Par Les Invités de Mediapart | 12 novembre 2013 | publié par paco
Environnement: l’inquiétude est sourde et la déception criante
Plusieurs juristes, spécialistes du droit de l’environnement, s'alarment: le gouvernement, selon eux, «
considère, à tort, l’environnement comme l’ennemi de l’emploi et d’une croissance qui se fait attendre » et sous couvert de modernisation et de simplification, le
Conseil national de la transition écologique qui doit se réunir ce 14 novembre marquera «
une nouvelle étape dans la régression ».
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L’écologie n’est plus simplement une gêne : elle est un problème. Et son droit est le bouc émissaire facile des difficultés du gouvernement pour répondre à la crise sociale et économique du pays. Chaque jour, un texte, une décision ou un projet de loi démontre que le gouvernement considère, à tort, l’environnement comme l’ennemi de l’emploi et d’une croissance qui se fait attendre.
Au nom de la construction de logements, l’Etat rabote les parcs naturels régionaux et supprime l’appel en justice contre les permis de construire. Pour protéger un modèle agricole intensif, l’Etat simplifie les conditions de création des porcheries. Pour freiner le principe pollueur payeur, l’Etat lui substitue celui du « tiers payeur ». Pour construire l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes au plus vite, l’Etat s’assoit sur la loi sur l’eau. Pour diaboliser la fiscalité écologique, l’Etat fait disparaître l’écotaxe derrière un écran de fumée. Et pendant que le ministère de l’écologie brûle, victime d’une vente à la découpe, le gouvernement regarde ailleurs. Ce qui permet de reporter la réforme du code minier ou le projet de loi sur la transition écologique, le temps pour EDF d’organiser l’allongement de la durée de vie du parc nucléaire.
Le gouvernement va tenter de passer une nouvelle étape dans la régression, à l’occasion de la prochaine réunion, prévue jeudi 14 novembre, du
Conseil national de la transition écologique. Cette commission réunit des représentants d’entreprises, d’associations, d’élus locaux, des syndicats. Le ministère va proposer l’adoption d’une «
feuille de route ». Destinée à ouvrir un «
processus de modernisation du droit de l’environnement ». Le texte est creux et promet des «
groupes de travail » dont personne ne connaît le but et la composition.
Pourquoi est-ce dangereux ? Parce que l’avenir du droit de l’environnement se joue en réalité à Matignon et, plus précisément au sein d’une cellule : le
Cimap.
Piloté par des fonctionnaires discrets, ce Comité interministériel de modernisation de l’action publique produit à la chaîne des mesures destinées à alimenter le « choc de simplification » promis par le chef de l’Etat. Mais il a besoin d’une caution. C’est pourquoi un dirigeant du Medef a été chargé d’un « comité de suivi » qui a notamment pour mission de simplifier le droit de l’environnement. C’est pourquoi aussi il faut la caution du CNTE et de ce « processus de modernisation du droit de l’environnement ».
Dans ce contexte, nous n’hésitons pas à dire que le choc de simplification sera juste un choc pour le droit de l’environnement. Il est encore temps de réagir.
Premiers signataires
William Azan, avocat au barreau de Paris
Jean-Pierre Beurier, professeur émérite de droit public
Emmanuel Cadeau, maître de conférences, université de Nantes
David Deharbe, maître de conférences, Lille
Thomas Dubreuil, avocat au barreau de Nantes
Romain Ecorchard, juriste en droit de l'environnement
Béatrice Hagege Raduta, maître de conférences, Paris XIII
Benjamin Hogommat, juriste en droit de l'environnement
Sébastien Le Briero, avocat au barreau de Paris
Dorian Piette, professeur de droit, IUT de Nantes
Michel Prieur, professeur émérite, doyen honoraire de la faculté de droit de Limoges
Raphaël Romi, professeur de droit, doyen honoraire de la faculté de droit de Nantes, Chaire Jean Monnet de droit européen de droit de l’environnement
Thibault Solleihac, avocat au Barreau de Lyon
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