la plus grande insécurité, c’est au travail
Que ne nous dit-on pas chaque jour sur TF1 à propos de « l’insécurité » et des « victimes » ?
Prenons les victimes d’accidents du travail : elles sont, du point de vue de la réparation, moins bien protégées que les victimes d’accidents de droit commun. Ce fut le cas en 2001 lors de l’explosion d’AZF à Toulouse : les familles des salariés tués et blessés ont reçu moins d’argent « réparateur » que les automobilistes touchés à côté par la conflagration. Les dispositions de l’indemnisation des victimes du travail sont moins fortes que celles des « victimes » en général. Une maigre compensation existait, à savoir que les indemnités journalières des accidentés pendant leur arrêt de travail forcé n’étaient pas imposées : elle a été scandaleusement qualifiée de « niche fiscale » et supprimée, on s’en souvient, en 2009, par la majorité UMP.
Pourtant, c’est au travail que l’insécurité est la plus forte : 700 accidents mortels, 400 suicides par an, 4500 handicapés, 650 000 arrêts de travail. Le nombre officiel des maladies professionnelles reconnues a explosé : 13 658 en 1996, 52 979 en 2005. Plusieurs millions de salariés sont exposés, sans protection, à des produits cancérogènes, mutagènes ou toxiques.
C’est le résultat de politiques d’entreprise, pour lesquelles les coûts sociaux doivent être compressé en privilégiant la sous-traitance et en intensifiant le travail comme jamais. Face à cela, ni l’inspection du travail ni la médecine du travail n’ont les moyens d’assurer leurs missions.
Alors que le simple voleur de sac à main est condamné à 6 mois de prison ferme devant le moindre tribunal correctionnel en comparution immédiate, l’employeur accusé d’homicide dit involontaire à l’égard de son salarié, après des années d’instruction, est condamné – quand il est déclaré coupable – à quelques mois de prison avec sursis. La mise en danger délibérée d’autrui par des choix économiques bénéficie d’une incroyable mansuétude. Les employeurs qui fraudent le Code du travail ne sont pas sanctionnés comme de véritables délinquants.
Ce fut le cas pour Jérôme Bianco, 32 ans, victime le 2 août 2006, d’une chute mortelle de 6 mètres faute de garde-corps installés : c’était une faute « inexcusable » de l’employeur, mais le procureur, 4 ans après, ne requerrait encore que 6 mois de prison avec sursis et 3 750 euros d’amende.
Dans ces conditions, qui réparera jamais la mort de cet adolescent de 15 ans le 15 novembre 2010 à Mulhouse, broyé dans le pétrin d’une boulangerie où il effectuait un « stage d’observation », le collégien, laissé seul, ayant eu le bras happé par la machine au moment où il se penchait au fond du pétrin pour le nettoyer ? Sinon en condamnant MM Chirac, de Villepin, Sarkozy et l’UMP, qui, en août 2005, sous pression du Medef, rétablirent l’apprentissage à 14 ans au lieu de 16 et la possibilité, comme au XIXe siècle, pour des enfants de 15 ans, de travailler de nuit et de dimanche ?
Gérard Filoche
La Fondation Copernic a lancé l’appel « travailler tue en toute impunité, pour combien de temps encore ? » avec Michel Bianco père de Jérôme Bianco http://www.fondation-copernic.org/spip.php?article246