Liberté de la presse : Procès Bolloré contre Basta

Le Lot en Action, par Bluboux, mis en ligne le 23 février 2016

Bollore huile de palme journaliste intimidationNous vous l'avons annoncé dans notre numéro de novembre, le puissant groupe Bolloré a déposé une seconde plainte en diffamation contre le site d’information de Basta mag et neufs journalistes et blogueurs pour un article qui met en lumière l'accaparement des terres en Afrique. Le procès a eu lieu le 11 février dernier.

L’accaparement des terres en Afrique ou en Asie serait-il devenu un sujet impossible à évoquer sans risquer une longue procédure judiciaire ? Informer sur les mises en cause de la Socfin, une holding luxembourgeoise dont plusieurs entités du groupe Bolloré sont actionnaires, par des organisations internationales et des communautés locales serait-il tabou ? La réponse est « oui » pour le milliardaire breton, qui poursuit les journalistes en diffamation. Le procès a eu lieu le 11 février dernier au tribunal de grande instance de Paris. Huit heures d'audition. Neufs prévenus, cinq témoins et huit avocats ont défilé à la barre : il s'est joué là le procès d'internet, du journalisme, du lien hypertexte, des nouvelles manières d'informer, de l'agrobusiness, de l'extorsion de terres, des grands groupes et des petits médias… (voir le compte rendu de l'audition sur le site du Nouvel Obs)

Le jugement sera rendu le 7 avril prochain, et nous ne manquerons pas de le commenter dans notre édition de mai…

Nous vous invitons à lire ou relire l'article (prémonitoire) que nous avons publié dans notre numéro d'octobre (3), traitant de l'accaparement des médias par le groupe Bolloré, à la suite du rachat de Canal+ et que nous publions à nouveau ci-dessous.

 

Bolloré s'offre Canal+ : L'accaparement des médias

Par Bluboux (Laurent Cougnoux), publié dans le Lot en Action n°94 (octobre 2015)

Bollore s offre canal« Vincent Bolloré a été nommé président du conseil de surveillance de Groupe Canal +. » Le communiqué publié jeudi 3 septembre par Vivendi, sa maison mère, concrétise une nouvelle donne au sein du groupe audiovisuel. Le milliardaire breton est désormais le nouveau capitaine de Canal+. Il avait pris le contrôle du groupe Vivendi au printemps dernier et avait déjà mis les pieds dans le plat en dézinguant les « Guignols » (certains ont avancé que c'était pour faire plaisir à son ami Sarkozy). La chaîne « bobo parisienne » n'a qu'à bien se tenir, virage à droite toute !

Et pour ceux qui en doutaient encore, le 24 septembre dernier, l'animatrice du « Grand Journal », Maïtena Biraben, a levé le voile en faisant allusion deux fois, au cours de l’émission, au « discours de vérité » du Front national, dans lequel, selon elle, « les Français se reconnaissent ».

Si vous avez gardé « les Nuls » ou « les Guignols » en tête lorsque l'on évoque Canal+, il est temps de changer de registre !

 

Bolloré n'est pas qu'un milliardaire qui se fait plaisir en achetant Canal+. Le groupe Bolloré, qui réalise près de 11 milliards de chiffre d'affaire annuel, sévit dans les transports, la logistique, la distribution d'énergie, l'industrie du papier et du film plastique, et l'agriculture puisque le groupe Bolloré cultive des palmiers à huile et des hévéas en Afrique et en Asie sur plus de 100 000 hectares. Depuis les années 2000, le groupe se diversifie dans l'automobile, la communication, les télécommunications et… les médias. Bref une vraie multinationale qui a besoin des leviers d'opinions pour couvrir ses multiples activités et tenir les politiques.

L accaparement des terres 2Délire de gauchiste ? Jugez plutôt : en décembre 2010 Rue 89 publie un article, relayé par France Inter concernant les déboires de Bolloré en Afrique pour violation des règles de l'OCDE dans ses plantations de palmeraies camerounaises. Le magazine et la radio sont poursuivis en justice. Plus précisément, le directeur de publication de Rue89 et l'auteur de l'article en question sont mis en examen en août 2011, de même qu'un journaliste de France Inter, Benoît Collombat.

En 2012, Oakland Institute publie un rapport concernant l'opposition de la population de Sierra Léone et sa répression, face au développement des plantations de palmiers à huile de Bolloré, qui dénonce les conditions de travail et les bas salaires pratiqués sur ces exploitations.

En 2013 le groupe poursuit en diffamation deux magazines en ligne, Basta ! et Rue89, à la suite d'un article sur l'accaparement des terres : plusieurs journalistes sont mis en examen le 1er août 2013 au tribunal de grande instance de Paris.

En 2015, des paysans cambodgiens assignent en justice, en France, la société Bolloré pour « la perte de leurs ressources économiques, la destruction de leurs lieux de culte et la dégradation de leur environnement » suite au développement des cultures d'hévéa.

Nous ne ferons pas la liste des médias que Bolloré contrôle aujourd'hui, notamment via Vivendi (mais pas que), puisqu'il nous faudrait un peu plus de place. Mais la stratégie de la maîtrise de l'opinion, via les médias, est aujourd'hui un pan majeur de la politique de développement des multinationales. Alors vive les médias libres !

 

Pour en savoir plus

Lisez l'excellent dossier suivi par Greenpeace, Menaces sur les forêts africaines

 

 

 

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