Suite101. Le 25 janvier 2011 par Francis Gruzelle
L'annulation des décisions d'autoriser le Cruiser 350 et la condamnation du ministère de l'Agriculture demandées par le Rapporteur Public à l'audience.
En effet, le Conseil d’Etat a examiné lundi 24 janvier 2011 à 14 heures, les trois requêtes de l’Union Nationale de l’Apiculture Française (Syndicat National où l'Abeille Ardéchoise et Drômoise est affiliée) présentées par son avocat Me Bernard Fau, et formées contre les décisions d’autorisation de mise sur le marché du CRUISER 350 dont les apiculteurs français et européens dénoncent depuis des années les effets dévastateurs sur les abeilles et sur l’ensemble des insectes pollinisateurs.
A l’audience du Conseil d’Etat, le Rapporteur Public, monsieur Edouard Geffray vient de demander l’annulation des décisions par lesquelles le ministre de l’Agriculture a autorisé le Cruiser® en 2008, 2009 et 2010. Le magistrat a demandé également la condamnation de l’Etat à verser 9.000 € d’indemnités à l’UNAF pour ses frais de procédure. L’arrêt du Conseil d’État doit être rendu sous quinze jours.
Pour Henri Clément, Président de l’UNAF (Union Nationale de l'Apiculture Française), «Gaucho, Regent, Cruiser… C’est trop ! Pourquoi faut-il qu’à chaque fois, il faille faire appel aux juges pour sanctionner la complaisance inadmissible des décideurs publics pour l’industrie agrochimique en violation de la loi et au détriment de nos valeurs fondamentales de protection de l’environnement. Dans le contexte du Mediator, nos concitoyens sont les témoins effarés de la désastreuse incurie de l’Etat face à son rôle de contrôle et de protection… Bruno Lemaire osera-t-il après cela maintenir l’autorisation du Cruiser qu’il vient encore de donner il y a quelques jours pour l’année 2011 sur des millions d’hectares? Je ne peux pas le croire. Ni les apiculteurs français, ni l’opinion publique ni la Justice ne l’accepteraient !».
Autorisé chaque année par une nouvelle décision de courte durée par le ministre de l’Agriculture en violation des lois applicables aux produits de l’agrochimie, par référence à une autorisation allemande finalement retirée depuis le 15 Mai 2008 outre-Rhin, le Cruiser® est un puissant insecticide neurotoxique de traitement des grandes cultures. Ce produit est mis en cause dans la destruction des abeilles en France et en Europe depuis qu’il a pris la succession du Gaucho et du Regent après leur interdiction déjà sur intervention du Conseil d’Etat. Il est d’ailleurs interdit dans la plupart des pays européens.
«La décision du Conseil d’Etat devra mettre un coup d’arrêt à ces pratiques de gestion du risque inadmissibles», a ajouté le Président Henri Clément, lors d'une conférence de presse improvisée à l'issue de l'audience. Pour cet apiculteur professionnel de Lozère, «une fois de plus, cette affaire pose la question de l’indépendance de l’expertise au sein de l’agence nationale (l’ANSE) et de l’agence européenne (AESA) chargées de l’évaluation des risques. Elle pose aussi la question de la confiance que les citoyens doivent pouvoir attacher au fonctionnement régulier des pouvoirs publics.»
Le Cruiser®, est une matière active, le thiamétoxam (Famille des néonicotinoïdes). C'est un insecticide neurotoxique systémique (Fabricant : Syngenta Agro). Ce produit insecticide systémique extrêmement puissant a obtenu une AMM (autorisation de mise sur le marché) en janvier 2008 par référence à un produit allemand finalement interdit le 15 mai 2008 outre-Rhin.
Depuis, le ministre de l’Agriculture a accordé année par année des autorisations dans l’incertitude de l’innocuité du produit, alors que la loi française et la législation européenne imposent que de telles autorisations soient accordées certes pour dix ans, mais seulement lorsque la certitude de l’innocuité du produit est démontrée préalablement par le fabricant.
Ce système pervers d’autorisations en saut de puce en l’absence d’innocuité démontrée a obligé l'UNAF a déposer déjà trois recours au Conseil d’Etat en 2008, 2009 et 2010, cependant qu’elle s’apprête à déposer un quatrième recours contre la décision que vient de prendre le ministre pour 2011.
Depuis 2008, un plan de suivi du Cruiser® a été mis en place par le ministère de l'Agriculture. Ce plan est très contestable lui aussi, car son protocole n'a jamais été validé par le Comité de suivi dont font parties les organisations apicoles et l'interprétation des résultats par l'ANSE (ex AFSSA) est plus que douteuse. Malgré de nombreux cas répertoriés d'intoxications d'abeilles dues au Cruiser®, le ministère de l’Agriculture a continué, sur les conseils de l'ANSE/Dive, de privilégier l'usage de cet insecticide au détriment de l'apiculture et de la faune pollinisatrice.
Le délibéré du conseil d'Etat est attendu avec impatience par de nombreux apiculteurs et par beaucoup de défenseurs de la nature et de la biodiversité. L’arrêt du Conseil d’État doit être rendu sous quinze jours.
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