Les Talibans écolos : la fatwa du préfet !

Provocation ou discours de politique générale du préfet ?

Par Bluboux. Article publié dans le LEA n°61 du 19 octobre 2012

Les propos du préfet du Lot, le 7 octobre dernier lors du Congrès des élus du département, auront fait couler beaucoup d'encre dans la presse locale. Pour ceux qui ne sont pas encore au fait du pavé dans la mare jeté par Monsieur le préfet, reprenons les propos de notre ami et confrère Laurent Benayoun, le rédac-chef de la Dépêche du Lot :

Pour le reste, on aura surtout retenu la charge épaisse du préfet contre «les talibans écolos». S'exprimant au sujet d'une «agriculture qui a aussi besoin de vivre», Bernard Gonzalez a fustigé, sans prendre de gants, «la menace permanente, non pas de terrorisme, mais de contentieux, du fait de quelques talibans écolos». Puis un peu plus loin : «Je continuerai à travailler avec les associations responsables et représentatives pour la sensibilisation et la pédagogie. Mais je n'hésiterai pas à dénoncer les excès de certains intégristes défenseurs de l'environnement».

Mais quelle mouche a piqué le préfet ? Ces propos ont été tenus dans le cadre d'un discours officiel, et donc écrits, mûrement réfléchis. Lors de la séance de presse du 10 octobre, il revenait sur ses paroles : « Je travaille très bien avec des associations de protection de l'environnement responsables. Mais j'ai voulu faire passer le message qu'il ne faut pas abuser du recours au contentieux. Cela touche certaines zones industrielles, des déviations, des dossiers comme la prison. Il faut faire attention à ne pas décourager les investisseurs ou à jeter le discrédit sur les collectivités locales ou les services qui portent ces projets ».

Ah, nous commençons à y voir plus clair. Le préfet est le représentant de l'État dans le département. La priorité étant donnée au développement économique et à l'emploi, tout ce qui vient « gêner » ou perturber les acteurs économiques est donc considéré comme une entrave. Mais le terme de « talibans écolos » (voir encadré du Pr Charabia) a été manifestement très précisément choisi et pesé par notre préfet, et au moment où Monsieur Valls parle de « terrorisme intérieur », cette parabole n'a rien d'anodin. On se souviendra de la mobilisation citoyenne forte, au début de l'été, qui a conduit le préfet à refuser les demandes de dérogations pour l'épandage aérien de pesticides. Toujours pour rester dans le domaine de l'agriculture, puisque le premier représentant de l'État volait au secours des « agriculteurs qui ont aussi besoin de vivre », la mobilisation contre la mutagenèse inquiète également les adhérents de la FNSEA.

Bref, si vous êtes soucieux de la santé publique, de la préservation de notre environnement naturel, de la qualité de l'eau et de la qualité de vie en général, Monsieur le préfet vous invite donc à ne pas le manifester trop bruyamment, histoire de ne gêner ni les agriculteurs, ni les industriels qui ont eux aussi besoin de défendre leurs actionnaires et leur compte en banque.

En revanche, la lutte contre l'insécurité est une belle priorité, qui justifie tous les moyens, y compris les plus coercitifs et les plus liberticides. Mais il est vrai que le nombre de décès imputables aux produits chimiques de tous types, utilisés dans l'agriculture, par l'industrie (exemple de la créosote utilisée par la SNCF à Biars) et même par les collectivités locales (sels d'aluminium pour traiter l'eau de consommation) ne méritent vraiment pas que l'on s'y intéresse...

Alors une petite question Monsieur le préfet. Vous nous avez fait parvenir un communiqué de presse nous demandant d'informer la population de ne pas consommer les poissons issus de la Dordogne (voir article ci-dessous). Mais là, vous en avez besoin des talibans écolos, non ?