L'ancien ambassadeur du Japon pour la Suisse, M. Mitsuhei Murata, a été invité à parler à l'audition publique du comité du budget le 22 mars 2012 à propos de l'accident de la centrale de Fukushima. Avant le comité, l'ambassadeur Murata a déclaré avec force que si le bâtiment ruiné du réacteur 4 – avec 1535 barres de combustible dans sa piscine à 30 mètres au-dessus du sol – s'effondre, non seulement cela entraînera un arrêt des 6 réacteurs mais touchera aussi la piscine partagée contenant 6375 barres de combustible, située à 50 mètres du réacteur 4. dans les deux cas, les barres radioactives ne sont pas protégées par une enceinte de confinement ; elles sont dangereusement ouvertes à l'air. Cela provoquerait certainement une catastrophe mondiale comme jamais vue auparavant. Il a insisté sur la notion de l'incommensurable responsabilité du Japon envers le reste du monde. Une telle catastrophe nous affecterait tous pendant des siècles. L'ambassadeur Murata nous a informé que le nombre total des barres de combustible usagé du site de Fukushima en excluant les barres des enceintes sous pression est de 11.421 (396+615+566+1535+994+940 +6375).
J'ai demandé une explication à un expert en piscines à combustible usagé du département américain de l'énergie, Robert Alvarez concernant l'impact potentiel des 11.421 barres de combustible.
J'ai reçu une réponse effarante de la part de M. Alvarez [mise à jour du 5 avril] :
J'ai demandé une explication à un expert en piscines à combustible usagé du département américain de l'énergie, Robert Alvarez concernant l'impact potentiel des 11.421 barres de combustible.
J'ai reçu une réponse effarante de la part de M. Alvarez [mise à jour du 5 avril] :
Un complément d'informations sur la situation des piscines du site de Fukushima Daiichi est connu depuis peu de temps. J'ai compris que sur les 1532 assemblages du réacteur 4, 304 sont récents et non irradiés. Ceci laisse alors 1231 barres de combustible dans la piscine n°4, qui contient en gros 37 millions de curies de radioactivité de longue vie (1 curie=3,7×1010 Bq). La piscine n°4 est à environ 30 mètres au-dessus du sol et est structurellement endommagée et exposée aux éléments extérieurs. Si un séisme ou autre événement devait vider cette piscine, il pourrait en résulter un incendie radiologique catastrophique impliquant presque 10 fois la quantité de césium-137 relâchée par l'accident de Tchernobyl.
L'infrastructure pour contenir sans danger ce matériel a été détruit comme ce fut le cas des trois autres réacteurs. Le combustible usagé ne peut être soulevé en l'air par une grue comme si c'était une quelconque marchandise. Pour empêcher une exposition sévère aux radiations, à des incendies et de possibles explosions, il doit être transféré en permanence dans de l'eau et protégé dans des structures renforcées. Comme cela n'a jamais été fait auparavant, l'enlèvement du combustible usagé des piscines des réacteurs de Fukushima nécessitera un effort majeur de reconstruction dans le temps et une navigation dans des eaux inconnues. Malgré l’énorme destruction du site Daiichi, des conteneurs à sec conservant une quantité moindre de combustible semblent être indemnes.
D'après les données du département américain de l'énergie, on suppose que 11.138 assemblages de combustible sont stockés sur le site Daiichi, presque tous dans des piscines. Ils contiennent en gros 336 millions de curies de radioactivité de longue vie. Environ 134 millions de curies consistent en césium-137 – à peu près 85 fois la quantité de césium-137 libérée lors de l'accident de Tchernobyl comme estimé par le conseil national US de protection radiologique (NCRP). L'inventaire des barres de combustible totales du site de Fukushima contient presque la moitié de la quantité totale de césium-137 estimée par le NCRP avoir été libéré par tous les tests nucléaires atmosphériques militaires, Tchernobyl et le retraitement des centrales mondiales (environ 270 millions de curies).
Il est important que le public comprenne que des réacteurs qui ont été en service pendant des décennies, comme ceux de Daiichi ont généré les plus grandes concentrations de radioactivité de la planète.De nombreux lecteurs peuvent trouver difficile d'apprécier la signification réelle des chiffres, nous pouvons pourtant saisir ce que 85 fois plus de césium-137 qu'à Tchernobyl signifierait. Cela détruirait l'environnement mondial et notre civilisation. Ce n'est pas sorcier et ne se rapporte pas à un débat sur les centrales nucléaires. C'est une question de survie de l'humanité.
Il y a eu une conférence au sommet sur la sécurité nucléaire à Séoul les 26 et 27 mars, et l'ambassadeur Murata et moi-même nous sommes concertés dans l'effort de trouver quelqu'un pour informer les participants des 34 nations du potentiel catastrophique mondial du réacteur 4. Nous avons demandé à plusieurs participants de partager l'idée d'une équipe d'estimation indépendante comprenant un large groupe d'experts internationaux pour gérer cette question urgente.
J'aimerai présenter le courrier de l'ambassadeur Murata au secrétaire général des Nations-Unies, Ban Ki-moon qui contient cet urgent message et aussi sa lettre au premier ministre japonais Yoshihiko Noda pour les lecteurs japonais. Il a souligné dans sa déclaration que nous devrions user de sagesse pour estimer ce défi sans précédent.
Il nous semble que le sommet sur la sécurité nucléaire se concentrait sur la question nucléaire de la Corée du nord et la question de sécurité commune venant d'attaques terroristes. Notre appel sur le besoin d'une estimation indépendante sur le réacteur 4 a été considéré comme moins urgent. Nous avions prédit ce résultat en fonction de la nature du sommet. Je suppose que la plupart des participants ont pleinement compris la catastrophe potentielle qui toucherait leur pays. Ils décidèrent néanmoins de ne pas soulever ce délicat problème, peut-être pour ne pas froisser leurs relations diplomatiques avec le Japon.
J'ai été ému par le courage de l'ambassadeur Murata d' insister sur cette question japonaise. Je sais combien il est difficile pour un ancien diplomate de carrière de faire ceci, surtout dans mon pays. Les actuels et anciens responsables de gouvernement pourraient être restreints de manière semblable dans leur champ d'action, comme pour l'ambassadeur Murata, mais c'est de leur responsabilité de prendre position pour le bénéfice de nos descendants pour les siècles à venir – pour arriver à un monde plus sûr que celui de nos prédécesseurs.
Si les dirigeants du gouvernement japonais ne reconnaissent pas le risque auquel fait face leur nation, comment le reste d'entre nous peut-il être persuadé d'une catastrophe imminente ? Et si le reste d'entre nous ne reconnaît pas la catastrophe à laquelle nous faisons face collectivement, qui sera le premier à agir ?
Tokyo, 25 mars 2012
Cher secrétaire-général,
Honorable Ban Ki-moon,
Je souhaite exprimer ma sincère gratitude pour votre lettre bienveillante en date du 2 mars 2012. Votre soutien moral pour le Sommet éthique des Nations-Unies restera une source constante d'encouragement pour mes activités.
Permettez-moi s'il vous plaît de rendre hommage à votre grande contribution au renforcement de la sécurité nucléaire. L'actuel Sommet de Séoul est sans doute le grand bénéficiaire de la réunion de haut niveau convoquée en septembre dernier.
On m'a demandé de faire une déclaration à l'audience publique du comité du budget de la Chambre du Conseil le 23 mars. J'ai soulevé le problème crucial du réacteur n°4 de Fukushima contenant 1535 barres de combustible. Elle pourrait être fatalement endommagée par les répliques continuelles. Il existe de plus à 50 mètres de là une piscine commune aux 6 réacteurs contenant 6375 barres de combustible !
Il n'est pas exagéré de dire que le destin du Japon et du monde dépend du réacteur n°4. C'est confirmé par des experts des plus crédibles comme le Dr Arnie Gundersen ou le Dr Fumiaki Koide.
Permettez-moi s'il vous plaît de vous informer d'une initiative prise par un ancien responsable des Nations-Unies qui a essayé de soulever le problème crucial du réacteur n°4 de Fukushima au Sommet sur la sécurité nucléaire. Il poursuit l'établissement d'une équipe d'estimation indépendante. Je pense que ses efforts sont très valables, parce qu'il est indispensable d'attirer l'attention des dirigeants du monde sur cette question vitale.
Je coopère avec lui, en écrivant à certaines de mes relations coréennes que ce problème mérite l'attention personnelle du président Lee Myung-bak. J'ai écrit aujourd'hui au premier ministre Noda. Je lui ai demandé de prendre en compte l'initiative de mobiliser la sagesse des humains vers la sortie du problème du réacteur n°4, en prenant pleinement en compte ''l'équipe d'estimation indépendante'' sus-mentionnée.
Le monde est devenu si fragile et vulnérable. Le rôle des Nations-Unies est de plus en plus vital. Je vous souhaite la meilleure chance dans votre noble mission. Acceptez, Secrétaire général Ban Ki-moon, l'assurance de ma plus haute considération.
Mitsuhei Murata
Ancien ambassadeur japonais pour la Suisse et le Sénégal