Erri de Luca, dangereusement intègre...
Source : Le Lot en Action n°89 (avril 2015), par l'Atra-Bill-R, mis en ligne le 19 juin 2015
Erri de Luca, écrivain italien, existe. Il écrit et je le lis. C’est comme cela que je l’ai rencontré, mais bien que quelques unes de ses passions me soient étrangères, son vécu et la grandeur de ses désirs ont été et sont toujours les miens.
Pendant 20 ans, comme beaucoup d’entre nous, il était ouvrier et il lisait. Là est le danger ; laisser un ouvrier lire. Parce qu’ensuite il peut se mettre à peiner et même parfois (quelle horreur !) à écrire. De Luca a eu sa part dans les temps troublés des brûlantes années 70, et en Italie l’incendie a duré 10 ans. Le pouvoir traumatisé ne peut le pardonner. Contrairement à beaucoup, De Luca est resté digne et fidèle à ses engagements sans quémander aucune sorte de place dans le spectacle. Aujourd’hui l’État italien a engagé des poursuites à son encontre. Sous quel prétexte ? Pour apologie du terrorisme, bien sûr ! (Il est vrai qu’en matière de terrorisme, l’État italien est un expert depuis 1920). De Luca a eu l’outrecuidance de contester le bien-fondé de la ligne de TGV Lyon-Turin et dénoncer le massacre environnemental que sa mise en place induirait.
Ce projet et sa mise en œuvre sont privés, mais comme il est classé d’intérêt public, ce sont les contribuables qui le financent. Et ce sont les pouvoirs publics italiens qui entament des poursuites pour défendre les intérêts privés contres les lâches agressions verbales de De Luca. C’est l’État italien qui instruit à charge et condamne dans le même mouvement. Ce même État, héritier dégénéré du fascisme, tient davantage de la mafia qu’autre chose. Lui qui a été complice des attentats commis par les réseaux de l’OTAN pour déstabiliser les mouvements sociaux, complices des traficotages vaticano-financiers de la banque Ambrozziano, dont beaucoup « d’honorables représentants » étaient membres de la loge Potere Duo (les plus emblématiques de cette racaille : le très honorable sénateur à vie Andreotti, ancien premier ministre poursuivi pour complicité de crime mafieux et le bongabonga boy Berlusconi, tous les deux condamnés…et libres).
Et c’est cette fange qui ose poursuivre un homme parfaitement intègre (et par là même vraiment dangereux…). Même si De Luca pense que le temps des révolutions est dépassé, il était gauchiste, voilà ce que ne saurait lui pardonner un monde blâmable. Et il proteste encore, là est sa faute.
Car là où règnent les conditions modernes de la domination, seule est permise la soumission, l’ordre dictatorialo ne veut plus de critique, il ne veut même plus que la chose soit envisageable, mais de Luca ne rompt pas ni ne plie. Il maintient ses propos et déclare ne redouter ni la prison, ni la solitude. Son courage est exemplaire et tout doit être fait pour le soutenir.
Hasta siempre compañeros !
PS : si vous voulez l’aider, achetez tous ses bouquins, ou volez-les, ça lui fera des tunes pour cantiner, vous pouvez même pousser le vice jusqu’à les lire ou les offrir.
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