Réseau Chaleur Bois, le débat avance

Le Lot en Action n°48. 10 février 2012

Le débat est vif en ce qui concerne les réseaux chaleur bois. Nos lecteurs se souviennent probablement de la polémique qui concerne le réseau qui doit être mis en place à Livernon. Nous avons déjà consacré deux dossiers du LEA à la problématique de la gestion énergétique sur notre territoire. Nous avions tout d’abord donné la parole à Pierre Beauvois, puis à Quercy Énergie, pour que les lecteurs puissent se faire une opinion au travers du débat ouvert dans le Lot en Action. Nous vous livrons ci-dessous les propositions faites par le collectif que représente Pierre Beauvois ainsi que les réponses de Quercy Énergie. Le débat continue et fait bouger les lignes. Les élections législatives qui approchent nous permettront probablement d’entendre les élus et candidats sur ces questions essentielles.

Des propositions concrètes

Par Pierre Beauvois


info-lot-reseau-chaleur-bois-2.jpgLes membres du Conseil général, excepté une poignée d’élus hésitants (et encore…) n’ont apparemment pas encore assimilé les enjeux climatiques et énergétiques des sommets de Rio et suivants. Car comment résoudre des problèmes globaux qui se posent à l’humanité si, au plan local, la classe politique n’est déjà pas capable de les appréhender ? Comment faire intelligemment du « global » quand les décideurs se plantent déjà sur le « local » ?
Le SYDED a choisi une mauvaise solution énergétique en lançant ses réseaux chauffage bois. Nous y reviendrons prochainement dans le détail lors des analyses de nos colloques de Cahors, Capdenac et de leurs suites. Cette solution est d’autant moins cohérente qu’elle vise à balader sur les routes du département des centaines de camions acheminant les plaquettes de bois vers les 21 chaudières prévues. En sus, le SYDED envisage d’accumuler sur ses centres de compostage les boues des stations d’épuration de centrales « eaux usées » qu’il envisage d’aller quérir dans des départements voisins. Encore des camions pour transporter des matières plutôt nauséabondes !
Le plan RCB de Gérard Miquel, Président du SYDED, du Conseil général et Sénateur de surcroît, ignore la cogénération, soit la production combinée de chaleur et d’électricité. Technologie qui a le vent en poupe dans tous les pays du nord de l’Europe voire dans certaines entreprises du Lot et qui, systématisée dans le département et ses voisins, vise à valoriser les déchets agricoles existants, diss��minés un peu n’importe comment faute d’une politique publique pensée. Gérer énergétiquement parlant ce gisement constituerait un appui bienvenu aux 4 000 PME lotoises dont beaucoup sont en difficulté. Dans la même veine, la technologie des gaz de synthèse à partir du bois qui vise aussi à cultiver une forêt en déshérence débouche sur la production combinée chaleur - électricité, au moment même où tout le monde parle d’énergies renouvelables.
Quel est le projet alternatif étudié par le Front de Gauche, des syndicalistes du rail, du monde paysan voire d’associations ?
1.    Plutôt que d’aller fracturer les roches du sous-sol profond pour en extraire un hypothétique gaz de schiste, avec tous les risques de pollution déjà évoqués dans ces colonnes, exploiter rationnellement la biomasse en surface.
2.    Plutôt que d’éparpiller, pour sacrifier au mythe du « verdâtre », des RCB dans des bourgs peu peuplés et des chaudières à bois polluantes à faible rendement, concentrer sur Cahors, Figeac, Capdenac, Souillac, Gourdon, dans un premier temps, cinq centres de production combinée de chaleur et d’électricité basés sur la méthanisation des déchets agricoles et/ou la production de gaz de synthèse issus du taillis sous couvert.
3.    Donc créer cinq réseaux de chauffage urbain desservant des milliers de lotois localisés dans les centres urbains importants en couplant cet investissement avec une politique de rénovation-isolation des logements vétustes voire à l’abandon. Chiffrer l’impact sur l’emploi d’un plan programmé sur 5 ou 10 ans associant des entreprises locales. Calculer le coût réel de la dépense publique sachant que chaque investissement de 50.000 € dans la construction crée 1,2 emploi et correspond à une recette de près de 15.000 € l’an pour les finances publiques.
4.    Concevoir, à proximité des gares, cinq pôles de cogénération qui vendront l’électricité produite au réseau EDF, qui assureront la fourniture en eau chaude des bâtiments publics et privés à un tarif attractif, indépendant des prix spéculatifs du fioul, du gaz et de l’électricité et organiseront le séchage des déchets forestiers au cours des mois chauds. Ainsi, ces pôles industriels fonctionneront toute l’année.
5.    Construire une politique de transport multimodal (camion-rail) acheminant les matières végétales et animales vers ces pôles énergétiques en réhabilitant les lignes ferroviaires laissées en désuétude et drainant les vallées du Lot et de la Dordogne, les quais de stockage et de manutention. Faire l’inventaire des infrastructures existantes de la SNCF et de RFF en la matière. Éliminer définitivement le projet de la « coulée verte ».
6.    Négocier avec les représentants des PME agricoles les conditions de leur participation à de tels projets et déterminer leurs attentes.
7.    Mettre en place une politique de gestion rationnelle du massif forestier en restaurant les capacités de l’intervention publique palliant l’inertie actuelle des propriétaires privés.
8.     Mettre en place un pôle de financement public régional collectant l’épargne populaire pour financer notamment ces projets énergétiques à taux d’intérêts  réduits.
Ces orientations, nous entendons les opposer dans les prochains mois aux appétits sordides des monopoles pétroliers. Nous réclamons parallèlement un moratoire quant à la poursuite de la construction des RCB par le SYDED tant qu’un débat démocratique n’aura pas eu lieu avec les populations concernées.



Pourquoi un réseau de chaleur est-il une opportunité pour nos chefs lieux de Cantons ?

Par JM Ferry (Quercy Énergie)


En 2012, dans le Quercy, les ressources énergétiques principalement utilisées sont les produits pétroliers, l'électricité (majoritairement d'origine nucléaire), le solaire et la biomasse (très majoritairement le bois).
Il est acquis par tous que le pétrole se raréfie. S'il existe encore des sceptiques, les travaux de l'ASPO (1) ôtent le doute : le pic mondial de production pétrolière est semble-t' il passé depuis 2008. Nous entrons à l'aube du 21e siècle dans une phase de « déplétion » : la demande en pétrole ne cesse d'augmenter dans les pays développés et émergents alors que la production mondiale est plutôt en phase de stagnation, et bientôt de régression. Si l'énergie nucléaire est encore un pilier de notre approvisionnement énergétique, et ce pour les quelques années de vie des centrales existantes, la filière est appelée à être sérieusement remise en cause après la catastrophe de Fukushima.


Partant de ces constats, il paraît réaliste d'affirmer que le coût des énergies va rapidement évoluer à la hausse.
Quercy Énergies (2) a pris le parti d’engager les collectivités locales vers des alternatives pour anticiper ces mutations. L’exemple le plus criant étant sans doute les établissements publics de santé : comment ferons-nous dans dix ans pour héberger nos anciens dans des maisons de retraites dont un des principaux poste de dépense, le chauffage, ne sera plus acceptable ? Devra-t-on en refuser l’accès aux plus démunis ? Les coûts de journées de ces établissements sont déjà difficilement supportables actuellement pour les petites retraites les plus modestes. Bien sûr il y a l'isolation, l'efficacité énergétique, mais une maison de retraite de 60 résidents construite en 2010, donc plutôt bien isolée, consomme encore près plus de 30 000 litres de fioul par hiver. La question se pose aussi pour les écoles et les logements de centre bourg qu'il sera toujours compliqué d'isoler sans ponts thermiques.


Proposer un service public de distribution d'énergie calorifique à un centre bourg (lorsque celui-ci présente une densité de bâtiments suffisante, pour garantir une bonne efficacité du service (3)) est une solution souvent pertinente : le réseau de chaleur est un système de distribution dont la durée de vie minimale est estimée à près d'un demi-siècle. La production d'énergie est centralisée, et se veut être plus vertueuse (locale, renouvelable, économique). Le type de production n'est pas irréversible : en fin de vie (dans plus d’une vingtaine d'année), les actuelles centrales à biomasse pourront être remplacées par une centrale solaire, une cogénération ou par une autre technologie alors mature.
Dans le Quercy, c'est avec des chaudières automatiques à bois que ce sont centrés les moyens de production de l'eau chaude. La ressource est en effet très abondante localement (Massif bourian, Ségala, Quercy vert) et les financeurs (Europe, état, région) soutiennent largement ces projets. Si les politiques de soutiens aux projets publics peu à peu s'élargissent à toutes les énergies renouvelables (le biogaz est enfin soutenu depuis mi-2011, et les premières réflexions ont été engagées dans le Lot), la chaleur bois est encore la mieux encouragée en 2012
.
La combustion du bois est-elle très polluante ?
info-lot-reseau-chaleur-bois-3.gifNous avons promis un dossier fouillé sur ce thème au LEA. Nous vous le présenterons prochainement, car il nécessite d'entrer dans des détails scientifiques. La réponse est nuancée : lors d'une combustion incomplète, un feu de bois émet une plus grande diversité de gaz (imbrûlés) : c'est notamment le cas pour les feux de plein air, les foyers ouverts (les Cantous), ou les poêles / inserts de vieille conception. Les données publiées par le CITEPA  et que nous reproduisons ci-dessous sont sans équivoque : un insert neuf permet de réduire de 7 à 30 fois les émissions d'un foyer ouvert. Les cuisinières et poêles modernes émettent 2 à 10 fois moins que les anciens. Les chaudières neuves génèrent entre 2 et 80 fois moins de polluants selon le type de polluants considéré.

Si nous développons l'énergie bois en complément des réseaux de chaleur en Quercy, secteur très rural, nous pouvons plus facilement maîtriser les impacts des pollutions que dans les grandes agglomérations : notamment si la mise en œuvre des chaufferies à haut rendement que nous préconisons est couplée, en plus de la substitution des chaudières fioul et gaz existantes, à un remplacement des foyers ouverts et les vieux poêles/insert par des appareils performants.
Les projets plus urbains du département comme ceux de Figeac, Cahors, Souillac ou Gourdon seront équipés des systèmes de filtration les plus performants pour respecter les normes nationales et européennes en vigueur. Et comme les réseaux de chaleur urbains offrent plus de possibilité, la cogénération à partir de biogaz ou de bois sera également étudiée.


(1) L'ASPO (Association for the Study of Peak Oil and Gas) est composée notamment d'ancien experts pétroliers aujourd'hui retraités et dégagés de leur devoir de réserve.
(2) Quercy Énergies, Agence Locale de l’Énergie du département du Lot depuis 1994, est une association loi 1901 déclarée d’intérêt général – www.quercy-energies.fr
(3) Un seuil minimal de 1 MWh/ml est requis pour la création d’un réseau de chaleur.

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