Le parisien. 18 octobre 2010.
Plus de 2500 stations-essence étaient en rupture de stock de carburant dans toute la France lundi soir. La grande distribution, comme les indépendants sont touchés. Le gouvernement a activé à 14 heures, un centre interministériel de crise pour assurer «la pérennité du ravitaillement en carburant» dans l'Hexagone, après une réunion à l'Elysée présidée par Nicolas Sarkozy.
Il regroupe les ministères de l'Intérieur, de l'Economie, de l'Energie et de l'Ecologie.
La rareté a amené une hausse du prix du gazole, le carburant le plus vendu en France (75% de la consommation). Sur les deux dernières semaines, il a progressé de 2,61% et s'établissait vendredi 15 octobre à son plus haut niveau depuis trois mois et demi, selon la Direction générale de l'Énergie et du Climat. Bercy a demandé lundi à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de réaliser des contrôles pour prévenir des hausses de prix des carburants non justifiées.
La grande distribution affectée
Le manque d'essence à la pompe affecte particulièrement le réseau de la grande distribution ainsi que les stations rurales. Sur 4 800 stations gérées par Casino, Carrefour, Auchan, Cora, Leclerc et Intermarché, «il y en a quelque 1 500 en rupture d'un produit ou totalement à sec», a déclaré Alexandre de Benoist, délégué général de l'Union des importateurs indépendants pétroliers (UIP, grande distribution).
Le groupe Carrefour qui compte 300 stations-service «en rupture totale de carburant» sur les 1246 qu'elle possède, estime que «le risque de pénurie est réel». Il appelle le gouvernement à débloquer les dépôts pétroliers.
Michel-Edouard Leclerc a précisé sur BFM-TV qu'«qu'au rythme des approvisionnements actuels, il n'y en aura plus d'ici la fin de la semaine, sauf si l'on trouve d'ici là une issue à ce conflit». Sur l'ensemble de la France, «on est largement au-dessus des 2000 stations touchées» au total, a déclaré un porte-parole des distributeurs indépendants de la FF3C (Fédération française des carburants, combustibles et chauffage), dont de nombreuses stations sont situées en milieu rural. Total a fait état lundi soir de «650 stations en rupture de plusieurs produits».
En agrégeant ces chiffres, le nombre de stations en manque de carburant dépasse 2.600. Seule l'Union française des industries pétrolières (Ufip) s'en tient à un chiffre inférieur «de 1000 à 1500 stations».
La situation de la Bretagne est «très inquiétante»
Les difficultés d'approvisionnement affectent différemment les régions. Dans le réseau de la grande distribution, le nord de la France est mieux loti que l'ouest : «La Bretagne est dans une situation très inquiétante, selon l'UIP. Tous les dépôts de Bretagne rencontrent une difficulté actuellement.». En région parisienne, 80% des stations-essence étaient fermées ce dimanche soir dans l'Essonne et plusieurs autres départements d'Ile-de-France faisaient face au même phénomène. Dans Paris, dès 6heures ce matin, d'interminables files d'attente s'allongeaient pour relier des stations situées aux portes de la capitale.
Du côté des indépendants, «les régions les plus touchées sont ce lundi la Normandie, la Champagne, Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Rhône-Alpes et Midi-Pyrénées, Auvergne et Limousin», selon la FF3C. Certains produits comme l'essence risquent de manquer à très court terme, en raison de l'absence de réseaux d'importation. La menace pèse aussi sur le fioul domestique avec l'arrivée du froid plus tôt que prévu, selon l'UIP.
Blocages et déblocages
Pour assurer «la pérennité du ravitaillement», les forces de l'ordre ont débloqué lundi vers 15 heures le dépôt de carburant de Frontignan, près de Sète (Hérault) mais une partie du personnel a cessé le travail lundi en fin d'après-midi, rendant à nouveau impossible l'approvisionnement.
A Brest (Finistère), le dépôt pétrolier du port a été rouvert en milieu de journée. Les militants qui bloquaient les deux dépôts pétroliers du terminal de Port-la-Nouvelle (Aude) ont levé leurs barrages lundi après-midi, sans intervention des forces de l'ordre. Par ailleurs, les salariés de la raffinerie de pétrole brut de Reichstett (Bas-Rhin) ont voté lundi matin la poursuite du blocage des expéditions. Dans le Calvados, alors que le dépôt de Ouistreham a été débloqué au bout de douze heures sur invitation des forces de l'ordre, plus aucun carburant ne sortait lundi soir du site de Caen.
A Dunkerque (Nord), le dépôt était toujours paralysé. A Saint-Pierre-des-Corps près de Tours (Indre-et-Loire ), l'occupation, entamée lundi à l'aube par des routiers devait se poursuivre au moins jusqu'à mardi matin. Par ailleurs, les salariés de la raffinerie de pétrole brut de Reichstett (Bas-Rhin) ont voté lundi matin la poursuite du blocage des expéditions. «Moins de dix» dépôts de carburants sur 200 étaient bloqués en fin de journée, selon le président de l'Ufip.
Le mouvement se poursuit dans toutes les raffineries métropolitaine
Les douze raffineries que compte la France métropolitaine sont toujours en grève (voir ci-dessous). Chez Total, cinq sites sur six sont à l'arrêt : Dunkerque depuis un an, Grandpuits (Seine-et-Marne), Provence, Feyzin (Rhône) qui a reconduit le mouvement jusqu'à mercredi, tandis qu'à Donges, (Loire-Atlantique), la deuxième raffinerie de France, la grève durera au moins jusqu'à vendredi. Les manœuvres d'arrêt étaient en cours à la raffinerie de Gonfreville-L'Orcher (en Seine-Maritime). Sur les site d'Esso à Gravenchon (Seine-Maritime) et Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), la direction, parle d'une «situation de plus en plus critique».
En Seine-et-Marne, la CGT de Total dénonce la réquisition du personnel de la raffinerie de Grandpuits, décidée par le préfet au nom de «la tranquillité et la sécurité publiques», comme une atteinte au droit de grève. Néanmoins, le syndicat a trouvé un accord dans l'après-midi avec la direction pour la livraison de carburant aux services publics de santé et de sécurité uniquement.
La carte des raffineries en grève
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