Source : articles publiés dans le Lot en Action de mai et juin 2015 (n°91 et n°92)
Par Jean Philippe et Joce (Chapô)
Les rédacteurs du Lot en Action lors de leurs pérégrinations sont habitués aux rencontres porteuses de sens et de belles perspectives. Cette fois, c'est Jean Philippe que j'ai rencontré au cœur des montagnes savoyardes. Entre une intervention de Roland Desbordes et de Luc Floissac, bien connus de nos colonnes, nous avons échangé autour d'un projet peu commun. Celui de réconcilier économie territoriale, éolien et citoyen. Nous avons choisi de vous présenter ce projet en deux temps, le premier laisse la parole à la démarche d'un simple citoyen au travers du témoignage de Jean Philippe. Le second, plus technique, sur le montage du projet et sa mise en œuvre vous attendra dans le prochain numéro.
Abordant la problématique de l'énergie avec seulement quelques grands principes physiques, un peu de bonne volonté et un fort intérêt, je me suis assez vite rendu compte que la démarche solitaire et autonome trouvait rapidement ses limites … physiques. En effet, en regardant de près mon environnement, mise à part le bois pour la production de chaleur; les énergies renouvelables s'incarnaient dans plusieurs appels hebdomadaires par un esclave moderne pour me vendre des panneaux photovoltaïques multinationaux, le ruisseau en bout du jardin qui avait l'air d'avoir envie de vagabonder dans sa campagne bucolique plutôt que de me fournir quelques kilowattheures et les rafales de vent caressantes ou virulentes suivant nos humeurs respectives. Je m'intéressais donc à ce dernier élément aérien. Les différents retours d'expérience que j'avais sur les éoliennes de toiture m'ont vite dissuadé.
C'est après ce tour d'horizon peu enthousiasmant que j'ai entendu parler d'un projet collectif d'implantation d'un parc éolien. Des citoyens de mon acabit avait fait la même démarche et s'étaient rapprochés de la communauté de communes voisine « des monts du Pilat »qui voulait développer les énergies renouvelables sur son territoire à condition que cela se fasse avec les administrés.
La physique nous rattrapait : les vents sont plus facilement exploitables au sommet d'un grand mât et la surface turbinée est fonction du carré de la longueur de pales. C'est à dire que lorsqu'on double la longueur de pales, on multiplie par quatre la puissance de l'éolienne. L'expression « l'union fait la force » prenait tout son sens.
Réunis en association « Énergie Commune Renouvelable », nous avons participé avec la communauté de communes au choix d'un partenaire industriel qui accepterait nos conditions, à savoir le partage de la gouvernance, l'entrée au capital de la collectivité publique et des citoyens, et des retombées conséquentes pour le territoire.
Pour porter ce projet, il a été créé une Société par Actions Simplifiée dans laquelle l'industriel prend plus de risques que la communauté de communes et le collège citoyen, chacun apportant 25 % du capital. En effet, le développeur sélectionné a accepté d'apporter à ses risques les 150 000€ de fonds
de roulement qui manquait au 150 000€ de capital pour payer les études. L'association ECR s'est chargée de l'information et du recrutement des citoyens de la communauté de communes volontaires pour investir dans le projet au risque de perdre toute la mise. Priorité a été faite au plus petit demandeur de manière à répartir le plus possible les actions. La rédaction des statuts et du pacte d'actionnaires a permis de borner les choses comme le partage de la gouvernance quelque soit les parts de capital après son augmentation à l'entrée en phase de construction ou la manière de répartir les parts pour que ce projet ne puisse pas laisser de place à la spéculation. C'est peut-être une façon de faire pour que les éoliennes bénéficient aux gens qui sont à proximité.
par Philippe Heitz
Dans le précédent numéro de LEA, Jean-Philippe retraçait la démarche qui fit se réunir en 2010 des citoyens pour participer avec les élus de la communauté de communes des Monts du Pilat (CCMP) à la mise en route d’un projet éolien participatif, sur une crête aux confins de la Loire, de l’Ardèche et de la Haute-Loire. La force de ce projet vient de la symbiose peu fréquente entre élus, citoyens et industriel, chaque partenaire apportant sa spécificité. Comment organiser ce partenariat ?
L’ingrédient de départ fut la volonté politique des élus communautaires de maîtriser le projet, soucieux qu’ils étaient dès 2008 de ne pas connaître le sort des pays “en développement” dont les richesses naturelles sont exploitées sans réelles retombées locales. Un projet éolien venait compléter une politique locale de chaufferies bois et réseaux de chaleur et de bâtiments publics basse consommation. L’ouverture d’esprit des élus permit aux citoyens motivés par la transition énergétique, regroupés au sein de notre association Énergies Communes Renouvelables (ECR), d’apporter en 2010 un complément d’expertise et d’énergie en participant au comité de pilotage.
Notre association, plus rapide et légère que les collectivités soumises au rythme des délibérations des conseils, servit d’éclaireur pour sonder une demi-douzaine de développeurs éoliens à qui nous demandions de nous exposer leur vision d’un projet partagé avec le territoire. Ce qui donna les bases pour rédiger un appel à candidatures auquel répondirent une dizaine d’industriels, appelés à plancher sur deux scénarios : création d’une société d’économie mixte (SEM) à majorité publique à 50,1%, ou une société par actions simplifiée à 50% pour l’industriel, 25% pour la communauté de communes et 25% pour le collège des citoyens. Au terme d’une sélection menée conjointement par les élus et ECR, le développeur Quadran (ex-Aérowatt) fut choisi en 2011, notamment pour son expérience sur un autre projet participatif.
Les études de vent et environnementales pouvaient démarrer, et en novembre 2013, la SAS les Ailes de Taillard était créée, associant Quadran, la SEM départementale d’énergies renouvelables (SEM Soleil) représentant la CCMP, 120 citoyens individuels, 2 CIGALES, 5 associations et la SCIC Énercoop Rhône-Alpes. La structuration juridique fut longue à organiser, car la France ne facilite pas la participation citoyenne, au contraire de l’Allemagne, de la Belgique ou du Danemark. Pour respecter la réglementation de l’Autorité des Marchés Financiers interdisant les réunions publiques , nous avons emprunté aux pionniers bretons d’Éoliennes en Pays de Vilaine (Bégawatt) le concept de réunions “Tupperwatt”. La CCMP ayant confié l’organisation de la participation citoyenne à Énergies Communes, avec un cahier des charges sur l’ouverture à tous les habitants de la CCMP, la CCMP et ECR ont informé ces derniers par presse et affiches de cette opportunité, en invitant les candidats à contacter ECR qui en retour les invitait à des réunions d’information privées.
Les actionnaires citoyens détiennent chacun entre une et quatre actions de 100 euros, et collectivement 25% du capital initial de 150 000 euros. La SAS est contrôlée par un comité stratégique dont la composition restera stable (4 sièges Quadran, 2 sièges SEM Soleil, 2 sièges citoyens) quelle que soit la dilution probable de l’actionnariat citoyen au moment de la construction des 10 éoliennes de 2 à 3 MW, au plus tôt en 2017. 120 citoyens (plus 26 cigaliers), cela reste peu par rapport à une population de la CCMP de 16 000 habitants.
Le projet est-il soutenu par les habitants ? Deux signes prouvent que oui. En 2013, ce sont les habitants des deux villages d’assise du projet qui ont le plus investi dans la SAS. Et en octobre 2014, lors de l’élection de la commission syndicale de la section de commune propriétaire de la moitié du foncier du projet, l’ancienne équipe opposée au projet a été remplacée dès le premier tour par une liste favorable, avec 70% de participation : le verdict des urnes a été sans appel. Résultat certainement le fruit de cinq années d’information des habitants par réunions ou ateliers publics, conférences, visites, newsletters internet, lettres d’infos imprimées...Et un chouette pique-nique au pied du mât de mesure de vent !
Pour contacter ECR : Philippe HEITZ 06 52 58 40 71 [email protected]
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