Brave Patrie. Par Alfred-Georges. 11 juin 2009
La victoire du OUI aux européennes a mis du baume au cœur des ménages Français. On sent renaître les espoirs d’un monde meilleur, bientôt, quelque part, après la crise. Les chômeurs se sortent enfin les doigts du cul et se présentent en masse au Pôle emploi, d’où une hausse considérable des inscriptions. Et puisque Brave Patrie n’est pas rancunier à l’endroit de ces pauvres égarés de l’Etat-providence mitterrandesque qui semble t-il regagnent le troupeau, la rédaction a décidé, en coopération avec les meilleurs cabinets de recrutement, de leur éviter la radiation de les aider dans leur recherche d’emploi et de leur apprendre quelques trucs utiles pour rédiger une lettre de motivation ultra-performante.
La lettre de motivation répond à certaines règles précises, qu’il convient de respecter à peine de faire dans l’originalité. Et l’originalité, c’est mal : "être original, c’est se marginaliser", affirme Steve V., recruteur chez Global Fucking Consort. Classiquement, la bonne lettre de motivation doit être rédigée en trois parties bien distinctes.
En première partie, le candidat prendra tout d’abord soin de définir clairement l’objet de son courrier. Les recruteurs reçoivent les lettres de motivation à la tonne, dans des big-bags de La Poste livrés par hélicoptère : finir sur la bonne pile c’est donc permettre au lecteur de savoir, d’un simple coup-d’oeil, de quoi il s’agit.
Madame, Monsieur,
Si je m’emmerde à vous écrire une lettre que vous ne lirez probablement jamais, c’est que j’ai l’immense honneur de vous faire part de ma modeste candidature au poste de Responsable Corporate du service archivage de post-its.
Le corps de la première partie consistera à parler de l’entreprise : ce qu’elle est, ce qu’elle représente, combien elle fait de CA, quels sont les noms de ses salariés, quel est le con qui s’est offert un étui pénien pendant le dernier voyage du CE au Philippines et enfin quel est celui qui a dégueulé sur la DRH lors du pot de départ de Momo, le magasinier.
Votre société, leader sur le marché du [flexible de douche] [chauffage à pétrole] [sextoy] (merci au recruteur de rayer la ou les mentions inutiles) est une entreprise somme toute ambitieuse, comme les autres me direz-vous, mais à ceci près qu’on a immédiatement envie de travailler pour elle. En effet, au hasard de mes visites au Pôle emploi sis dans la zone d’activité « La Boursouflade », je suis tombé sur vos locaux, un empilement de préfabriqués dont la majesté m’a immédiatement inspiré l’envie irrépressible de participer au formidable projet économique qu’il abrite.
On remarque que le candidat utilise ici opportunément une simple observation fortuite au cours d’un voyage en bus pour appuyer son descriptif. Comme quoi il n’est pas toujours nécessaire d’aller très loin : au moins que les rendez-vous avec le conseiller soient utiles à quelque chose. Mais le candidat peut aussi jouer de franchise, les recruteurs apprécient... parfois :
Vous m’excuserez par avance de ne pouvoir vous transmettre avec fidélité l’incroyable motivation qui m’habite, mais vous comprendrez qu’à 150 candidatures par semaine, mon imagination commence à s’émousser et qu’il devient toujours plus ardu de trouver des conneries à raconter sur des entreprises dont je ne sais foutrement rien.
En seconde partie, la candidat s’attachera à évoquer le poste proposé et les fonctions qui y sont attachées, pour démontrer en quoi l’emploi est susceptible de l’intéresser :
Quant au poste proposé, je dois vous dire qu’à la lecture de l’annonce j’ai chié sous moi, tant il appert que le niveau de responsabilité est stratosphérique. Comment pourrait-il en être autrement lorsqu’on exige du candidat qu’il soit titulaire d’un triple Master en Droit comparé, en Chinois littéraire et en Ingénierie des systèmes de rectification de soupapes, qu’il ait une expérience d’au moins 10 ans à un poste équivalent et qu’il ait un véhicule ?
Tout s’explique lorsqu’on prend connaissance du niveau de salaire, de nature à provoquer une érection chez n’importe quel demandeur d’emploi : 8,71 euros de l’heure. C’est à se demander comment votre entreprise peut être rentable en offrant de telles rémunérations à ses collaborateurs. Et puisqu’il se trouve que, par un heureux hasard, des ciseaux, un peu de colle et une imprimante, je présente toutes ces qualifications, je n’ai pas pu résister à l’envie de candidater, dans l’espoir de gagner beaucoup d’argent.
Enfin, en troisième et dernière partie, le candidat devra parler de lui, de ses compétences, et dire en quoi il serait un plus pour l’entreprise :
Me concernant, mon parcours est certes atypique mais atteste de ma flexibilité. Suite à l’obtention de mon Doctorat, je me suis résolument tourné vers un secteur d’avenir, celui de la restauration en entreprise. Au service de la SAS FOUTREX, malheureusement en liquidation judiciaire suite à un contrôle inopiné de la répression des fraudes, j’ai pu développer mon sens inné du contact avec des professionnels de tous horizons, ainsi que mes facultés d’organisation, le bac à purée devant impérativement se situer entre les paupiettes de veau et le gratin de choux-fleurs pour éviter la combinaison des relents putrides. Puis j’ai saisi au vol l’occasion de diversifier mes savoirs en acceptant un poste de Responsable-comptable de caisse chez Carrefour à 10 heures par semaine, qui m’a fait aimer le contact avec l’argent.
Le candidat peut terminer sur une note plus personnelle, de quoi susciter la sympathie chez le recruteur, sans toutefois abuser de ce genre d’artifices :
D’un naturel enjoué, voire franchement rigolard, je suis persuadé que vous apprécieriez ma collaboration grivoise, puisqu’il y a toujours une secrétaire à harceler sexuellement, histoire de détendre un peu l’atmosphère chez les commerciaux.
Ne pas omettre la formule de politesse :
Je reste à votre entière disposition pour un éventuel entretien. Gros bisous.
Et voilà, votre lettre de motivation est fin prête. Il ne vous reste plus qu’à l’envoyer et à attendre l’appel du recruteur. Écoutez-bien : on entend déjà les câbles téléphoniques qui bruissent de l’excitation de votre futur employeur. Inutile de remercier la rédaction, c’est cadeau !
Et pour continuer, visitez le site de Julien Prévieux "Lettres de non-motivation"
2. rapid share download - Le 16/09/2010 à 21:42
1. hanna - Le 23/09/2009 à 14:56