Les Systèmes d’Echanges Locaux

Le Lot en Action n°16 (20 mai 2010)

Les Systèmes d’Echanges Locaux ont vu le jour en France dans les années 90, en Ariège tout d’abord, puis se sont très rapidement développés en essaimant dans toute la France. Le principe est simple, puisqu’il s’agit de mettre en place entre les adhérents un système d’échange, économique ou non, qui se passe de la monnaie. Pour faire simple : je te répare ta voiture, je te rends donc un service, mais ce n’est pas forcément toi qui va me le rendre, mais un adhérent au SEL. Une heure valant une heure, c’est peut-être un autre adhérent qui va me dépanner en gardant mes enfants ou en m’aidant au jardin. Ces échanges peuvent porter sur des services, mais également des biens. On s’approche alors du troc. Des  passerelles peuvent être créées entre biens et services : je t’aide à refaire la toiture de ta maison, et toi, ou un autre membre du SEL, me fourni en légumes de son jardin ou de sa ferme.


L’idée est séduisante puisque non seulement la monnaie peut disparaître (cependant  beaucoup de SEL ont recours à une monnaie de substitution), mais en plus les échanges ne sont pas pris en compte par l’état, donc ni TVA ni impôts. C’est la raison pour laquelle vers le milieu des années 90 les SEL ont eu tant de succès, et l’état est intervenu en trainant devant les tribunaux un SEL de l’Ariège. Ce procès qui a fait grand bruit à l’époque, a fait jurisprudence : les SEL sont légaux, mais les services apportés par un professionnel dans un échange, doivent supporter la TVA et être inclus dans le chiffre d’affaire du professionnel (un garagiste qui échange un service en offrant de réparer une voiture rentre dans cette définition. En revanche, s’il offre un service autre que de la mécanique auto, il est considéré par l’administration fiscale comme un seliste habituel, donc non soumis à cette règle).  Cette affaire a porté un coup dur au développement des SEL.


Pourtant certains selistes font acte de désobéissance civile. Des producteurs bio par exemple, jouent le jeu de l’échange au sein des SEL. On peut donc tout imaginer et la souplesse de ces structures associatives ouvre un large spectre dans les outils d’échanges alternatifs et solidaires. Pour fonctionner correctement, une certaine mixité sociale est importante ainsi qu’une dynamique forte. De nombreux SEL aujourd’hui ronronnent et n’organisent que quelques bourses d’échange ou quelques journées de travail collectifs, de sorties, de balades etc. D’autres, beaucoup plus dynamiques, sont générateurs de liens sociaux forts, de réseau de solidarités actifs et efficaces et deviennent de vrais outils d’échanges solidaires, arrivant même à se passer de toute monnaie de substitution. Et l’idée est assez géniale, puisque si vous avez des fins de mois difficile, mais que vous ayez des connaissances ou des savoirs faire qui peuvent servir à d’autres, ces talents peuvent se transformer en nourriture pour toute la famille ou en bois de chauffage pour passer l’hiver tout en entretenant une relation solidaire et sociale forte dans un groupe local.

Qu’est-ce qu’un SEL ?
« Les richesses des 350 habitants les plus riches de la terre est égale à la « richesse » (ou la misère ?) des deux milliards trois cents millions des habitants les plus pauvres. Le système monétaire archaïque et périmé continue à régner en faisant des ravages dans l’humanité et nos télescopes sont si puissants que nous ne pourrons plus voir ce qui se passe ici, chez nous. » François Terris.
C’est sur ce malheureux constat que le SEL est né, d’abord outre atlantique, puis en France, en 1995. Il y a maintenant des SEL un peu partout dans le monde, dont plus de 300 sur notre territoire.


Concrètement, un SEL, c’est quoi ?
Les Systèmes d’Echange Local, ou Services d’Echange Local, sont des groupes de personnes qui pratiquent l’échange multilatéral de biens, de services, et de savoirs. Après cette définition générique, la diversité est de mise entre les différents groupes :
Statut juridique : association de fait ou association déclarée loi 1901.

Conditions d’adhésion :
Le plus souvent, une contribution financière est demandée (son montant est très variable) afin de couvrir les frais d’édition et distribution d’un catalogue et /ou bulletin. Certains SEL adoptent le principe du téléphone...arabe ou non. Offres et demandes : le plus souvent, un catalogue est édité, regroupant les offres et demandes de chaque membre, sans aucune censure à l’imagination.
Certains estiment néanmoins que les offres ayant trait à l’ésotérisme, par exemple, peuvent être préjudiciables et les interdisent.
En plus de ce catalogue (ou inclus à celui-ci), beaucoup éditent des bulletins par lesquels les membres du groupe peuvent s’exprimer sur des sujets plus ou moins vastes.

Mesure des échanges :
Les échanges sont le plus souvent comptés en référence au temps passé. Par exemple, 1 minute = 1 fleur ou 1 grain de sel ou...un hippopotame. Mais là encore, l’imagination s’exerce avec brio !
La tendance générale est de s’affranchir de la parité avec l’euro. Certains utilisent des feuilles « d’échange » (ou « de richesse ») sur lesquelles les participants notent avec qui ils ont échangé et combien d’unités doivent être créditées ou débitées.

D’autres utilisent pour cela des coupons à trois volets (un pour chacun des participants, et un pour le « compteur » du SEL).  Coupons ou feuilles sont retournés périodiquement au « compteur » afin que les comptes de chacun soient tenus à jour ; généralement, ces comptes sont portés à la connaissance de tous. Dans d’autres groupes, des expérimentations d’absence partielle ou totale de comptage sont tentées. Quelque soit le système choisi, l’écrasante majorité s’accorde à penser que le nombre d’unités n’est que la mémoire de l’échange, pas sa valeur et que le lien est bien plus important que le bien.

Marchés :
Aussi nommés Bourse Locale d’Echange, ils sont organisés entre une fois par quinzaine et une fois par trimestre. Ils sont généralement l’occasion privilégiée d’un moment convivial (suivis d’un repas commun, d’une soirée animée, etc...).
Ils sont parfois ouverts aux « visiteurs », à qui l’ont remet des tickets afin qu’ils puissent échanger eux aussi, bien que n’étant pas adhérents d’un SEL Palabres : dans certains groupes, des rencontres régulières ont lieu afin d’échanger non plus des biens ou des services, mais des mots et des idées, en rapport plus ou moins lointain avec le SEL

Animation du SEL :
Certains élisent un conseil d’administration, d’autres choisissent un conseil d’animation (ou vice versa)...les « mandats » sont donnés parfois pour une opération, un semestre, une année...
Ces personnes se rencontrent une fois par semaine, par mois ou tous les deux mois...La volonté la plus commune étant que le maximum de membres participent à un moment ou un autre, en dehors de toute hiérarchie, dans un climat de totale démocratie.

Tâches administratives :
En quantité variable selon les objectifs et convictions de chaque groupe, elles sont assumées par les membres du C.A. ou non, selon les groupes. Dans certains SEL le service rendu est considéré comme un échange avec l’association et donc compté comme n’importe quel échange. Dans d’autres SEL ce travail est considéré comme un acte militant, entièrement bénévole.
Entre les deux, il y a toute une gamme de nuances.

Création monétaire, ou « puits sans fond », ou « corne d’abondance » :
Cela signifie que le SEL peut donner autant d’unités qu’il le souhaite à ses membres, même s’il n’est jamais crédité. Certains SEL le refusent catégoriquement : pour eux, le compte du SEL ne doit pas risquer de devenir déficitaire.
D’autres l’adoptent sans modération : ils distribuent des unités à diverses occasions (inscription, participation à un marché, etc). Entre les deux, de nombreux termes ont été imaginés. Cette question fait l’objet de débats réguliers entre les membres des SEL, il est difficile de la résumer brièvement.

Monnaie fondante :
Certains SEL estiment que pour dynamiser les échanges, une solution est d’inciter les adhérents à ne pas conserver des soldes créditeurs. Ainsi, un taux d’intérêt négatif est appliqué.
Cela entre dans le cadre d’une grande réflexion économique qui ne se résumerait pas en deux phrases !

Inter-sel :
Certains estiment qu’il est préférable de rester strictement sur un plan local et développer ses ressources propres, d’autres pensent que la rencontre avec l’autre doit toujours être recherchée et qu’il faut à tout prix éviter le repli sur soi. Certains mettent des conditions plus ou moins pointues aux échanges entre membres de SEL différents, d’autres n’en mettent aucune.
La gestion humaine et pratique de ce type d’échanges est très variée et tout à fait expérimentale. En tous cas, cette question est au cœur des réflexions de nombreuses personnes des SEL. Ce qu’il y a de bien avec les SEL, c’est qu’ils sont tous différents...
Les buts et les moyens du SEL ne seraient pas définis de la même manière par tous. Pour certains, l’accent est mis sur l’économique : le SEL permet à ses membres de subvenir à certains de leurs besoins sans avoir à donner de l’argent. Pour d’autres, le SEL est surtout un acte de résistance constructive, de militantisme, contre la mondialisation et ce qu’elle engendre d’inéquitabilité et de misère. Pour d’autres encore, c’est l’aspect relationnel qui prime : le SEL permet la véritable rencontre avec l’autre, est un moyen de combattre l’exclusion ; au-delà de la « rencontre », c’est un véritable réseau de solidarité(s) qui peut se tisser.
D’autres encore insisteront sur ce que le SEL permet d’épanouissement personnel, grâce notamment à l’adoption de critères de valeur plus humains, à la possibilité de devenir utile à un groupe, etc.

Enfin, certains privilégieront le côté « intellectuel », voyant dans le SEL le lieu idéal de réfléchir sur le système économique dominant, la monnaie, les relations humaines, etc, et d’expérimenter des voies alternatives.
Le SEL, en vérité, c’est tout ça, et bien plus encore ! Si la diversité entre les gens et les groupes est importante, il y a néanmoins un « air de famille » frappant : une certaine volonté d’améliorer son quotidien et, de petits pas en petits pas, conduire le monde vers une société plus équitable, plus adulte, plus humaine. La route est longue, elle doit être pavée de respect de la liberté d’autrui, de tolérance. A partir de ces réflexions, certains ont imaginé que tous les groupes SEL pourraient se réunir autour du texte d’une charte qui définirait « l’esprit du SEL ». Ceci n’est encore qu’un projet, soumis à la réflexion de chacun. En effet, l’une des qualités assez répandue chez les gens des SEL est qu’ils chérissent leur liberté, et le mot « charte » fait parfois peur.

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Commentaires (2)

1. andre 05/03/2015

échangerais travaux de reliure,cadres,chaises,,couture,aide à la ferme,contre coupe d'herbe et débroussaillage,pour fermer mon jardin.à lalbenque.

2. BENNET aline 11/08/2014

je ime m'inscrit sur ce système que je trouve interessant, j'aime la communication,le jardinage,je suis comme tout le monde pourvu de plein de choses et vêtements que je n'utilise plus

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