Le Lot en Action n°77 (décembre 2013), mis en ligne le 23 janvier 2014
Si les Parc Naturel Régionaux n'ont pas pour vocation à mettre sous cloche un territoire, l'épineuse question de la pratique de la chasse dans un espace que l'on tente de promouvoir reste posée. Mettre en avant les atouts naturels d'un territoire en invitant les habitants et les touristes à les découvrir semble difficilement compatible avec la pratique de la chasse sur ce même espace. Notre chroniqueuse, Moustique, traite ce sujet via deux articles. Le premier, publié dans le numéro de décembre du LEA et reproduit ci-dessous dans son intégralité, pose la question suivante : "La présidence du Parc et la pratique de la chasse sont elles compatibles ?". Le second, publié dans le numéro de janvier, pose la problématique des chasses privées qui pullulent sur le Parc.
Par Moutique
La présidente du Parc Naturel Régional des Causses du Quercy, Catherine Marlas, a confié à la Dépêche du Midi sa passion pour la chasse (dossier du 28 avril 2012 sous le titre : Ils ont la passion de la chasse). Cette information appelle plusieurs observations. La Charte du Parc (2012-2024) déclare : « Les associations de chasse […] et leurs fédérations représentent pour le Parc des partenaires privilégiés pour la connaissance, le suivi des espèces et la gestion de leurs habitats » (mesure 1.2.3). La chasse (exercée par la présidente du Parc) est-elle en accord avec l’un des objectifs hautement affirmés du Parc Naturel Régional des Causses du Quercy, à savoir la défense de la biodiversité ?
Examinons les faits.
Il est patent que les chasseurs du Lot (comme ceux des autres départements) lâchent dans la nature des animaux d’élevage pour avoir le plaisir de leur tirer dessus : faisans, perdrix rouges, lapins de garenne et lièvres. Ces animaux sont achetés dans des élevages spécialisés (il existe d’ailleurs une quinzaine d’élevages de gibier dans le Lot).
La Fédération des Chasseurs du Lot a établi en 2011 un « Programme Petit Gibier », valable jusqu’en 2014, et doté d’un budget de 150 000€, qui a pour but de « renforcer les populations » de ces animaux d’élevage en aménageant des territoires de chasse : il s’agit d’instaurer des cultures à gibier afin que ces animaux y trouvent le gîte et le couvert, et de créer des points d’eau. Mais surtout, la condition essentielle de ces aménagements est le piégeage obligatoire des prédateurs naturels, comme le renard et autres animaux sauvages déclarés « nuisibles ». Les pièges sont financés par la Fédération. Le renard doit également être tiré au fusil.
C’est ainsi que les chasseurs se proclament « gestionnaires de la faune sauvage et de ses habitats ».
Une présidente de Parc Naturel Régional peut-elle cautionner la destruction d’animaux sauvages en faveur du gibier (d’élevage) des chasseurs ?
Le numéro 3 du journal « Notre Parc », dont Madame Marlas signe l’éditorial, donne la parole à Éric Pujol, technicien de la Fédération Départementale de Chasse du Lot. Il se félicite: « Avec le Parc, nous avons déjà engagé des actions de réhabilitation et de création de points d’eau, de cloups et de cultures faunistiques. Ce sont des lieux favorisant la vie des espèces, où elles peuvent trouver nourriture et abri». De même, le Parc organise avec la Fédération des Chasseurs des animations de construction de garennes artificielles pour les lapins.
Un Parc Naturel peut-il agir en vue de favoriser le gibier pour les chasseurs ?
Par ailleurs, un Parc Naturel est censé être un lieu de paix où la nature est protégée. Mais durant six mois de l’année, les promeneurs et randonneurs du Parc doivent rester sur leurs gardes lorsqu’ils parcourent les chemins du causse envahis par des rassemblements de chasseurs. Que dire de la faune sauvage, harcelée, poursuivie, et de toute façon dérangée la moitié de l’année par ces commandos armé ? Pour les habitants des villages, plus de tranquillité, les fusils pétaradent à quelques dizaines de mètres des maisons, surtout le week-end.
D’un point de vue éthique ensuite, la chasse est avec la corrida le seul loisir qui consiste à tuer. Ses pratiquants la considèrent comme un sport, un divertissement. Abattre des animaux dans la nature est même pour beaucoup d’entre eux une véritable passion.
Qu’une activité ludique dont la finalité est la mort d’un animal soit considérée comme un sport, un loisir, pose question sur la mentalité de ceux qui la pratiquent. Les employés qui travaillent dans les abattoirs ne font pas cela par plaisir et ce n’est pour eux ni un divertissement, ni un jeu, ni un sport. Pour les chasseurs, c’est une distraction, un plaisir.
La souffrance de l’animal affolé poursuivi par les chiens, blessé par balle ou par plombs, traqué au fond de son terrier, n’émeut pas le chasseur. L’animal n’est pas considéré comme un être sensible mais comme du « gibier ». Le piégeur reste indifférent à l’angoisse et à la douleur de la bête emprisonnée qu’il va achever d’un coup de fusil ou de bâton.
Ce manque d’empathie évident pour la souffrance de l’animal interroge les psychologues qui cherchent à décrypter cette absence de sensibilité ou de culpabilité chez les individus qui infligent ces souffrances. Des sévices semblables portés à un animal de compagnie sont qualifiés par la loi « d’actes de cruauté » et sanctionnés comme tels. Mais la loi ne protège pas l’animal sauvage.
Le philosophe Michel Onfray présente la chasse comme une « activité mortifère », un « loisir sadique, pervers et destructeur », (interview dans Le Point du 5 décembre 2013).
Parmi ces tueurs d’animaux sauvages, la présidente du Parc Naturel Régional des Causses du Quercy.
1. 24/01/2014
Deux rappels concernant la présidence actuelle du Parc Naturel :http://www.ladepeche.fr/article/2010/05/31/845342-catherine-marlas-presidente-du-parc-naturel.html, et http://www.ladepeche.fr/article/2012/04/28/1341142-actions-et-soutiens-au-feminin.html ; ces deux articles expliquent tout. Un autre rappel: il y a dans le Lot des associations à vocation d'étude et de protection de la Nature, la LPO 46 http://lot.lpo.fr/, une délégation de l'ASPAS http://www.aspas-nature.org/ Quelques renseignements utiles sur le site Lot Nature dans la rubrique http://www.lotnature.fr/spip.php?rubrique48. Et n'hésitez pas à surveiller les "mauvais" chasseurs ou piégeurs: prévenez leurs organisations ou les inspecteurs de l'environnement ( ONCFS) en cas de destruction évidente d'espèces protégées. Maintenant il ne faut pas s'attendre à une entente entre chasseurs et protecteurs de la nature: nous sommes en France et les mentalités n'évoluent pas du jour au lendemain. Il n'est pas défendu de discuter. Un site intéressant à lire pour les défenseurs des grands carnivores: la buvette des alpages http://www.buvettedesalpages.be/. Pour avoir des nouvelles par les chasseurs sur Twiter voir https://twitter.com/jaimelachasse.
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