De Jésus à Cabu : la non-violence assassinée
Source : Le Lot en Action n°87 (février 2015), par Senga, mis en ligne le 19 juin 2015
Janvier 2015, en France, pays de la Liberté et des Droits de l'Homme, dix-sept personnes ont été tuées parce qu'elles étaient juives, exerçaient certaines professions (dessinateurs et policiers) ou ont eu la malchance de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Elles ont été exécutées par d'obscurs fanatiques haineux qui préféraient la mort à la vie. Juste l'inverse des dessinateurs de presse du journal satirique Charlie Hebdo qui étaient des hommes lumineux, pleins d'esprit, d'humour et d'intelligence, connus - sinon appréciés - de tous les Français. Si, comme tout journal, Charlie Hebdo aborde les sujets d'actualité, il est le seul où, chaque semaine, la fine équipe milite pour la cause animale. En effet, tous ont produit des dessins critiquant la chasse, la corrida, la vivisection, etc... Pour les cent ans de la LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux), le journal a édité un album intitulé Du goudron et des plumes et une exposition itinérante de dessins du recueil a été présentée partout en France. Ah ! Ces petits oiseaux qui osent dire aux beaufs qui pointent leurs armes sur eux "Chasseurs, gros cons" me réjouissent. Si j'avais su dessiner, j'aurais pastiché celui-là avec un petit oiseau qui brandit une pancarte "je suis Charlie" à la face d'un terroriste cagoulé et armé d'une kalachnikov.
Parmi les cinq dessinateurs de Charlie Hebdo victimes des barbares, Cabu était sans doute le plus populaire. En ce qui me concerne, j'ai juste un an de plus que le Grand Duduche et pour moi, Cabu était le type même de l'homme doux, gentil et drôle. Antimilitariste, écologiste, opposant à la chasse, végétarien, il était non-violent. Il est affligeant de constater que, depuis Jésus en passant par Gandhi, Martin Luther King ou John Lennon, ceux qui ont appelé à la non-violence, soient morts assassinés. Les chefs de guerre sont suivis aveuglément ; on fait taire à jamais les "chefs de paix".
La violence est générale. On sait ce qui se passe actuellement en Syrie, en Irak, au Nigéria et ailleurs. Ces milliers d'armes redoutables qui circulent partout dans le monde et se retrouvent dans les mains de fous furieux qui n'hésitent pas à s'en servir face à des gens sans défense et qui ont la prétention et la bêtise de se croire des héros. Mais elle est aussi insidieusement présente dans notre quotidien, et jusque dans les paroles de notre hymne national. Si, comme j'imagine beaucoup de Français, je ne suis pas insensible aux accents de la Marseillaise, les mots se bloquent en travers de ma gorge : cet appel aux armes et à faire couler le sang - qui plus est impur - m'est inacceptable. Hubert Reeves l'a justement fait remarquer dans un article et souhaiterait que certains passages soient réécrits. (1) Un parolier talentueux saisira peut-être l'occasion.
Puissent les manifestations contre le terrorisme et pour la liberté d'expression qui ont fait chaud au cœur ne pas être qu'une réaction émotionnelle transitoire, mais l'affirmation d'une réelle volonté de vivre ensemble et l'opposition à toute forme de fascisme.
(1) Reeves : quand la Marseillaise n'est pas adaptée... Le Point du 12/01/2015
Ci-dessous, l'un des derniers dessins de Cabu, dédié à l'association L214
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