Au bout de la route | 27 avril 2011, par Marc Lafontan - mis en ligne par Paco
La catastrophe de Kychtym est une contamination radioactive qui s'est produite le 29 septembre 1957 au complexe nucléaire Maïak, une usine de retraitement de combustible nucléaire située près de la ville d'Ozyorsk en Union soviétique, dans l'actuelle Russie.
Mesurée comme niveau 6 sur l'échelle internationale INES des événements nucléaires, c'est, avec la catastrophe de Tchernobyl et les accidents nucléaires de Fukushima, l'un des plus grave accident nucléaire jamais connu.
Pourtant, on ne la voit mentionnée nulle part dans l'avalanche récentes d'articles sur le nucléaire ...
Résumé historique:
Après la Seconde Guerre mondiale, l'Union soviétique avait un retard technologique sur les États-Unis dans le développement et la mise au point d'armes nucléaires. Elle a alors lancé dans l'urgence un programme de recherche et développement dans le but d'obtenir une quantié suffisante d'uranium et de plutonium de qualité militaire. Le complexe nucléaire Maïak fut très rapidement construit entre 1945 et 1948.
Ce complexe nucléaire se trouve entre les villes de Kasli et Kychtym, à 72 km au nord de la ville de Tcheliabinsk en Russie.
Dans les années 1950 la technologie nucléaire n'était encore que peu développée et l'on avait peu de connaissances - encore moins en URSS - sur le devenir des déchets radioactifs dans les écosystèmes naturels et leurs effets sur les humains. Les physiciens soviétiques en charge du projet, ayant plusieurs lacunes en matière de physique nucléaire, prirent des décisions peu sécuritaires.
Également, l'impact écologique ne fut pas pris en compte au début de la construction du site :
1/ Le complexe rejetait d'importantes quantités de déchets hautement radioactifs dans dans un cours d'eau à proximité, lequel se déversait dans la rivière Ob, qui se jetait à son tour dans l'océan Arctique.
2/ Le Lac Karachay servit de lieu d'entreposage à l'air libre de déchets nucléaires. A un moment donné, des pluies de forte intensité firent déborder le lac contaminé par la radio-activité dans la rivière Tetcha .
3/ Plus tard, une tempête soulèva des poussières radioactives du Lac Karachaï désormais asséché et les répand sur la région d'Ozersk.
Mais il y a plus !
Les conditions de travail à Maïak entraînaient des risques sanitaires importants et de nombreux accidents. Un très grave accident nucléaire s'est ainsi produit le 29 septembre 1957.
Le retraitement des combustibles irradiés d'où l'on extrait le plutonium entraîne des déchets hautement radioactifs, appelés produits de fission et dégageant une chaleur intense. Ces déchets se présentent sous forme liquide et doivent être stockés et refroidis pendant de longues périodes dans des enceintes spéciales C'est ce type de déchets qui est brassé et refroidi en permanence dans d'immenses cuves dans l'usine de retraitement française de La Hague, à la pointe du Cotentin.
http://au-bout-de-la-route.blogspot.fr/2011/03/kychtym-la-catastrophe-nucleaire.html
A Kychtym, ces dépôts étaient constitués d'un ensemble de 60 réservoirs souterrains en acier inoxydable. Chaque réservoir d'un volume de 250 m3, était installé dans une sorte de fosse en béton aux parois de 60 cm d'épaisseur. La fosse de chaque réservoir était recouverte d'une dalle de 150 cm en béton d'un poids avoisinant les 160 t. Les réservoirs étaient refroidis en permanence grâce à une circulation d'eau à l'intérieur des fosses. La température à l'intérieur des cuves se situait autour de 300 à 350 degrés C. Plusieurs fois par jour, des équipes spécialisées vérifiaient la température et le niveau des solutions dans les réservoirs.
Le 29 septembre 1957, ces équipes n'avaient rien remarqué d'anormal, sinon que les parois d'un des réservoirs étaient chaudes mais les appareils de mesure n'avaient pas détecté d'élévation de la radioactivité. Il n'y avait alors que très peu de temps qu'on avait mis en service le premier réacteur; dans le monde entier, ingénieurs et physiciens connaissaient encore très mal les processus, qu'ils découvraient au jour le jour. Or, dans cette boîte de béton, le refroidissement par eau s'était interrompu, provoquant l'échauffement de la matière stockée, puis son ébullition. Les solutions contenaient, entre autres, du nitrate d'ammonium, un puissant explosif. Au fur et à mesure que ce composé se concentrait et s'échauffait il se rapprochait d'un point critique qui finit par être atteint, ce qui se traduisit par une violente explosion .
L'explosion fracassa le réservoir et souffla comme une plume son couvercle de béton, tandis que les parois de la fosse étaient rejetées à plusieurs centaines de mètres de là. Suite à cette explosion chimique (non-nucléaire) d'une énergie équivalente à 75 tonnes de TNT (310 GJ), des radioéléments se répandent avec une activité estimée à 740 petabq. L'explosion a projeté à plus d’un km d’altitude environ 2 millions de curies de produits radioactifs, et près de dix fois plus dans l’environnement de l’installation, soit environ la moitié des quantités rejetées à Tchernobyl.
Au moins 200 personnes décèdent... Trois, puis vingt villages, soit au total 10 180 habitants, furent évacués, et 470 000 personnes sont exposées aux radiations. Ils ont rassemblé les habitants et leur ont dit de se munir de leur passeport et d'emporter ce qu'ils avaient de plus cher. Ensuite, tout le monde a dû aller aux bains, recevoir du linge neuf et être évacué vers d'autres agglomérations. Là, il y avait pas mal de maisons neuves et la situation était provisoire; c'était une première étape. Ensuite, les russes ont fait d'énormes tranchées et y ont poussé à coups de bulldozers toutes les maisons et autres constructions, avec tout ce qu'il y avait à l'intérieur, ainsi que tous les animaux abattus.
Au cours des deux saisons de 1958 et de 1959, les russes labourent la terre sur une profondeur de 27 à 30 cm et sur une superficie de plus de 20 000 ha. Cela a permis de diminuer l'intensité du rayonnement à la surface du sol de 1,5 à 2 fois. Au printemps 1960, les autorités ont continué la "désactivation" à l'aide de charrues spéciales qu'ils avaient eux -mêmes imaginées et construites. Ce sont des "échangeurs horizontaux au sol". Elles permettent de retourner le sol en mettant en surface les couches profondes. Ainsi furent "désactivés" de 6 200 ha supplémentaires, retournés sur une cinquantaine de centimètres. En réalité, ces terres n'ont pas été "désactivées" puisqu'elles n'ont pas perdu leur radioactivité. L'écran formé par la terre plus profonde et non contaminée a simplement permis de diminuer le taux de rayonnement en surface.
Le "secret defense" fut immédiatement appliqué par l'état russe.
22 ans après : L'un des premiers à avoir eu vent de l'affaire fut le biologiste soviétique dissident, Jaures Medvedev. Il résidait en Angleterre et, à l'analyse d'articles publiés dans d'obscures revues de botanique sur la diffusion du strontium 90 dans l'environnement, se douta de quelque chose. Il le fit publiquement savoir. Son analyse de la situation à Kychtym fut publiée en anglais en 1979 dans un ouvrage maintenant bien connu, le Désastre nucléaire de l'Oural (traduit depuis en français par les éditions Isoète de Cherbourg). Des la parution, les faits reconstitués par Medvedev furent confirmés par la CIA: une catastrophe nucléaire s'était bien produite à Kychtym.
Aujourd'hui 53 ans après : Selon deux chercheurs américains du Natural Resources Defense Council, Thomas Cochran et Robert Standish Noris, il n'y a pas que l'accident de 1957 à considérer. " Kychtym est l'endroit le plus contaminé de la planète ", disent-ils. Les rejets radioactifs provenant du centre nucléaire, déversés au cours des années dans les lacs et les rivières auraient atteint, selon eux, le chiffre record de 120 millions de curies, soit deux fois et demie les doses relâchées par Tchernobyl. Il faudra attendre six cents ans, expliquent-ils, pour que le niveau de radioactivité redescende au taux encore dangereux de 120 curies. Encore aujourd'hui, affirment ces deux chercheurs, quelqu'un qui resterait sur le site à l'endroit le plus contaminé serait exposé à une dose de 500 rad/heure, suffisante pour tuer un homme en une heure seulement.
Le plus surprenant est qu'actuellement il y a encore des gens qui habitent dans ce coin avec un complexe désormais civil et militaire qui y retraite notamment de l’uranium usagé pour des centrales nucléaires suisses !! Trois des cinq réacteurs nucléaires suisses, les deux petits de Beznau (dirigés par Axpo) et le grand de Gösgen (dirigé par Alpiq) sont approvisionnés en combustible nucléaire par MSV Elektrostal, une entreprise russe directement liée au site de Mayak, via la firme française Areva.
Pour Sergeï Baranov, directeur général de Mayak rencontré à Tcheliabinsk, son usine est désormais irréprochable. Il reconnaît tout au plus qu’il faudrait «cimenter quelques anciens déchets» qui doivent traîner çà et là.
Pour Greenpeace, qui cite un rapport officiel russe datant de 2009, il ne fait aucun doute que Mayak continue à polluer. Une balade dans les cimetières du village rappelle enfin la proportion suspecte de tombes de citoyens décédés jeunes ou dans la fleur de l’âge. D’après une enquête menée par Greenpeace, le taux de cancers dans la région serait presque trois fois supérieur à la moyenne nationale.
Car l’arrangement proposé par Rosatom, l’Agence fédérale de l’énergie atomique russe, aux 4000 villageois consiste à abandonner leur ancienne isba trop proche de la Tetcha pour emménager gratuitement dans le nouveau village qui a commencé à s’élever il y a quatre ans loin des eaux mortifères, mais au milieu de nulle part. Ces baraques préfabriquées, sans âme, alignées au cordeau, attendent encore souvent l’installation de l’indispensable chauffage à gaz qui permettra d’affronter les températures pouvant descendre jusque vers - 20 °C.
Et donc les gens n'y vont pas et restent . Ces malheureux vivent bel et bien dans une poubelle atomique et subissent à des degrés variables les conséquences de ces bombardements de particules.
Sur le même sujet: www.lelotenaction.org/pages/culture-1/happy-birthday-chernobyl.html
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