Ça vous fait quoi une belle érection ?

Les 400 culs. 31 janvier par Agnès Giard

Lorsqu’une spécialiste du plaisir féminin se met à la peinture, c’est pour dessiner des pénis en gloire, de magnifiques verges folles et des tiges aux couleurs fauves qui dardent en l'air leurs glands tumescents… Ne vous y trompez pas, pourtant. Ce ne sont pas des sexes. Ce sont des symboles de la joie.

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Elisa Else, alias Elisa Brune aime les pénis avec une ivresse contagieuse qui fait vibrer ses aquarelles comme des ciels au coucher: orange solaire, rouges embrasés, violets raisin tirant sur le noir bombyx… Semblables à des astres éclatants, les pénis qu’elle peint “en majesté” se dressent au centre de corps réduits à des troncs sans visage, qui se tordent autour de leur axe génital… Jeudi 2 février, à Paris, elle inaugure une exposition de pénis dont elle espère qu’ils donneront plus envie aux femmes (et hommes) de célébrer cet organe depuis trop longtemps censuré dans l’art occidental.

«Le sexe mâle en érection est magistralement absent de l'histoire de l'art, dit-elle, en Occident et à dater du christianisme en tout cas. C'est pour moi un manque réel, cette absence du sexe masculin dans le paysage visuel. Bien sûr, il y a des christ et des Saint-Sébastien tout à fait appétissants. Malheureusement, être obligé de faire le détour par la punition ou le calvaire pour montrer le corps nu induit une torsion mentale irrémédiable. Dans les temples indous, c'est de plaisir qu'il est question, et d'harmonie cosmique. Le sexe est non seulement valorisé mais nécessaire à l'équilibre du monde. Nous sommes loin du compte avec nos flagellations et nos descentes de croix. A la Renaissance, quand les peintres sont allés réveiller les dieux de l'Olympe, ils ont bien compris qu'il fallait retrouver la chair heureuse. Mais ils n'ont pas réussi à faire sauter le verrou de la représentation sexuelle, et ont dû s'en tenir à de la suggestion. Dans leurs tableaux, les Dieux ont des amours, oui, mais ils ne bandent pas. Quant au porno actuel, il n’a rien d’artistique ni de vraiment heureux…”.

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Pour Elisa Else, notre époque est celle du pénis-muscle, non plus du pénis-joie. «Oui, il y a de très beaux muscles dans les musées, qui servent de support à la virilité, dit-elle, mais c'est comme si on parlait de la navigation en montrant l'eau et jamais un seul bateau. Ce qui manque, aussi, pour que le corps sexuel de l'homme existe, c'est la possibilité du regard des femmes.»
Depuis deux ans qu’elle peint des pénis au lavis, Elisa Else n’a pas fini d’en faire le tour : “J’éprouve un plaisir énorme à regarder le corps masculin, le sexe masculin, c'est une émotion esthétique d'une puissance inouïe. Si en plus de me faire plaisir, je peux faire exister le sexe et l'érection masculine dans l'image, puis dans le mental et l'imaginaire des visiteurs de façon ouverte, libre, joyeuse, affirmée, c'est tant mieux.”

Peignez-vous des organes génitaux de femme avec la même ardeur ?
Je ne travaille pas (jusqu'ici) sur le corps féminin. Sur le plan graphique et plastique, je suis plus intéressée par "l'objet" masculin, tout en relief, là où le sexe féminin est si discret. Il offre moins à la peinture. Cette impression "discriminante" est sans doute motivée par mon attirance sexuelle... Par ailleurs, il y a pléthore de représentations de nus féminins dans l'art.

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Pourquoi faire des pénis au lavis ? Parce que ça fait couler beaucoup de liquides ? Parce que ces liquides se mélangent en eau trouble ?
J'aime beaucoup les encres, parce qu'elles se mélangent, en effet. Outre la correspondance avec la sexualité, elles donnent le privilège de travailler avec le hasard. L'esprit de l'artiste et l'esprit de l'eau s'entremêlent pour donner un résultat jamais entièrement contrôlé. Pour moi, la perte de contrôle est une richesse, une expérience très élargissante, qui est beaucoup moins accessible quand on écrit. Mais il n'y a pas que le fortuit. J'utilise aussi du trait fort marqué pour certains contours, ou des coups de pinceau très appuyés quand je peins à l'huile. Le dialogue entre décision et abandon, ce qu'on veut et ce qui vient, est une jubilation constante dans la peinture, tout comme dans le sexe d'ailleurs...

Vos hommes sont sans visage. Pourquoi ?
Pour moi, il s'agit d'un travail sur l'énergie, le rapport à l'être, la présence au réel. La question de l'incarnation est la question la plus préoccupante pour l'esprit, car il s'agit de sa condition d'existence et de sa possibilité de déploiement. On ne peut être au monde qu'à travers le corps et les sens. On ne peut parler qu'à partir de sa pulsion, sa vitalité, inscrite dans le corps. Le corps sexuel est le lieu le plus intense de cette expression vitale. Le pénis tendu et la pensée tendue, c'est pareil. C'est la vie qui nous tient debout et nous anime avant même que nous ne soyons conscients ou capable de la gouverner. Je travaille dans cette fascination par rapport à l'énergie, vécue comme un donné, une lancée, une impulsion sur laquelle nous naviguons tant bien que mal. Il s'agit donc de quelque chose de plus ancien et plus profond que la personnalité individuelle. Le visage n'est pas encore là. L'énergie est là.

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Les couleurs sont… plutôt chaudes. Y’a-t-il un lien entre vos aquarelles et ces photos aux infra rouges qui montrent les zones du corps humain les plus irriguées ou les plus "thermiques" ?
Je n'ai jamais fait de choix réfléchi ni dans les couleurs, ni dans le reste d'ailleurs. C'est un travail d'impulsion, à l'opposé de l'écriture. Ce contraste est nécessaire pour garder l'équilibre entre réfléchi et ressenti. Alors oui, je suis naturellement portée vers des couleurs chaudes, on dirait. Je ne peux pas l'interpréter. Le pénis est souvent plus dense que le reste en tout cas, sans doute comme une concentration d'énergie maximale. Avant de passer par le vagin de sa mère, chacun est passé par le pénis de son père. Avant l'origine du monde, l'origine de l'origine ?

Galerie DELIRE EN FORMATION : 12, Guénégaud, 75006 Paris. M° Odéon.
Vernissage le jeudi 2 février de 18h à 21h
Tél. : 01 46 33 25 73
Ouvert de 14h à 19h, du mardi au samedi.

Mardi 7 février, l'équipe de la librairie érotique La Musardine organise à la galerie Delire en formation une soirée de lectures érotiques : Eloge de la masculinité, à partir de 19h.

Commentaires (1)

1. Lucas 17/03/2012

je recherche, une amie, Michèle Larue cordialement

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