Livre : La traite des Slaves du VIII au XVIIIème siècles, l’esclavage des blancs

Article publié dans le n° de mars (n°109), par Bill et Coco, mis en ligne le 18 avril 2017

Un livre d'Alexandre Skirda, aux éditions Vétché, janvier 2016 (réédition), 246 pages, 20€, ISBN 295493901X

Culture la traite des slaves couveSkirda, spécialiste de l'histoire russe, surtout pour sa période révolutionnaire, s'est intéressé dans son dernier ouvrage paru initialement en 2010, à une période occultée de l'histoire de l'humanité :l'esclavage des Slaves pendant mille ans.

Il dresse de cette période et de ses conséquences un tableau proprement terrifiant. Mille ans de razzias, mille ans d'atrocités, mais aussi mille ans d’accommodements avec toutes les réglementations légales et religieuses et surtout mille ans de profits. D'époque en époque, tous vont plonger leurs mains dans des flots de sang : d'abord du VIIIème au XIIème, les Francs et les Scandinaves seront les principaux chasseurs et trafiquants jusqu'à ce que la conquête mongole du XIIIème siècle permette à Gênes et à Venise de prendre la relève sur ce juteux marché. Enfin les Tatars de Crimée, dès le XVème siècle, se chargeront de pourvoir à volonté le marché Ottoman.

Dans cette hallucinante évocation de l'horreur passent aussi les Radhânites, sorte d'aristocratie marchande juive, qui serviront d'intermédiaires entre l'Occident catholique pourvoyeur et le monde mulsuman consommateur. Notons que seuls étaient gardés vivants des razzias les adolescents, filles et garçons (les esclavons), le reste étant massacré parce que sans rapport sonnant et trébuchant. Les captifs étaient regroupés dans de grands centres urbains où ils étaient triés, castrés ou transformés en eunuques selon l'usage auquel ils étaient destinés. Dans nos belles contrées, ce fut Verdun qui eut longtemps ce privilège, les esclaves étant ensuite transférés jusqu'en Espagne musulmane avec la complicité des empereurs et rois très chrétiens. Les castrations et autres joyeusetés pratiquées dans des conditions d'hygiène douteuse provoquaient une mortalité massive (1 survivant sur 4 pour la castration blanche ou ablation des testicules, et 1 sur 10 pour la noire, émasculation totale du pénis et du scrotum), ce qui n'allait pas sans renchérir le prix des survivants. L'Église catholique et romaine interdisant officiellement le commerce avec le monde musulman qui, lui, interdisait la castration, ce furent les juifs Radhânites qui servirent d'intermédiaires dans cette lucrative activité pour répondre à une demande toujours croissante du monde arabo-musulman. Quant aux Slaves, chrétiens mais de rite orthodoxe, l'église catholique autorisait leur trafic puisque considérés canoniquement « sans âme ».

Après la conquête mongole, lorsque les pourvoyeurs auront changé, ce seront Gênes et Venise puis les Tatars de Crimée qui deviendront les principaux acteurs de ce trafic pour pour une demande en croissance continue vers l'empire Ottoman.

À partir de registres comptables, rigoureusement tenus par ces estimables commerçants, l'auteur évalue à 2 millions 500 mille Ukrainiens, Polonais et Russes capturés entre 1482 et 1760. Là aussi, pas de grandes considérations religieuses, seule la cupidité et l'ambition politique prévaudront, à l'instar de ce roi très catholique de Pologne (1634-1637) qui n'hésitera pas à s'allier avec les musulmans Tatars pour razzier la Moscovie concurrente. Un exemple parmi tant d'autres qui illustre parfaitement le fait qu'aucun des protagonistes issus des trois monothéismes ne se soient jamais embarrassés de considérations humanistes qui seraient parfaitement anachroniques, ou de considérations d'ordre religieux, d'autant que les textes fondateurs des trois monothéismes concernés n'ont jamais condamné l'esclavage, le considérant comme émanant de la volonté de Dieu ( Cf l’épître à Tite de Saint Paul).

Rappelons un fait marquant : c'est en 937 que pour la première fois le terme slave qui donnera esclave, remplace dans un document le mot latin servus ou le grec doulos.

L'auteur affirme que les transferts colossaux de richesse en or et en argent du monde musulman vers les centres occidentaux, conséquence de l'intensification du commerce servile slave, fut à partir du XIIème siècle, le moteur principal de décollement économique et politique de l'Occident.

Est-ce une des raisons inavouées (car inavouables) du quasi silence d'historiens, par ailleurs bien informés et bien documentés sur cette période ? Constatons aussi que cette omerta est le reflet de l'embarras causé par ce trafic de blancs qui peut être considéré comme encore plus « honteux » que celui des noirs. Où le racisme ne va-t-il pas se nicher ?

Pour toute personne qui s'intéresse à l'histoire, à la compréhension de nos sociétés jusqu'à la persistance de haines bien recuites, la lecture de cet essai s'avère indispensable.

 
 

 

 

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