pas manquer ce rendez-vous historique.
Le monde de l’édition était dignement représenté. D’abord avec les éditions Grasset qui publient BHL : Jean-Claude Fasquelle (PDG) Manuel Carcassone (directeur général adjoint), Élodie Deglaire (attachée de presse), Antoine Boussin (directeur commercial). Sont également présents Olivier Nora (PDG de Fayard), Olivier Orban (PDG des éditions Plon). Olivier Cohen (fondateur de la maison d’édition les Éditions de l’Olivier), Jean-Marc Roberts (directeur des éditions Stock, éditeur de Justine Lévy, fille du philosophe des médias, également présente ce soir-là).
Médiacratie
Quelques patrons nécessiteux avaient également fait le déplacement. Mais pas Arnaud Lagardère qui, retenu, se serait contenté d’un coup de téléphone. En revanche, le cogérant du groupe, Pierre Leroy était présent. Maurice Levy (patron de Publicis) également, ainsi que Xavier Niel (douzième fortune de France, vice-président et directeur de la stratégie d’Iliad, maison-mère de Free, actionnaire de Mediapart, Bakchich et surtout, associé avec Pierre Bergé et Matthieu Pigasse, pour la recapitalisation du Monde). Jean-Baptiste Descroix-Vernier (fondateur de la société Rentabiliweb que sa holding personnelle, Golden Glaouis Invest, contrôle à plus de 60%) est également venu.
Ils sont (presque tous) là. « Il n’était pas le premier, mais Laurent Joffrin [bien sûr…] arrive avec son épouse. Laurent Joffrin est directeur de Libération. Mais la vraie question qui se pose à cet instant, est : quel est le patron de presse qui manque dans le joyeux chaos […] ? » C’est en effet, une « vraie question ». Et voici la bonne réponse, toujours selon la rédaction de « La règle du jeu » :
« Il y a là, en effet, Franz-Olivier Giesbert, le directeur du Point, qui est l’hebdo où officie BHL. Christophe Barbier, le directeur de l’Express, avec son éternelle écharpe rouge et, à son bras, une très jolie jeune fille. "Qui c’est ?", demande Hertzog ? "Sa femme", répond Lévy. Voici Jean Daniel (du Nouvel Observateur) qui croise Jacques Julliard [ex du Nouvel Observateur, récemment arrivé à Marianne]. Claude Perdriel [patron du Nouvel Observateur] qui vient de perdre Denis Olivennes mais qui semble plus jeune et gaillard que jamais. […] PPDA, venu avec son frère, le nouveau patron de France-Culture, Olivier Poivre d’Arvor […] Et aussi Étienne Mougeotte, le directeur du Figaro. »
Ce n’est pas tout… « Maurice Szafran, le directeur de Marianne, est là […] Jean-Luc Hees et Philippe Val arrivent en force mais doivent rester une demi-heure sur le trottoir » avec, notamment Claude Askolovitch (rédacteur en chef du Journal du Dimanche), Joseph Macé-Scaron (de Marianne), Alexis Lacroix (également de Marianne dont on pourra lire un article élogieux sur les 20 ans de « la Règle du Jeu » dans le numéro du 3 décembre 2010).
Nicolas Demorand, sparring-partner de BHL sur France Inter et désormais sur Europe 1 [5] est de la partie. Étonnant Demorand qui déclarait récemment, comme gage d’indépendance et d’intégrité : « J’ai toujours eu pour règle de ne pas côtoyer les politiques hors des espaces d’interview : je ne déjeune pas, je ne dîne pas. Je ne le faisais déjà pas avec les intellos et le monde de l’édition quand je m’occupais de culture dans d’autres rédactions. Pas de contact hors des espaces journalistiques. Certes, on y perd en proximité et en familiarité, mais on y gagne en distance et en indépendance. » (L’Express, 7 juillet 2009). Indépendant Demorand dont on apprend qu’il « a commis l’erreur de sortir fumer une cigarette et ne peut plus rentrer, expliquant à son complice et ami Mathieu Tarot ainsi qu’à la compagne de celui-ci, Hélène Fillières, que la RDJ [la Règle du jeu] est en train de devenir une “AFP des droits de l’homme” – et que c’est bien. »
Une « AFP des droits de l’homme » ? Ali Baddou, le lendemain, (mercredi 1er décembre,) reprendra la formule sur Canal Plus et, sans doute pour compenser son absence (a-t-on oublié de l’inviter ?) offrira à BHL, en sa présence, une tresse de lauriers [6]. Un acte d’allégeance.
On pouvait aussi croiser, Laure Adler (ex. directrice de France Culture), Catherine Barma (productrice d’émissions qui invitent régulièrement BHL sur France Télévision), Olivier Jay (directeur du Journal du dimanche), Eric Fottorino, le directeur du Monde, « qui tente de faire un aparté avec Pierre Bergé et Xavier Niel, les deux nouveaux proprios du journal ». Frank Nouchi (du Monde des Livres), Alain Frachon (directeur éditorial du Monde), et Sylvain Bourmeau de Mediapart. Jean-Pierre Elkabbach (président de la chaîne Public Sénat et intervieweur matinal sur Europe 1) et Catherine Nay, sans oublier David Kessler et Veronique Cayla (futurs remplaçants de Jérôme Clément à la tête d’Arte).
Et ce n’est pas terminé. « Philippe Tesson cherche BHL. […] Anne Méaux a mal au dos mais, superbe, ne le dit à – presque – personne. […] Deux anciens présidents, ou quasi présidents, de France-Télévision sont là : Marc Tessier et Patrice Duhamel, que Bernard-Henri Lévy salue comme s’ils étaient toujours présidents. […] Bertrand de Saint-Vincent (chroniqueur au Figaro) est à l’affût. […] Michèle Cotta paraît rêveuse. Nathalie Saint-Cricq (bras droit d’Arlette Chabot) s’amuse. » On apprend que même « le patron du Canard Enchaîné, Nicolas Brimo, a fini de boucler son journal et fait un saut. »
Une cohorte de chroniqueurs et d’animateurs complétait la galerie : Alexandre Adler « minci, et accompagné de sa femme, Blandine Barret-Kriegel », Caroline Fourest (Le Monde, France Culture), Pascal Bruckner (éditeur chez Grasset et chroniqueur au Nouvel Observateur), David Abiker (ancien chroniqueur d’ « Arrêt sur images » sur France 5, désormais chroniqueur pour Europe 1, Marie-Claire, GQ, I-Télé et L’Express), Serge Moati, Karl Zéro... Mais aussi Thierry Ardisson et Marc-Olivier Fogiel, qui « se réconcilient dans le froid du trottoir ».
On ne saura jamais quels étaient celles et ceux qui, parmi les absents, n’avaient pas été invités, avaient décliné l’invitation ou, simplement, n’étaient pas disponibles à l’instar de Dominique Strauss-Kahn et Anne Sinclair restés à Washington…
Une « société de cour »
Ce soir-là, autour de son royal porte-voix, une « société de cour », généralement peu visible, s’offrait à elle-même le spectacle de son existence [7].
Se bousculaient donc au café de Flore aristocrates de haut rang, petits marquis et vicomtesses de la médiacratie dont certains changent de poste comme on change de chemise, sans doute parce qu’ils sont eux-mêmes interchangeables ; passant indifféremment de l’audiovisuel public à l’audiovisuel privé, d’un hebdomadaire à l’autre, d’un actionnaire au suivant.
Qu’on n’aille pas croire que c’est dans ce genre de soirée que se décide le sort du monde (ou même du petit monde qui les fréquente), même si quelques rendez-vous utiles peuvent y être pris. Qu’on ne s’imagine pas que les complicités amicales qui s’y affichent abolissent les rivalités et les querelles. Une société de connivences (qui s’établissent généralement sans concertation) ne supprime pas les petites différences dont les acteurs de cette société font grand cas, en s’agitant à l’intérieur d’un périmètre social et idéologique très étroit. Cette agitation moléculaire prend même la forme de « débats » aux contours circonscrits et aux couleurs pastel.
Quant aux manants qui, il y a encore quelques semaines, manifestaient en France pour la défense de leurs droits sociaux et qui subissent un peu partout les ravages provoqués par la crise financière, qu’ils se réjouissent : la cour qui pense pour eux a bu à leur santé.
Ce soir-là, l’imposture était mondaine. Qui peut croire en effet que Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, mais aussi Paul Nizan auraient participé à ce rendez-vous où se sont précipités les bouledogues et les toutous qui se gardent entre eux pour protéger quelques variétés des opinions dominantes. Celles-là même qu’ils diffusent.
Henri Maler (avec Mathias Reymond et Ricar pour la vidéo)