Gardarem lou Frau !

Le Lot en Action, par l'APSMB, mis en ligne le 26 septembre 2015

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« Quand tu veux tuer ton chien, tu dis qu'il a la rage... »

Ce vieil adage prend toute sa signification dans le sujet qui nous préoccupe avec la visite de Madame la Préfète du Lot, dans les vergers à graines de l’ONF sur le Frau de Lavercantière, le mardi 15 septembre à 10 heures.

Etaient conviés, à cet évènement, l’état major de l’ONF en grande tenue, l’élue locale au Conseil Départemental, les membres du conservatoire régional des réserves naturelles, le Maire de Lavercantière, les représentants du GADEL et de l’Association pour la Préservation des Sites Menacés en Bouriane et bien entendu « la voix de son maitre » : la Dépêche.

Pour ce qui est de l’ONF, après avoir entendu tout et n’importe quoi jusqu’à présent, il est clair qu’ils ont choisi leur camp : celui de l’industriel, en prétextant que les vergers à graines du Frau souffraient déjà du réchauffement climatique pour ce qui concerne certaines espèces de résineux et qu’il était opportun, pour eux, d’anticiper et de rapatrier une partie de ces vergers, environ 17 hectares, dans le Ségala où la pluviométrie est plus favorable. Et qui va payer ce déménagement pour pouvoir étendre son exploitation dans cette direction ?

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Pourquoi ne pas leur suggérer qu'au contraire, le fait de garder ce verger permettrait justement de bien étudier les effets du réchauffement sur les plantations de résineux et par la même, d'être plus performant dans la sauvegarde des espèces. Voila 60 ans que ces plants sont suivis, ils auraient, là, un sujet d'étude sur le comportement du végétal et sur un cycle de vie complet pour une espèce . .
Sont-ils des scientifiques ou bien des industriels du bois qui, dès qu'un produit n'est plus rentable, on s'en défait ?
C'est une autre approche du problème...

Frau 8Le Conseil Départemental ? Sa Représentante ne connait pas le dossier, elle est là pour écouter et ne connait même pas la position du Président qui, lorsqu’il nous a reçu, déclarait en substance : « Imérys a pris ce qu’il avait à prendre maintenant cela suffit, il faut qu’il parte et si l’Etat veut transférer les vergers à graines au Département du Lot, je suis preneur… ». La position de sa députée, qui a posé la question à l’Assemblée nationale et a demandé la préservation du site du Frau, elle ne la connait pas d’avantage. Ce qu’elle oublie, c’est que durant sa campagne pour son élection au Conseil Départemental, nous avions pris grand soin de la questionner sur le sujet et nous lui avions remis un dossier technique lui permettant de se documenter. Que faut-il en penser ? Que la collusion par la voix du silence est assimilable à une corruption passive ?

Les membres du conservatoire régional des réserves naturelles, quant à eux, étaient un peu gênés aux entournures, dans la mesure où ils avaient été embauchés par Imérys pour une mission de conseil dans sa réhabilitation. Ils ont fini tout de même par dire que, même si ce site des vergers à graines n’était pas la panacée en matière d’espace naturel, il méritait son classement au titre de réserve naturelle au sein du conservatoire régional. On voit bien là les moyens qu’utilise l’industriel, en associant tous les acteurs reconnus dans le milieu forestier, comme dans le milieu de l’environnement pour se payer une virginité…

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Frau 3Le Maire de Lavercantière, Monsieur Gilles Villard, a rappelé quant à lui que : L’Etat a investi des sommes considérables pour les créer. Il a acheté une ferme, construit de grands locaux techniques (hangar), créé un laboratoire, pris en location des terrains supplémentaires, planté et fait pousser pendant 45 ans les arbres. Récemment, en 2010, il a demandé à acquérir des surfaces nouvelles. Décider la destruction de tous ces investissements serait un énorme aveu d’échec. Que ces équipements qui ont coûtés si chers et qui ont mis tant de temps à être constitués à cause de la nécessité d’attendre que les arbres aient poussé, soient détruits, aurait un effet catastrophique sur l’idée qu’a le public, de l’utilisation des deniers publics par l’Etat. Cette décision étant d’autant moins attendu que l’ONF a toujours communiqué sur la réussite des travaux, notamment au niveau de l’amélioration génétique. Lavercantière est le pôle principal avec sa ferme forestière au niveau des vergers à graines. Si certaines essences sont en surnombre, ces espaces doivent être utilisés pour tester de nouvelles espèces dans le cadre du réchauffement climatique. C’est d’ailleurs ce qui nous a été dit en 2010 lorsqu’on nous a demandé davantage de terrain. Imaginer déplacer les vergers vers un autre site est doublement scandaleux. Cela implique la destruction de ceux que nous avons et qui ont coûté si cher en argent et en temps. Cela implique un coût au moins aussi important pour en reconstituer d’autres ailleurs. Payer deux fois la dépense d’une action qui coûte déjà très cher est catastrophique.

En outre, il a rappelé à Madame la Préfète du Lot la question qu’elle avait posée lors de la visite de la carrière, au Directeur d’Imérys, devant son insistance à vouloir démontrer l’utilité de sa carrière pour le secteur.

Que se passait-il avant votre arrivée ?

Réponse évasive bien sûr.

Frau 6En fait il y avait deux entreprises à Saint Denis Catus qui avaient exactement la même activité. Elles avaient et ont toujours pour objet principal d’extraire et de fournir du sable et des granulats aux entreprises du bâtiment et des travaux publics locales et elles y arrivaient parfaitement. En même temps, elles recueillaient les galets et les expédiaient comme Imérys.

Mais leur activité est liée principalement à la demande locale de matériaux et leur consommation de terrain est raisonnable, beaucoup plus respectueuse de l’avenir pour nos approvisionnements.

Ces deux entreprises étaient très inquiètes pour leur activité lorsqu’Imérys est arrivé. Elles l’ont dit fortement. Imérys a du prendre des engagements de ne pas les concurrencer localement. Avec le temps elles ont du collaborer avec Imérys et s’entendre avec, sinon elles auraient disparu, car avec la surabondance de matériaux (sable notamment), Imérys peut faire des prix très bas, ce qui les mets en difficulté. Pour le moment Imérys s’est limité à baisser ses prix ailleurs que sur le secteur (vu son engagement).

En fait pour l’approvisionnement local, Imérys n’était pas du tout nécessaire, c’est plutôt un élément perturbateur sur le plan commercial. Qu’adviendrait-il s’il faisait disparaître les deux entreprises préexistantes (absorption ou faillite), sans parler de la disparition des emplois, il serait ensuite en situation de monopole et pourrait augmenter les prix comme il voudrait pour prendre une rente de situation.

Imérys est là essentiellement pour les galets de quartz. Le sable n’est qu’un sous produit que l’on écoule pour faire plus d’argent. Comme le sol n’est pas plus riche en galets qu’ailleurs, contrairement à ce qui nous avait été raconté au début (Zones avec très peu de galets, dent calcaire,…), pour atteindre les objectifs que s’est assigné Imérys, il faut consommer de grandes superficies et aller à des profondeurs considérables (40, 50 mètres voire plus). Ainsi en 15 ans, au lieu des 15ha annoncés (1 ha par an), ce sont 55ha qui sont déjà détruits, soit environ 3,5ha par an.

L’extension demandée dans les vergers à graines porte sur 70ha pour 20 ans.

Soit 70/20 = 3,5ha par an.

Les 55 ha qui sont déjà consommés auraient duré 55 ans si un seul hectare avait été consommé par an.

Frau 2En fait, en quelques décennies, tous les matériaux exploitables que contient notre riche sous-sol vont être consommés et bradés (sable notamment). Imérys n’arrête pas de se venter du nombre de trains qui partent et n’attend que la reprise économique pour en faire partir encore davantage. Nous gaspillons cette richesse locale pour quelques emplois et très peu de taxes (rien à Lavercantière, très peu à Thédirac).

Les générations futures devront aller chercher les matériaux ailleurs alors que nous en avons en abondance sur place. Quand on sait que s’agissant de ces matériaux, une grande partie du prix c’est le transport (souvent la moitié), il faudra payer des sommes considérables plus tard en transport de matériaux à cause de l’erreur faîte aujourd’hui en détruisant nos réserves.

Nous avons abordé également, en tant qu’associatifs, l’impact de cette exploitation industrielle sur l’eau, tant d’un point de vue des pollutions diverses, qu’entraine inexorablement ce type d’exploitation, que du point de vue de la ressource, le Frau étant un aquifère dont le réseau hydrique de notre département dépend en grande partie. Nous avons aussi, une nouvelle fois, démystifié le chantage à l’emploi qui servirait à justifier le désastre écologique déjà consommé et à venir…etc.

Demain, les décideurs, quels qu’ils soient, prendront leur décision en toute connaissance de cause, le travail d’alerte, de mobilisation, de recherche, d’information, a été mené à son terme. Aujourd’hui, il ne nous reste que notre capacité citoyenne à résister, à faire en sorte que, quelle que soit la décision qui sortira du chapeau, nous resterons sur le terrain pour nous opposer avec force à l’appétit féroce de ces multinationales qui ne respectent rien, si ce n’est que la notion de leur profit toujours inassouvi. Nous n’abandonnerons pas notre territoire, c’est notre lieu de vie et nous sommes prêts, si les vents lui étaient favorables, à œuvrer pour son développement durable et le débarrasser définitivement des menaces industrielles qui le guettent.

GARDAREM LOU FRAU !


 

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