À petit feu et à grande échelle L’empoisonnement du consommateur

Altermonde Sans Frontières. Le 14 Février 2011 par Cadoudal

 

Le consommateur a de quoi être inquiet : à la chimie naturelle de son environnement se sont ajoutées de façon exponentielle tout au long des cinquante dernières années une multitude de molécules issues de la chimie de synthèse. Longtemps acceptées comme les signes du miraculeux progrès de la science, ces substances artificielles aiguisent désormais la méfiance ou l’hostilité d’un nombre croissant de consommateurs en Europe et en Amérique du Nord. Des études de plus en plus nombreuses attestent de leurs dangers pour la santé. Les Agences officielles de surveillance ne semblent pas pressées de s’en soucier.

L’aspartame va nous servir d’exemple emblématique d’une science imprudente et d’un pouvoir politique irresponsable, tous deux soumis aux impératifs marchands et financiers des Multinationales de l’industrie. Célèbre édulcorant artificiel intense, l’aspartame (APM) est un dipeptide composé de deux acides aminés naturels, l’acide aspartique et la phénylalanine dérivant du méthanol. L’aspartame a un pouvoir sucrant 200 fois supérieur à celui du saccharose et est utilisé pour édulcorer les boissons et aliments à faible apport calorique ainsi que les médicaments (code E951 de la classification européenne des additifs alimentaires). On le trouve dans plus de six mille produits alimentaires consommés principalement par les enfants et les femmes. En Europe, l’APM est autorisé depuis 1994 (1981 aux États-Unis). La dose journalière admissible (DJA) en vigueur pour l’aspartame est fixée actuellement à 40 mg/kg de poids corporel/jour. Le CSAH, Comité scientifique de l’alimentation humaine de la Commission européenne, a réévalué ce seuil successivement en 1989, 1997 et 2002. C’est dire si la DJA a une indiscutable portée scientifique !

En 1995, une étude évoqua une possible relation entre l’augmentation de la fréquence de tumeurs du cerveau et la consommation d’aspartame. Se prononçant une première fois en 1997, le CSAH a conclu en 2002 que les données scientifiques de l’étude de 1995 n’apportaient pas de preuve d’un lien entre aspartame et tumeurs du cerveau. La dose journalière admissible de l’aspartame fut alors maintenue. Traversons l’Atlantique afin de mieux comprendre les tenants et aboutissants de l’une des nombreuses affaires de ce que l’on commence à sérieusement qualifier de « santé environnementale ». C’est aux États-Unis que l’aspartame a été inventé en 1965 par le chimiste J. Schlatter. Plusieurs rapports rédigés par des scientifiques de la FDA (Food and Drug Administration) recommandèrent dans les années 1970 de ne pas mettre en circulation l’aspartame en raison de sa probable dangerosité. Les demandes d’autorisation de mise sur le marché émanaient de la société Searle – rachetée par Monsanto en 1985 – détentrice du brevet (tombé dans le domaine public en 1988) et présidée par Donald Rumsfeld de 1977 à 1985. Après l’arrivée de Ronald Reagan à la Maison blanche, l’aspartame fut autorisée pour les aliments solides (juillet 1981) et pour les liquides (1983). En 1981, l’aspartame fut également autorisé par un comité commun d’experts de l’OMS et de la FAO. Puis vinrent les autorisations en cascade dans plus de quatre-vingts pays. La bataille contre les scientifiques indépendants des enjeux commerciaux semblait définitivement gagnée.

C’est en 2005 que le Centre de Recherche sur le Cancer Ramazzini de Bologne publia les résultats d’une étude chez le rat dont les résultats mettaient en évidence une augmentation de l’incidence des lymphomes, leucémies et autres types de cancer chez les animaux exposés à l’aspartame. Saisie par la Commission européenne, l’EFSA (Agence européenne de sécurité des aliments) a alors étudié ces nouvelles données et… a conclu à l’absence d’élément permettant de mettre en cause les évaluations précédemment réalisées, ni la DJA de l’aspartame. En 2007, on assiste au même scénario : une nouvelle publication de l’Institut Ramazzini démontre l’augmentation significative des cas de leucémies, lymphomes et de cancers des glandes mammaires chez les rats après l’exposition à l’aspartame, in utero cette fois. En février 2009, l’EFSA rend son avis à propos de cette communication scientifique : pour elle, les données obtenues n’indiquent pas un potentiel génotoxique ou cancérigène de l’aspartame après une exposition in utero. Pourtant, le débat sur l’aspartame, et les édulcorants en général, est loin d’être clos. De nouvelles études scientifiques, très récemment publiées, se sont à nouveau penchées sur les éventuels effets d’édulcorants alimentaires sur la santé. Ainsi, en décembre 2010, le Dr Morando Soffritti et l’équipe du Centre de Recherche sur le Cancer Ramazzini de Bologne ont publié dans la revue American Journal of Industrial une troisième communication démontrant un effet cancérogène. Elle révèle que l’administration d’aspartame ajouté à la nourriture, de la période prénatale à la fin de la vie, provoque le cancer du foie et du poumon chez la souris Swiss mâle.

Parallèlement, une étude prospective menée chez près de soixante mille femmes danoises enceintes est parvenue à la conclusion que la consommation quotidienne durant la grossesse de boissons gazeuses ou non gazeuses sucrées artificiellement pourrait augmenter le risque d’accouchement prématuré. On attend avec impatience l’avis de l’EFSA et de son homologue française. Les Agences officielles vont avoir de plus en plus de mal à dissimuler l’ampleur de l’empoisonnement global de notre environnement et de ses effets sur notre santé. Elles sont magistralement prises en défaut par Marie-Monique Robin dans son dernier film, « Notre poison quotidien », qu’Arte diffusera le 15 mars prochain. Les dits experts y sont risibles tant ils s’emmêlent les pinceaux qui leur ont trop longtemps servi à peindre le tableau de la chimie maîtrisée. Mais, on rit jaune car la question est trop grave. Le nombre d’enfants atteints de cancer ne cesse de progresser dans les pays riches, ceux de l’agriculture chimique et du développement de la malbouffe. L’argument suprême des experts – l’espérance de vie continue de croître – ne tient plus qu’à un fil.

Aux États-Unis, il ne tient déjà plus : la courbe s’est inversée en 2008. Oui, dans le pays le plus riche du monde, l’espérance de vie diminue désormais. Notre tour va venir immanquablement puisque les européens font à peu de chose près les mêmes choix stratégiques en matière agro-alimentaire. Il est temps que le consommateur citoyen se dresse !


Commentaire (0)

Aucun commentaire

Ajouter un commentaire
Vous

Votre message

Champ de sécurité

Veuillez recopier les caractères de l'image :

Dernière mise à jour de cette page le 16/02/2011

Membre du réseau Infovox, je publie sur Agoravox, coZop, etc.