Article publié dans Le Lot en Action de mars (n°98), par Bill, mis en ligne le 18 mars 2016
Publié en 2014, j’avais été assez borné pour refuser de le lire. Je n’avais pas été convaincu par « L’insurrection qui vient » n’ayant rien trouvé de bien nouveau. Me décidant à le lire pour ne pas mourir aussi idiot que Glucksmann, j’ai été enthousiasmé par la lucidité du texte. Bien entendu j’aurais plein de choses à critiquer mais ce serait faire preuve de mesquinerie. Lucide sur tous les aspects de la contestation nouvelle, le texte peut faire grincer des dents à plein de gens. En effet, s’il commence par une affirmation joyeuse et positive (pour nous) « les insurrections, finalement, sont venues » elle est, dès le 3e paragraphe, compensée par « les insurrections sont venues, pas la révolution ». Ensuite, la critique se déroule en exposant les faits, les événements et leurs limites. Tout y passe, des AG et de leurs contradictions, à la cybernétique. Bien sûr en leur temps, les situationnistes, qui l’avaient vu venir, avaient déjà déclaré « avant la cybernétique les flics ». Mais ils n’en avaient pas connu les ravages. Les auteurs affirment froidement, et je les approuve, « L’économie politique régnait sur les élus en les laissant libres de poursuivre leurs intérêts. La cybernétique les contrôle en les laissant libres de communiquer ». Diagnostic définitif Marx affirmait en son temps (ils l’ont lu et le critiquent) « Plutôt une fin effroyable qu’un effroi sans fin, tel est le testament politique de toute classe agonisante ». Eux, désabusés, constatent après Debord, que l’état de crise permanente, et les peurs qu’elle engendre, serait plutôt devenu le mode de gouvernement du monde. « Il faut prévenir par la crise permanente toute crise effective. » Et quand ils analysent les processus démocratiques dans les assemblées, ce rêve de toutes les révolutions, ils osent affirmer, quitte à choquer fortement, « si l’insurrection a d’abord trait à la colère puis à la joie, la démocratie directe, dans son formalisme, est d’abord une affaire d’angoisse » pour finir par oser « Il n’y a pas à faire le procès de la démocratie : on ne fait pas le procès d’une angoisse ». J’ai dit qu’à le lire des dents crisseraient. À rapprocher de J.-P. Manchette qui avait écrit « Il ne faut pas laisser la critique du fascisme aux démocrates, pas plus qu’il ne faut laisser la critique de la démocratie aux imbéciles. »
Lucides encore une fois, ils comprennent et approuvent la lutte contre les grands chantiers comme la conscience des enjeux de la planification de l’espace.
C’est, bien entendu, écrit dans un français impeccable, ce qui ne fait que confirmer que depuis plus de 50 ans seuls les internationaux s’obstinent à vouloir écrire et donc, penser correctement. Et la fin du livre vaut son début. « Vivre tendu vers demain, marcher vers la victoire, est une des rares façons d’endurer un présent dont on ne se masque pas l’horreur. » « Devenir révolutionnaire, c’est s’assigner un bonheur difficile mais immédiat. »
Lisez-le, déjà dans mon entourage les avis sont partagés. Ce livre, à défaut de nous redonner totalement espoir, aura déjà servi à ça : nous faire réfléchir (et nous engueuler, mais c’est bien).
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