Source : Le Lot en Action d'avril (n°99), par Bluboux, mis en ligne le 25 avril 2016
Si vos pas vous conduisent dans le Nord du Lot, sur la D 803 entre Martel et Souillac, vous ne pourrez pas échapper au cimetière de croix plantées sur l'espace en face de l'usine de la Solev : 88 croix pour 88 licenciements, annoncés aux salariés du plus gros employeur de la commune de Martel lors du Comité d'Entreprise du 16 février dernier.
La Solev (Société lotoise d'évaporation), premier pourvoyeur d’emplois autour de Martel, est une usine spécialisée dans la protection et la décoration des produits de luxe dans les secteurs des parfums, cosmétiques, spiritueux et instruments d’écriture. Spécialiste de la métallisation sur le verre et le plastique et de parachèvements innovants tels que la gravure laser depuis 1984, cette entreprise familiale lotoise, qui compte parmi ses clients l'Oréal, Procter & Gamble, a été vendue en 2011 par les frères Pivaudran au groupe Pochet, spécialiste du packaging de cosmétiques et parfums de luxe.
Face au dumping social forcené en Europe, notamment face aux pays de l'Est, le Groupe Pochet n'aura mis que 4 ans pour appliquer les traditionnelles méthodes libérales. Compétitivité oblige, il s'agit de tirer les salaires vers le bas et de diminuer tous les coûts possibles pour préserver les dividendes versés aux actionnaires. Pour ce faire, l'objectif est donc d'acheter des entreprises pour bénéficier de leur savoir-faire et de délocaliser la production en Chine ou dans les pays dont la main d’œuvre est bon marché. Le groupe Pochet possède ainsi 18 sites de production, dont 5 en Chine et au Brésil (chiffre d'affaires en 2014 de 464 millions d'euros).
En 2013, le groupe Pochet fait appel à un conseiller extérieur (aujourd’hui directeur général délégué de la Solev), pour redresser et mettre en place une nouvelle organisation de l’entreprise, passant par la suppression de plus d’un tiers de son effectif. On appelle ça un Plan de sauvegarde de l'emploi !
Et pour parachever ce plan, le groupe Pochet vient d'envoyer un « liquidateur » (Victor !), le nouveau directeur des ressources humaines, qui repartira sans aucun doute dès que la sale besogne sera effectuée.
L'intersyndicale (CFDT, CGT et FO) est vent debout contre ce « Plan de sauvetage de l'emploi » qui prévoit donc la suppression de 88 postes (solde négatif de 70 emplois) et se débat autant qu'elle le peut. L'opération des 88 croix, réunion avec le préfet, saisine des élus (qui semblent être aux abonnés absents)… mais la tâche est difficile. L'entreprise compte aujourd'hui 263 salariés (245 CDI et 14 CDD) et de nombreux intérimaires (de plus en plus nombreux...). Face à la menace de perdre leur emploi, les salariés sont tétanisés, espérant ne pas faire partie du lot des perdants. Quand aux promesses du groupe Pochet de proposer des postes (une trentaine) au sein de ses filiales en France, peu nombreux sont ceux que cela fait bondir de joie…
Nous ne redirons mot des manquements de cette société aux règles de la protection de l'environnement. Rappelons simplement que depuis 2008, elle est mise en demeure par la préfecture du Lot de respecter les valeurs limites d'émissions de composés organiques volatils non méthaniques (COVNM). Ces composés regroupent un grand nombre de produits qui peuvent être toxiques ou cancérigènes et contribuent à la formation de l'ozone dans la basse atmosphère.
Bref, le groupe Pochet est un vrai prédateur financier, tenant les humains et l'environnement pour variables d'ajustement. Il serait logique et légitime que nous puissions leur faire rendre les millions d'aides directes et indirectes reçues depuis des années au nom de la préservation de l'emploi… Surtout qu'ils ont les moyens de les payer !
Pour en savoir plus
Une émission sur Décibel FM (Les spéciales, édition du 21 mars) : http://bit.ly/1pZVsuI
Le Lot en Action, 24 avenue Louis Mazet, 46 500 Gramat. Tél.: 05 65 34 47 16 / [email protected]