Antiterrorisme : cinq gardes à vue pour une photo potache

Des éditeurs du Sud-Est ont été interrogés par la police au sujet d'une photo « menaçante » pour un ponte de l'antiterrorisme.

Le 18 mai, on annonçait coup sur coup que « trois proches de Julien Coupat » avaient été interpellés près de Rouen, puis que « quatre éditeurs avaient été mis en garde à vue dans les locaux de la police judiciaire de Marseille ».

Les quatre éditeurs en question sont des indépendants installés dans la région de Forcalquier, dans le Sud-Est, mais le site Bibilobs rappelait aussitôt qu'Eric Hazan, patron de La Fabrique (qui publie « L'Insurrection qui vient ») avait lui aussi été entendu comme témoin dans le dossier Coupat.

Forcément, sept arrestations le même jour à deux extrémités opposées de la France dans des milieux réputés proches de l'extrême gauche, l'affaire semblait médiatiquement rentable.

Sauf que le ballon se dégonfle d'emblée : les quatre éditeurs n'ont pas été placés sous les régime de l'anti-terrorisme, qui permet notamment d'étendre la garde à vue à 96 heures. Le seul lien avec Julien Coupat ou Tarnac est la proximité des quatre éditeurs avec un « Comité de sabotage de l'antiterrorisme », mouvement très informel mis en place pour soutenir les personnes arrêtées en novembre 2008 à Tarnac et qui organisait une journée de débats sur l'antiterrorisme à Forcalquier, le 8 mai dernier.

De l'image d'un tract à la « menace »

En réalité, c'est pour retrouver une photo et surtout son auteur que le coup de filet de Forcalquier a eu lieu, lundi matin. Cette photo, Rue89 se l'est procurée : elle montre deux doigts tenant un bout de tract du « comité de sabotage de l'antiterrorisme » pour le coincer sous un interphone. (Voir la photo ci-dessous)

la photo de la sonette de Bernard Squarcini

Sur cet interphone, trois noms, dont celui de Bernard Squarcini, directeur central du renseignement intérieur. Dans les médias, on a pu lire que les quatre éditeurs étaient inquiétés pour l'avoir « menacé ». Ou encore qu'ils avaient diffusé l'adresse du patron du renseignement.

Lundi, sur le coup de midi, Philippe Dieudonné, de la Ligue des droits de l'homme à Marseille, apprend que les quatre de Forcalquier ont été emmenés dans les locaux de la police judiciaire, à Marseille. Trois coups de fil et le voilà qui part en délégation sur place avec Andrée Reversat, élue verte au conseil régional PACA, qui milite aussi à la LDH, et Bruno Chiambretto, qu'il connait moins.

Pour la police, « ça ne semblait pas représenter l'affaire du siècle »

Tous trois veulent des explications, savoir de quoi on soupçonne les éditeurs, savoir ce qu'ils risquent. Le directeur de la police judiciaire les reçoit « assez longuement, dans un climat de dialogue », raconte Philippe Dieudonné :

« Il nous a confirmé que ce n'était pas pour du terrorisme qu'on les entendait, mais pour trouver l'auteur de la photo, et que leurs ordinateurs étaient passés au peigne fin. Il nous a affirmé que ce n'était pas un tract qu'on leur reprochait mais une photo qu'ils s'étaient échangés entre eux et que quelqu'un avait peut-être fini par imprimer. Ça ne semblait pas représenter l'affaire du siècle à leurs yeux. »

A l'issue de l'entrevue, le directeur de la police judiciaire demande à Bruno Chiambretto de rester. Mardi soir, lorsque les quatre éditeurs interpellés la veille finissent par sortir, « libres, sans convocation et avec leurs ordinateurs sous le bras », Chiambretto est toujours à l'intérieur. Il aurait reconnu avoir pris la photo à l'origine de la procédure enclenchée par le parquet de Digne.

Bruno Chiambretto est sorti de garde à vue mercredi en début de soirée. Libre lui aussi, sans davantage de poursuites, là où les autorités avaient pourtant obtenu ce qu'elles voulaient. Intimidation ? Volonté de grossir le trait pour laisser penser qu'un vaste coup de filet dans le milieu de Julien Coupat a eu lieu lundi ? Opportunité idéale pour fouiller dans quatre ordinateurs plus un iPhone (celui de Chiambretto, avec lequel il aurait en fait pris le fameux cliché) ?

Dans les cercles militants du grand Sud-Est, ces trois hypothèses circulent bon train. Du côté du parquet de Digne-les-Bains, personne n'était joignable jusqu'à la publication de cet article, comme à la police judiciaire de Marseille, où le commissaire d'astreinte en ce jeudi de l'Ascension ne pouvait « rien nous dire » sur le dossier.

Bruno Chiambretto, pour sa part, a refusé de donner davantage de précisions à Rue89 « avant la conférence de presse qui aura lieu vendredi, sous le contrôle de notre avocat ».

dessin remy cattelain

Commentaire (0)
Aucun commentaire
Ajouter un commentaire
Vous

Votre message

Plus de smileys

champ de sécurité

 



Dernière mise à jour de cette rubrique le 22/05/2009