Le Lot en Action n°69 (29 mars), par Mathias Autesserre, mis en ligne le 12 avril 2013.
Dans le cadre du débat qui s'engage dans le Lot sur la transition énergétique, nous donnons la parole à Mathias Autesserre (Quercy Énergie), qui souhaite tordre le cou à certaines idées reçues sur le photovoltaïque.
Ne pas confondre photovoltaïque de stationnement avec champs de photovoltaïque.
C’est à partir de 2006 que le solaire photovoltaïque est devenu un sujet prédominant de l’actualité de l’électricité grâce aux facilités de raccordement au réseau appuyées par les hausses de tarifs d’achat (phénomène analogue pour d’autres sources d’énergie renouvelable - EnR) ; auparavant, seuls les sites isolés utilisaient cette technologie. Ceci est dû d’une part aux objectifs européens1 que la France est bien obligée de respecter sous peine d’amendes. D’autre part aujourd’hui, alors que notre consommation électrique ne désemplit pas, la transition énergétique est une évidence aussi profonde que l’abandon du nucléaire et du pétrole. Notre retard en terme d’énergie renouvelable est important quand les vases communicants du mix énergétique restent pleins pour l’énergie atomique.
Le LEA veille au grain sur les projets naissant dans le Lot autour des centrales au sol photovoltaïques (PV) et suscite le débat énergétique auquel il convient que le maximum de personnes participe. Il faut reconnaître que bien des toitures sont disponibles, mais trop peu de propriétaires et responsables ont saisi l’opportunité de produire localement de l’électricité, et la simplification des interventions d’un projet au sol est tout de même un gain de moyens. Plusieurs porteurs de projets seraient susceptibles d’installer à moyen terme ce type d’infrastructure sur notre territoire et sur des terrains offrant un compromis entre activités humaines, enjeux environnementaux et proximité des postes de transformation (pour injecter l’électricité sur le réseau). Beaucoup d’inquiétudes sont nées autour de l’intérêt de tels projets car le développement soudain du PV n’a pas été suffisamment accompagné dans ses débuts par une information et une réglementation adéquates, mais comme nous allons le voir les vrais enjeux sont liés au portage de telles structures et non à la technologie qui est utilisée. Aujourd’hui, des commissions réunissant les représentants de l'État, la Région, le conseil général, les chambres consulaires, et Quercy Énergies veillent à ce que les enjeux et les directives soient intégrés, et que des préconisations spécifiques au territoire (impact paysager, sécurité, patrimoine, biodiversité, etc.) soient observées par les porteurs de projet à partir des études d’impacts et technico-économiques.
Les bilans de l’électricité photovoltaïque
Une étude transparente menée par l’ADEME (www.espacepv.org) compare les émissions de gaz à effet de serre et l’énergie grise des différentes sources d’énergie non-renouvelables et renouvelables. L’électricité PV génère 20 fois moins de gaz à effet de serre par kWh généré qu’une centrale de cogénération au gaz. Son temps de retour énergétique est de 1 à 2 ans suivant la situation géographique (plus ou moins de soleil) pour une durée de vie de 25 à 35 ans, c’est moins bien que l’éolien et l’hydroélectricité mais bien meilleur que les énergies fissiles et fossiles.
L’aspect fondamental de cette technologie (comme celles des autres EnR d’ailleurs) est qu’elle nécessite de l’énergie principalement pour la fabrication des infrastructures (panneaux, périphériques électriques, structures de support, etc.), le bilan du fonctionnement est ainsi très bon avec très peu de maintenance dans la durée de vie ; l’amélioration des process de fabrication (notamment par l’utilisation croissante de l’énergie renouvelable dans les productions2), des performances (suiveurs solaires et techniques à concentration, etc.) ainsi que des filières de recyclage3 verra ce bilan encore s’améliorer.
Occupation du sol et artificialisation béton
En l’état actuel des performances, l’objectif de puissance PV installée au sol à l’horizon 2050 occuperait 50 000 ha, or on constate que seule l’artificialisation des sols (parking, bâtiments, zones indus, routes, etc.) représente 66 000 ha par an ! de plus, la production énergétique générée à l’hectare par des photopiles au sol est équivalente à plus de 20 fois celle du biodiesel de colza ou de la production moyenne de la forêt française. L’argument agricole n’est même plus tenable quand on constate le déclin du nombre d’agriculteurs alors que la production énergétique est une voie de diversification de l’agriculture (cf. adhérents de Fermes de Figeac). Enfin, n’oublions pas le caractère réversible de l’infrastructure d’un parc PV (pieux vissés dans le sol) et la multifonctionnalité possible de ces occupations de l’espace (complémentarité pâture, abeilles, cultures).
La « transition énergétique » = la résilience des activités face à la fin des énergies fossiles et fissiles. Quelle place pour le photovoltaïque au sol ?
Sur notre territoire, s’adapter c’est mobiliser un Lot de ressources dont la biomasse et le solaire sont des cornes d’abondance, mais c’est aussi réduire notre consommation énergétique et notamment électrique. Il convient en premier lieu d’éviter les gaspillages par l’efficacité énergétique (cf. démarche et scénarios Négawatt), il faut le rabâcher. Or, la production électrique photovoltaïque met la charrue avant les bœufs puisqu’elle se développe par un intérêt financier uniquement ; c’est pourquoi une des premières choses est de donner un objet à ces projets permettant de détourner la spéculation financière vers l’investissement dans les économies et la maîtrise de l’énergie. On retrouve alors la tendance vertueuse. Seules quelques collectivités à ce jour ont utilisé ce levier (exemples : Prayssac, Lalbenque, Labathude). Créer une centrale de production électrique c’est pouvoir associer tous les acteurs et utilisateurs du territoire, à commencer par les collectivités, de façon prioritaire et démocratique dans l’objectif de participer à l’autonomie du territoire. On parle alors de « projets de territoires » et non plus de projets « sur les territoires », c’est à ce prix que l’acceptation devient possible.
Notes :
1 : 20% de gaz à effet de serre en moins, 20% d’économie d’énergie et 20% d’énergie renouvelable en 2020
2 : le premier producteur mondial, la Chine (74% en 2012 avec Taiwan), utilise surtout des centrales au charbon pour l’extraction du silicium à partir de la silice, deuxième élément le plus présent sur terre.
3 : les matériaux usagés dont le silicium se recyclent dans les nouveaux panneaux : voir www.pvcycle.org
1. 19/04/2013
@ Jacqueline
Et bien une partie du débat se situe là : lorsque les projets de production d'énergie (éoliens, solaires, réseaux chaleur bois ou encore unités de méthanisation) sont réfléchis et entrent dans un schéma de cohérence, qui inclue tous les aspects de la transition énergétique, ils sont largement (et plus facilement) acceptés par les populations locales. Et le fait de participer à ces projets, que ce soit directement ou via les collectivités locales, tant dans leur conception que dans leur financement, permet également de moins avoir le sentiment de se faire avoir....
Ceci étant dit, il est in fine nécessaire et même indispensable que ces projets voient le jour. Mais si les citoyens et les élus s'en mèlent, bien en amont, nous pourrons éviter de rétitérer encore et encore les mêmes erreurs, ce qui permettra non seulement de développer la production d'énergie localement, avec un vrai controle des citoyens ou des collectivités locales.
2. 19/04/2013
Est-il possible que l'énergie générée soit utilisée par la commune ou serait implanté ces "fermes" ??????
3. 13/04/2013
L'interprétation est exagérée : il faut ne pas perdre de vue que l'installation d'agriculteurs est une priorité, mais que l'agriculture va participer à la production énergétique par d'autres biais que l'alimentation (dont la plus grosse partie est animale en regard de celle humaine finale) : bois énergie, méthanisation, solaire...et c'est inévitablement participer au maintien du tissu rural que de disposer d'une diversification de l'activité tout en créant une forte reconnaissance dans le lien agriculture-société. Combiner les enjeux alimentaires avec les enjeux environnementaux pour permettre l'autonomie des territoires. Les arguments avancés cherchent à démontrer que la technique présente de bons bilans, et qu'elle n'est pas incompatible avec l'activité agricole ; c'est une solution de transition : quand on en aura plus besoin, on démonte et l'impact est très faible. L'important dans l'histoire est de garder la main quant au portage du projet. Et aussi, produire l'énergie au plus près des besoins est toujours plus efficace.
4. 12/04/2013
Le déclin du nombre d'agriculteurs nous offre un avenir radieux ?? n'est ce pas, des capteurs en veux-tu ? en voilà ! Mais cette fameuse déprise agricole est'elle irréversible ? Personne ne cherche de terres à cultiver ? personne en a rasl'bol de la vie citadine ? Essayons de voir un peu plus loin que cette transition. Dans les campagnes il y a l'élec depuis quand ? 60/70 ans?
Et dans beaucoup de pays encore elle n'est pas disponible.
Stop ne pas se dire que le photovoltaïque va remplacer les paysans.....ou alors ils seront devenus marchand d'énergie......puisque marchand d'aliments ça ne paie plus !!
c'est un grand et gros débat civilisationnel......plus que la transition énergétique c'est notre métamorphose qu'il faut mettre bas.
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