Altermonde sans Frontières. Le 28 janvier 2011 par SuperNo
Les journalistes font mine de s’interroger : "qui est donc vraiment Nicolas Sarkozy" ? Ben oui, quoi, après avoir joué le trublion volontariste et péremptoire, l’omniprésident qui dictait quotidiennement aux médias leur ordre du jour, l’agité bling-bling indécent ; il semble que depuis quelque temps il souhaite au contraire se faire oublier, faire "plus président", "se chiraquiser", disent les mauvaises langues.
Après avoir étalé son inculture crasse, son français calamiteux, ses goûts culturels de haut niveau (Johnny, Bigard, Barbelivien…), son aversion pour "La princesse de Clèves", il parle désormais littérature avec les journalistes, leur restituant sans faille les notes pondues par ses conseillers en communication. Je ne sais pas combien il paie des fats qui lui font croire qu’avec ces entourloupes grotesques il va pouvoir rempiler en 2012, il ferait mieux de fréquenter les bistrots ou les réunions de familles provinciales et il comprendrait qu’il ne sert même plus à rien de se couvrir de ridicule, qu’il est de toute façon cuit, et que même une chèvre hydropcéphale gagnerait contre lui.
Même s’il continue à se montrer au côté des ouvriers (de moins d’1m70) ou des familles de victimes de faits-divers, là où il peut encore faire l’important et jouer au Président empreint de solennité, il est des signes qui ne trompent pas : Sarkozy n’a pas changé, Sarkozy ne changera jamais. Fasciné depuis sa plus tendre enfance par le pognon et ceux qui en possèdent, il n’a eu de cesse de vouloir intégrer le club, en adopter les usages, et en être le plus zélé défenseur. Son mandat de Président de la République, celui pour lequel il a été investi par l’oligarchie, c’était de défendre les intérêts des riches, baisser leurs impôts, privatiser, supprimer fonctionnaires et Services Publics, déréglementer le travail…
En bon petit soldat, Sarkozy a fidèlement obéi, et si on se place du point de vue d’un oligarque, il a plutôt fait du bon boulot. Le problème, c’est que malgré ses efforts pour jouer la comédie, il s’est définitivement grillé auprès du peuple, qu’il avait saoûlé de belles paroles, et qu’il a trahi de la manière la plus éhontée. Or, notre démocratie de façade fait que c’est encore le peuple qui choisit le Président. C’est pourquoi l’oligarchie s’est choisi un nouveau champion, qui se dit de "gauche" (Mouhahah !) pour que l’illusion soit encore meilleure, et qui sera naturellement investi de la même mission.
Ah oui, au fait, pourquoi je vous raconte tout ça ? Parce que ce matin, dans le journal de 8h00 sur France Inter (essayez là radio-france.fr si ça marche encore, c’est presque à la fin), un reporter nous apprenait que Nicolas Sarkozy n’avait pas seulement rencontré la veille des ouvriers ou des matres dolorosae, mais aussi, et donc surtout, les inspirateurs de sa politique infâme. En effet hier soir se tenait, à l’hôtel Méridien de la Porte Maillot (le Formule 1 d’Aulnay Sous Bois était sans doute complet), une réunion quasi-secrète (le journaliste précise qu’aucune pancarte ni banderole ne l’annonçait et qu’aucun service d’ordre ne l’encadrait) : celle du "Premier Cercle" des donateurs de l’UMP, qui avaient déjà défrayé la chronique à l’époque de l’affaire Woerth, puisque celui-ci en était le président. C’est même la première fois que Sarkozy s’y rendait à nouveau depuis l’exfiltration de Woerth.
Le Premier Cercle, c’est un peu un Fouquet’s élargi. Pour en faire partie, il faut donner entre 3 000 et 7 500 euros par an (plus en cas de paiement sous enveloppe et en liquide) pour les bonnes œuvres de l’UMP. On y trouve probablement une majorité d’hommes assez agés, riches, imbus d’eux-même, égoïstes, ressentant un fort sentiment de supériorité sur la masse de leurs semblables, professionnels du passe-droit, roulant en 4x4, entrepreneurs, francs-maçons, rotariens, et communiant dans la détestation viscérale du fisc, des paperasseries et du communisme… Le journaliste de France Inter parachève la caricature en précisant qu’ils sont majoritairement affublés de manteaux de fourrure et d’écharpes en cachemire… Inutile de préciser qu’ils ne sont pas philanthropes, et que s’ils acceptent spontanément de se délester ainsi des thunes qu’ils chérissent tant, c’est qu’ils attendent naturellement un retour sur investissement conséquent. Pouvoir ainsi approcher le Président de la République, et lui glisser à l’oreille quelques mots sur ses petits problèmes personnels, est assurément un privilège. On l’a vu avec l’affaire de l’héritier multimillionnaire Guy Wildenstein, pilier du "premier Cercle", décoré par Sarkozy de la légion d’honneur (cf illustration), et bénéficiant en retour d’une incroyable mansuétude fiscale.
France Inter précise encore que Sarkozy est arrivé "par une porte dérobée", un peu dans le même état d’esprit que le curé qui n’assume pas d’aller se délester les roubignolles au bordel, en quelque sorte. Devant 300 de ses supporters les plus intéressés (dans tous les sens du terme), il a paraît-il fait de l’humour. Il aurait aussi précisé que sa discrétion actuelle n’était due qu’à sa position au sommet du pouvoir, mais que sitôt la campagne commencée, on allait voir ce qu’on allait voir. Mais ce qui m’a le plus marqué, et qui a motivé ce billet, c’est une petite phrase rapportée par le seul participant qui ait daigné parler au micro de France Inter : c’est un "homme d’affaire", qui a rapporté que Sarkozy était totalement "débridé", et qu’il aurait lâché cette petite phrase : "L’ISF, c’est un scandale". Oui, l’ISF, qui est l’impôt le plus juste puisqu’il n’est payé que par les très, très riches, et qu’il permet en théorie de corriger au moins un peu les anomalies de rémunération insensées qui caractérisent le système capitaliste libéral, et dont on vient en outre d’apprendre qu’il a rapporté l’an dernier 4,5 milliards d’euros, bien plus que prévu.
Ce Président de la République proche du peuple, qui parle comme lui, et qui prétend réfléchir en ce moment à son dernier chantier du quinquennat, une réforme fiscale, ne va en fait qu’accomplir son rêve et celui de son fan-club : supprimer l’ISF. La politique a bien changé. Il y a 30 ans, Georges Marchais martelait que le "scandale", c’était l’exploitation des "travailleurs et des masses populaires®". Aujourd’hui, pour Sarkozy, le "scandale", c’est l’ISF, c’est que les riches soient obligés de verser un peu de leur trop plein de pognon à la communauté…
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