Le Lot en Action. 14 décembre 2011 par Bluboux
Le film documentaire "Tous au Larzac", de Christian Rouaud sera projeté le lundi 9 janvier au cinéma Robert-Doisneau à Bretenoux à 20h30, et le mardi 10 janvier au cinéma Le Quercy à Cahors à 20h30. Le film sera suivi d’un débat, en présence du réalisateur, animé par Antenne d’Oc, la Confédération Paysanne et Le Lot en Action pour la det de Cahors.
Ce film a été programmé au festival de Gindou, cet été, et vous trouverez ci-dessous l’article que nous lui avions consacré dans notre numéro de la rentrée.
En espérant vous voir nombreux pour cette véritable bouffée d’oxygène, particulièrement à propos par les temps qui courent…
Par Bluboux
Le festival n’a pas dérogé cette année à sa réputation. Une programmation d’une excellente qualité, une ambiance qui mélange agréablement les cinéphiles chevronnés, les simples amateurs et les festivaliers « de passage ». Une semaine hors du temps, qui reste un rendez-vous incontournable des acteurs de la culture sur notre territoire.
Nous vous proposerons régulièrement ici, dans ces colonnes, les interviews réalisées par William et Clochettes, d’Antenne d’Oc, des réalisateurs et des équipes de tournage, au fur et à mesure de la sortie des films en salle, puisque Gindou est l’occasion de voir pas mal de films en « avant première ».
Premier éclairage sur le Film de Christian Rouaud, « Tous au Larzac », même si ce dernier ne sortira dans les salles que le 23 novembre prochain. Après l'époustouflant documentaire dans lequel il retraçait le combat des ouvriers de l'usine Lip, « Les LIP, l’imagination au pouvoir » (prix du public à Lisbonne et Mulhouse, nomination au César du documentaire en 2008), Christian Rouaud raconte la résistance des paysans du Larzac pour défendre un territoire dont voulait s’emparer l’armée. Plus de 10 ans de lutte, devenue mythique, sont ici raconté par les protagonistes eux-mêmes (10 des 103 du plateau), avec une limpidité étonnante et beaucoup d’émotions. On passe du rire aux larmes et comprend comment un paysan qui « vote à droite » (Léon, incroyable cabotin, facétieux, qui défend aujourd’hui le mythe avec humour et pertinence), de jeunes loups modernistes prêts à sortir leur fusil de chasse, des révolutionnaires chevelus issus de Mai 68, militants maoïstes prônant une lutte violente ou adeptes de Lanza del Vasto, le fondateur de la Communauté de l'Arche qui propose un jeûne de 15 jours ont pu se comprendre, partager et construire cette lutte ensemble.
Un documentaire à voir, à demander au programmateur de votre salle de ciné préférée. Hautement symbolique en ce moment, le récit de cette victoire citoyenne nous fait réfléchir. Le plateau a profondément changé en quarante ans mais la propension des habitants à pratiquer la désobéissance civile lorsque c’est nécessaire est bien ancrée. La récente lettre de Sarkozy à un maire du plateau, pour le féliciter à l’occasion du classement du Larzac au patrimoine mondial de l’Unesco, pour les luttes passée et présente, notamment celle du gaz de schiste fait doucement sourire.
«Pour la terre qui fait vivre, contre les armes qui tuent. La résonance universelle de ce qui est ainsi affirmé dans ce lieu singulier. L’ambiance prophétique qu’on y ressent quant à l’humanité à promouvoir. Oui, l’expérience des luttes du Larzac joue un rôle très particulier dans notre mémoire. Elle ouvre les cœurs à une émotion communicative. C’est comme si elle nous incitait à aborder avec plus de confiance et plus de détermination les défis vécus comme graves. De l’humanisme dont cette expérience porte la marque nous savons que nous avons plus que jamais besoin.» Stéphane Hessel
Texte tiré de la préface du livre : Le Larzac s’affiche - Solveig Letort, Stéphane Hessel, Louis Joinet © Éditions du Seuil.
Nous publions ci-dessous un article de Léon, écrit spécialement pour les lecteurs du lot en Action, qui parle précisément de ce qu’est devenu le plateau aujourd’hui.
Par Léon Maillé
La biodiversité, pour beaucoup, ne concerne que la flore et la faune, on peut y ajouter aussi la diversité des productions agricoles.
Faire le bilan de l’évolution de l’agriculture sur le Larzac depuis un demi-siècle est particulièrement instructif et incite à l’optimisme.
Dans les années 1950-60, l’agriculture larzacienne était moribonde (peu de matériel et petits troupeaux de brebis laitière pour Roquefort). De nombreuses fermes étaient à l’abandon. Dans les années 1960-70, avec un matériel plus adéquat, des machines à traire et l’arrivée de quelques nouveaux paysans, un dynamisme se fit jour, et la production de lait pour le roquefort commença à décoller. Arriva alors le chambardement contre l’armée (1971-1981), avec plein de militants extérieurs à la région, et des idées nouvelles.
Jusque-là, nous les autochtones avions des idées figées : « hors du roquefort, point de salut ». Trente ans après, extraordinaire : il n’y a même plus le tiers des paysans qui produisent pour le roquefort sur la partie du Larzac concernée par le projet d’extension du camp militaire ! Et que font les autres ? Un tour d’horizon s’impose, qui révèle un magnifique exemple de diversité :
Cela commença par les premiers installés (illégaux, bien sûr) en pleine lutte (1975-1981) : fromage de brebis, pérail ou recuite, et viande d’agneau, le tout en vente directe. Après l’abandon du projet d’extension en 1981, toutes les fermes abandonnées furent progressivement réoccupées, la plupart en ovin-lait ou en ovin viande.
Le premier marché de pays, celui de Montredon (une utopie à l’époque, en 1988) osa démarrer, dans ce hameau perdu à plus de 20 km de Millau ; maintenant chaque village aveyronnais rêve du sien. Et ce dynamisme continua jusqu’à donner aujourd’hui : neuf élevages, presque tous bio (certifié ou non) en ovin-viande ; huit ovin-lait hors circuit roquefort, presque tous bio (coopérative des Bergers du Larzac, GIE…), deux ovin-lait bio en vente directe fromage ; deux en roquefort bio. Il faut ajouter à cela deux élevages de vaches allaitantes Aubrac bio ; un de poules et poulets bio ; des cochons bio de plein air ; deux élevages de chèvres pour le fromage en vente directe, un élevage de chèvres mohair ; une brasserie à la ferme (et bientôt un whisky « des causses »…), une fabrique de pastis, apéritifs et plantes médicinales, du safran, quelques canards aussi pour Noël, une production de grain germé, deux dresseurs de chiens de troupeau, plus quelques artisans, potiers, apiculteurs, bois tourné, etc. Et… tout de même, encore une douzaine d’élevages conventionnels pour Roquefort…
Cette diversité de productions, impensable il y a quarante ans, a apporté une diversité d’idées (ou est-ce l’inverse ?), provoquant une vie sociale riche et dynamique. Bref, une vie bouillonnante est revenue dans un pays jadis très (trop ?) conventionnel. Plus une ferme vide, plus une maison vide.
Le Larzac n’est-il pas un exemple de biodiversité réussie ?
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